Anna HALPRIN, ou [H. Ann ] (née en 1920). (suite)
Sa recherche met en place des outils de production du mouvement et de composition qui travaillent à affranchir le corps des modèles de la *modern dance au profit d'une approche sensorielle et relationnelle. Dans Five-Legged Stool (1962), elle opère une première rupture en introduisant le principe des *tasks [tâches] : les danseurs ont pour consigne des actions *quotidiennes simples (porter des objets, nettoyer, verser, etc.). Tout en se dégageant de la norme du mouvement « dansé », les tasks font apparaître le processus chorégraphique, lui-même déterminé par l'*aléatoire de la durée et de la spatialisation de l'action. Avec Exposizione, réponse à une commande de L. *Berio (1963), elle déplace la danse partout à l'intérieur et hors du théâtre. Elle investit des galeries, des lieux extérieurs (parking, chantier, plage). S'attaquant à toutes les conventions de la scène et du spectacle, elle permute les rôles entre danseurs, musiciens, plasticiens ; *Parades and Changes attaque le tabou de la nudité. Parfois violentes, les réactions du public face à ces formes iconoclastes servent de matériaux à un nouveau cycle sollicitant la participation active du public. City Dance (1976-1977) réunit le SFDW et plusieurs centaines d'habitants de San Francisco sur une partition qui se déploie à travers la ville. Avec Ceremony of Us (1969), le SFDW devient l'une des premières compagnies multiethniques, après quoi le gouvernement lui coupe les subventions. Elle présente New Time Shuffle (1970) dans les prisons. À la suite d'un cancer, elle fonde le Tamalpa Institute (1978), où elle propose un enseignement appelé « Life / Art Process » [processus vie / art] à partir de techniques somatiques, de danse, de visualisation et d'autoportrait. Là encore son travail excède la danse, et c'est avec des visées thérapeutiques qu'elle poursuit son œuvre. Inspirée par les danses des Indiens Pomo, elle refuse désormais l'idée de spectacle et présente des rituels qui incluent de larges groupes, dont *Circle the Earth (1986) est le plus emblématique.
Son œuvre vise une négation radicale des valeurs esthétiques existantes, notamment en abandonnant tout rapport mimétique du danseur au chorégraphe. Elle élabore un corps autonome, explorant chaque articulation ou segment à rebours de toute logique anatomique. Son travail d'atelier met l'accent sur les dimensions organiques du corps, le poids, la respiration profonde, la voix. Jouant des situations d'urgence, des tasks et de l'improvisation, elle recherche un corps tendu d'émotions en accord avec un monde en expansion. Son travail s'inscrit également de façon déterminante dans la nature, tandis que son engagement lui fait rencontrer les questions politiques des minorités. Son parcours peut s'envisager comme le trait d'union entre une certaine vision utopiste des avant-gardes historiques et une conception « an-héroïque » du corps. Anna Halprin a reçu de nombreux prix, dont le S. H. Scripps Award pour l'ensemble de son œuvre à l'*American Dance Festival (1997).
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Autres chorégraphies. Rites of Women (1959) ; Birds of America (1960) ; April 1962 Event (1962) ; Visage (1963) ; Procession (1964) ; Apartment 6 (1965) ; The Bath (1967) ; Myths (1967-1968) ; Lunch (1968) ; Look (1968) ; Event in Chapel (1969) ; Initiations and Transformations (1971) ; Ritual and Celebration (1977) ; Male and Female Rituals (1978) ; Arcosanti Alive (1978) ; Celebration of Life (1979) ; Search for Living Myths and Rituals through Dance and Environment (1980) ; In and On the Mountain (1981) ; Return to the Mountain (1983) ; The Planetary Dance (1987) ; Carry Me Home (1990).
Bibliographie. A. Halprin, Moving towards Life, Five Decades of Transformational Dance, Wesleyan Univ. Press, 1995.
Filmographie. The Bed (réal. James Broughton, 1963) ; Four in the Afternoon (réal. J. Broughton, 1963) ; Pow (KPIX-TV, 1968) ; Right On (KQED-TV, 1969) ; Ann : A Portrait (réal. Connie Besson, 1971) ; The Bust (KQED-TV, 1971) ; How Sweet It Is (réal. Lawrence Halprin, 1975).