Dictionnaire de la danse 1999Éd. 1999
M

Stéphane Mallarmé, [M. Étienne dit ] (1842-1898).

Poète français.

Maître de la génération symboliste, il opère une véritable révolution dans la pensée poétique moderne qui dépasse très largement les cercles de la poésie pour toucher l'ensemble des arts contemporains.

Son influence sur la danse se fera d'abord par la pénétration de sa réflexion critique sur le ballet de son temps. Sa conception moderniste d'une danse pure allant vers l'abstraction en se libérant de « la traditionnelle plantation de décors permanents ou stables en opposition avec la mobilité chorégraphique » trouve à l'époque en L. *Fuller sa réalisation scénique en un « dégagement multiple autour d'une nudité » : celle-ci apparaît alors comme l'exacte illustration de son « axiome en fait de ballet », à savoir qu'une danseuse « n'est pas une femme qui danse pour ces motifs juxtaposés qu'elle n'est pas une femme [...] et qu'elle ne danse pas ». En effet, par l'abstraction de son mouvement, elle renvoie à autre chose qu'elle-même, « aux sursautements attardés de cieux, de mers, de soirs, de parfums et d'écume ».

L'influence mallarméenne sur la danse s'exercera aussi indirectement, tant par sa contribution à la pensée esthétique générale de son temps que par l'intermédiaire de la musique où, de C. *Debussy à P. *Boulez et J. *Cage, s'impose sa poésie « musicienne du silence ». Publié en 1876, l'*Après-midi d'un faune offrira à Debussy (1894) puis à V. *Nijinski (1912), le cadre somptueux d'un Prélude dont l'invention sonore et chorégraphique fera date dans l'Histoire. Le poème Hérodiade inspirera à M. *Graham, en 1944, un ballet du même titre sur une composition de P. *Hindemith. Proclamant la nécessité d'un art difficile parce qu'ambitieux, tendu désespérément vers les espaces glacés d'un Absolu ennemi de l'à-peu-près et du hasard, Mallarmé mène une quête poétique du « Livre », œuvre d'art totale où la poésie, à l'instar de la danse, s'accomplit comme art du temps et de l'espace. Sur ce chemin, peu avant sa mort, il présente à P. *Valéry, qui le qualifiait de « suprême, paternel ami », une œuvre d'une conception révolutionnaire qui, par l'organisation typographique, fait du poème une forme née de la tension de l'espace et du temps, comme libérée de son auteur : Un coup de dés jamais n'abolira le hasard. Œuvre revisitée par Boulez, qui, pour l'écriture musicale de Pli selon pli / Portrait de Mallarmé (1957-1962), porté à la scène par M. *Béjart en 1975, retrouve les chemins ardus de la construction mentale du poème. La conception mallarméenne de la poésie et de l'art comme architecture mentale préméditée confère à la danse son statut moderne d'autonomie et permet, à partir du mode de construction de l'œuvre dans l'abstraction de l'espace et du temps, des collaborations interdisciplinaires où chacun, dans une unité poétique, détermine sa dimension propre.

AFo

MALPIED (XVIIIe s.) .

Maître à danser français.

Il est l'auteur de trois ouvrages. Son Traité sur l'art de la danse (présumé fin XVIIIe s.) reprend les principes de la *notation Feuillet avec un plus grand souci pédagogique et des indications plus précises sur la relation entre musique et danse tant pour les pas que pour les mouvements des bras, qu'il illustre en reproduisant la partition musicale entière d'un *menuet avec la chorégraphie et les agréments. Tout en constatant le recul de la notation chorégraphique, il s'en sert dans les Éléments de chorégraphie (Paris, 1762) à propos de la *contredanse dont il reproduit plusieurs variantes avec *figures dans les Caractères des contredanse (s. d.).

ERou

Malter,ou [Maltère, Maltaire] .

Dynastie de danseurs et pédagogues français qui se produit en Europe auXVIIIe siècle.

Trois fils de René( -mort v. 1761), maître à danser membre de l'*Académie royale de danse (ARD), sont solistes à l'*Académie royale de musique (ARM) de Paris. François Antoine, dit l'aîné( -mort v. 1778), y entre en 1714 et devient maître des ballets (adjoint de A. *Laval) de 1743 à 1748. Il signe plusieurs ballets de collège pour les *jésuites entre 1729 et 1743. Surnommé « la Petite Culotte », il est jugé médiocre danseur par J. G. *Noverre. François Louis, dit le cadet( -mort apr. 1778), y danse de 1772 à 1748, est surnommé « le diable » car spécialiste des rôles de démon. Jean-Baptiste, dit Malter 3e/pseudo>( -mort en 1746), fait carrière en province (Grenoble, Lyon) avant d'être le partenaire de M. *Sallé à Londres en 1733-1734, notamment dans *Pygmalion. Engagé avec sa femme à l'ARM de Paris en 1734, il est surnommé « l'Anglais » ou « l'Oiseau », car prodigieux de légèreté. Un quatrième Malter, dit le jeune, sans doute le fis d'un des précédents, est danseur à l'ARM de 1766 à 1781. L'aîné, le cadet et le jeune sont membres de l'ARD.

NL

Maly.

Appellation familière du Maly Gosoudarstvenny Operny Teatr [Petit Théâtre d'opéra d'État],

Nom que porte, de 1926 à 1964, le Théâtre d'opéra et de ballet M. P. Moussorgski de *Saint-Pétersbourg.

ESou

Rouben MAMOULIAN (1898-1987).

Metteur en scène et réalisateur américain.

Il passe sa jeunesse à Paris puis étudie la criminologie à Moscou et la mise en scène dramatique sous la direction d'Evgueni Vakhtangov, un disciple de K. *Stanislavski. Installé aux États-Unis en 1923, il se partage entre théâtre et *comédie musicale à *Broadway, créant notamment en 1925 Sister Beatrice d'après Maeterlinck avec une chorégraphie de M. *Graham et le drame Porgy (1927) dont est inspiré l'opéra Porgy and Bess de G. *Gershwin, qu'il mettra aussi en scène à la création en 1935. Par la suite il signera aussi les mises en scène de *Oklahoma ! (1943) et *Carousel (1945). Entre temps, il débute comme réalisateur de cinéma avec Applause (1929). Passant du film policier au drame historique (la Reine Christine en 1933 avec Greta Garbo), il apporte parallèlement un nouveau style à la comédie musicale, notamment dans Love Me Tonight (1932) avec Maurice Chevalier, intégrant la musique et le chant à l'action puis dans Summer Holiday (1948) avec M. *Rooney d'après Eugene O'Neill et Silk Stockings (1957), élégant remake du Ninotchka d'Ernst Lubitsch, avec le couple F. *Astaire et C. *Charisse. Pressenti pour réaliser l'adaptation cinématographique de *Porgy and Bess (1959), il sera finalement remplacé par Otto Preminger.