Serge LIFAR (1905-1986). (suite)
Il séduit d'emblée par sa beauté sculpturale, sa vitalité exubérante et son extraordinaire présence qui en font un idéal *Apollon balanchinien. Bon technicien, il possède des qualités athlétiques, une superbe *élévation et une souplesse féline. Principal interprète de ses ballets, il se plaît à incarner les dieux et héros de l'Antiquité ainsi que les chevaliers du Moyen Âge. Plus porté vers le drame, il peut cependant être fort drôle dans la comédie en Polichinelle ou Scapin. Danseur très expressif, parfois même outrancier dans ses jeux de physionomie, il campe un remarquable Albert dans *Giselle (qu'il monte en 1932), choisissant de faire ses adieux à la scène dans ce rôle en 1956. Comme maître de ballet, il contribue au renouveau de l'école française, obtenant de la direction de l'Opéra de Paris des réformes importantes : création de la classe d'*adage (1932), extinction du lustre pendant les représentations, interdiction du foyer de la danse aux abonnés, instauration en 1936 d'une soirée hebdomadaire (le mercredi) puis, en 1941, d'un mois (celui de juillet) consacrés exclusivement à la danse (1941).
Chorégraphe prolixe, il réalise près de deux cents œuvres, parmi lesquelles figurent une douzaine de ballets dont il donne sa propre version (Prélude à l'*après-midi d'un faune, 1935 ; *Boléro, 1941 ; *Sylvia, 1941 ; la *Mort du cygne, 1949 ; l'*Oiseau de feu, 1954), revenant par trois fois à l'histoire de *Roméo et Juliette (1942, 1951 et 1955). Il crée essentiellement des ballets narratifs, s'orientant à la fin des années 1930 vers des livrets moins anecdotiques et visant plus à exposer des idées (*Mirages, 1944 ; Dramma per musica, 1946 ; l'Inconnue, 1950 ; Chemin de lumière, 1957). Il se plaît à brosser de grandes fresques chorégraphiques, explorant les voies de l'épopée biblique (*David triomphant, 1937), antique (*Alexandre le grand, 1937.) et historique (Chota Roustaveli, 1946), du merveilleux (le *Chevalier et la Damoiselle, 1941), du drame (*Joan de Zarissa, 1942 ; le *Chevalier errant, 1950), de la tragédie (*Phèdre, 1950) et du romantisme (les *Noces fantastiques, 1955). Il signe quelques œuvres humoristiques (le Roi nu, 1936 ; les *Animaux modèles, 1942 ; Fourberies, 1952), mais la gaieté y est parfois doublée d'une certaine amertume (la Vie de Polichinelle, 1934 ; Guignol et Pandore, 1944). Peu enclin au ballet sans argument, il règle *Suite en blanc (1943) ainsi que Variations (1953, mus. F. *Schubert) et Grand pas (1953, mus. J. *Brahms) pour mettre en valeur les *étoiles féminines et masculines l'Opéra de Paris. Il donne aussi sa forme définitive au défilé du corps de ballet de cette compagnie (1947).
En héritier de Diaghilev, il invite de jeunes compositeurs (G. *Auric, J.-R. *Françaix, A. *Honegger, A. *Jolivet, F. *Poulenc, H. *Sauguet) et des peintres (Y. *Brayer, A. *Cassandre, P. *Colin, G. *De Chirico, A. *Derain, F. *Léger, P. *Picasso, P. *Pruna) à collaborer avec lui. Revendiquant dans son livre le Manifeste du chorégraphe (1935) la priorité de la danse sur les autres composantes du spectacle, il met en application l'une de ses idées (« le ballet ne doit pas emprunter son schéma rythmique à la musique ») dans *Icare (1935) et le *Cantique des cantiques (1938). Privilégiant l'harmonie plastique, il élabore son style *néoclassique qu'il expose dans son Traité de danse académique (1949), caractérisé par l'introduction de la 6e et la 7e *position, le déplacement de l'axe vertical du corps vers l'oblique (grâce aux *arabesques et *attitudes étirées ou poussées) et le recours aux *pliés sur *pointes qui amènent un basculement de celles-ci vers l'avant.
Cherchant à faire reconnaître le chorégraphe comme auteur à part entière (il préconise le terme « choréauteur »), il défend son point de vue et expose sa conception de la chorégraphie dans une abondante œuvre théorique (Traité de chorégraphie, 1952 ; Au service de la danse, 1958 ; la Danse académique et l'art chorégraphique, 1965). Il publie aussi de nombreux ouvrages historiques (Carlotta Grisi, 1941 ; Histoire du ballet russe, 1950 ; les Trois Grâces du xxe siècle, 1957) et autobiographiques (Du temps que j'avais faim, 1935 ; Ma vie, 1965). Également conférencier et organisateur d'expositions, il ne cesse au long de sa vie, entièrement vouée à la danse, de promouvoir son art.
NL, GP
Autres chorégraphies. *Bacchus et Ariane (1931) ; *Entre deux rondes (1940) ; les *Indes galantes (1952) ; l'Amour et son destin (1957, mus. P. *Tchaïkovski) ; *Hamlet (1957, mus. Marcel Delannoy) ; Fête chez le Roi Soleil (1969, mus. J.-Ph. *Rameau).
Bibliographie. Serge Lifar, une vie pour la danse, Catalogue de l'exposition au Musée historique de l'Ancien Évêché, Lausanne, 1986 ; J. Laurent et J. Sazonova, Serge Lifar rénovateur du ballet français, éditeur,