Musicien, pédagogue et théoricien suisse.
Né à Vienne, il se forme au Collège et au Conservatoire de Genève (1875-1883). Il étudie ensuite la musique et le théâtre à Paris et à Vienne. Pendant ces séjours, il a notamment pour maîtres le musicologue Albert Lavignac, le comédien Talbot, les compositeurs A. *Bruckner, L. *Delibes et G. *Fauré ainsi que le théoricien Mathis Lussy, dont les recherches de pionnier sur le rythme l'influenceront profondément. Un an passé à Alger en qualité de chef d'orchestre lui permet de s'initier aux rythmes du folklore arabe. Figure marquante de la vie musicale genevoise dès 1890, il est l'auteur de nombreuses compositions instrumentales et lyriques, de centaines de chansons, de divers Festspiels dont le Poème alpestre (1896) et le Festival vaudois (1903). Dès 1892, il est engagé comme professeur d'harmonie et de solfège supérieur au Conservatoire de Genève. Trouvant dans l'enfance son terrain d'élection et préoccupé d'assurer les meilleures chances aux générations futures, c'est là qu'il commence à mettre au point la méthode *Dalcroze. Les milieux de la musique, de la médecine et de l'éducation s'intéressent à ses expériences : très sollicité, il parcourt alors avec ses élèves la Suisse et l'Europe. Le Conservatoire tolérant mal son enseignement peu banal et l'ayant prié de l'exercer ailleurs, il accepte l'offre d'un mécène allemand conquis par ses méthodes novatrices, qui fait construire pour lui un institut à *Hellerau : de 1911 à 1914, il enseigne et poursuit ses recherches dans ce lieu-phare de la culture artistique européenne, dont l'influence sur la danse moderne sera prépondérante. Revenu à Genève au printemps 1914, il y fonde en 1915 l'Institut Jaques-Dalcroze, qui existe toujours. Il forme dès lors à ses méthodes des générations d'élèves de tous pays, visite les écoles ouvertes par ses disciples à l'étranger, écrit divers ouvrages théoriques et de réflexion dont le Rythme, la musique et l'éducation (1920), des oeuvres scéniques pour l'enfance, dont le Petit roi qui pleure (1932) ainsi que des manuels et des compositions musicales à caractère pédagogique, poursuivant jusqu'à la fin de ses jours le grand oeuvre de sa vie.
Frappé lors de son arrivée au Conservatoire par le manque d'oreille musicale et de sens du rythme d'une bonne partie de ses élèves, pour lesquels la virtuosité et l'application de règles théoriques tiennent lieu de musicalité, il tente avec succès de développer leur audition intérieure. Doué d'un sens aigu de l'observation, il constate qu'il n'y a pas d'élève présentant un défaut de réalisation musicale « qui ne possède corporellement ce défaut », et se met « à rêver d'une éducation où le corps jouerait lui-même le rôle d'intermédiaire entre les sons et notre pensée ». Il se met dès lors à faire marcher ses élèves sur les rythmes de la musique, les fait réagir à ses accents, leur en fait traduire par des gestes les phrasés, les nuances, les mesures. Ainsi naît la *Rythmique, dont il ne cessera de développer les divers aspects et pour laquelle il inventera des milliers d'exercices (dont témoignent entre autres plus de quatre-vingt-dix volumes manuscrits). Ses observations l'amènent à définir l'arythmie musicale et son pendant, l'arythmie corporelle, puis à trouver les moyens d'y remédier, donnant ainsi à la Rythmique ses assises méthodologiques. Par le lien intime qu'elles établissent entre musique et mouvement corporel, ses théories et leur mise en pratique exerceront une profonde influence sur la danse du XXe s., mais aussi sur la scénographie moderne à travers A. *Appia dont les recherches doivent beaucoup à sa rencontre avec Jaques-Dalcroze à Hellerau.
MLB
Bibliographie. MARTIN, F. et coll. Émile Jaques-Dalcroze, l'homme, le compositeur, le créateur de la rythmique, La Baconnière, Neuchâtel, 1965.