Dictionnaire de la danse 1999Éd. 1999
D

Agnes De Mille (1905-1993). (suite)

Dans le champ du théâtre musical, elle révolutionne la fonction de la danse en l'intégrant complètement à l'intrigue, concevant ses chorégraphies pour révéler la psychologie des personnages et faire progresser l'action, modifiant le rôle du chorus, pour lequel elle utilise de véritables danseurs. On lui attribue également les premières séquences de ballets oniriques et son *Oklahoma est considérée comme l'étape marquant les débuts de la comédie musicale moderne. En nourrissant la danse classique d'emprunts à la danse *moderne, aux *claquettes et aux danses folkloriques américaines et en introduisant à l'occasion des gestes de la vie quotidienne, elle réussit à créer, dans ses ballets comme dans ses comédies musicales, un style assez proche du spectateur pour que ce dernier puisse se sentir concerné et se trouver d'autant plus touché par le spectacle.

NL, ESe

Bibliographie. M. Speaker-Yuan, Agnes De Mille, éditeur ? ? ?, New York, 1996

Dora DEAN, [BABBIGE D., dite ] (1872-1950).

Danseuse américaine.

Il est probable qu'elle n'ait suivi aucune véritable formation de danseuse avant son premier succès dans The*Creole Show en 1889 où elle se fait remarquer par sa prestation de *cake-walk théâtralisé et où elle rencontre son futur époux Charles Johnson (1873-1958). Avec lui, elle constitue un duo qui se produit par la suite dans les *vaudevilles et tourne très régulièrement en Europe. Après leur séparation professionnelle et privée, D. Dean retourne aux États-Unis en 1914. Pendant quatre ans, elle paraît avec succès dans les circuits de vaudeville noir notamment avec Dora Dean and Co., Dora Dean and her Phantoms avant de se retirer définitivement dans les années 1920.

Le couple Dean-Johnson, premier *class act engagé dans les circuits blancs de vaudeville, présente le *cake-walk de façon scénique et professionnelle. Dans une grande parade marchée où les qualités de " strutter " (voir *strut) de Johnson et la grâce de Dean font merveille, leur numéro établit l'image du couple afro-américain raffiné. Leur grande élégance - elle, arborant robes onéreuses, lui, haut-de-forme, queue-de-pie, gants et monocle - leur popularité, leur présence scénique, leur technique et leur sophistication aideront à lancer le cake-walk dans la société blanche américaine.

ESe

Laura DEAN (née en 1945).

Chorégraphe et compositrice américaine.

Elle étudie le piano et la danse (L. *Hoving, P. *Sanasardo, M. *Slavenska, M. *Cunningham) et travaille avec P. *Taylor, K. *King, M. *Monk et R. *Wilson. Elle fonde sa compagnie en 1971 et collabore de 1972 à 1975 avec le groupe de musiciens de S. *Reich.

Gardant l'idée de musique " live ", elle décide alors de la composer elle-même. Après un Bessie Award en 1985, elle reçoit des commandes pour d'autres compagnies : *Joffrey Ballet, 1986 ; *NYCB, 1988 ; American Indian Dance Theatre (*Jacob's Pillow, 1998). Ses premières créations utilisent la voix et une danse répétitive sur des parcours géométriques simples (Dance Concert, 1971). Ses chorégraphies évoluent ensuite vers des phrases de mouvements issues d'une base rythmique commune à la musique et à la danse. Sur le mode répétitif allié à une large gamme de vitesse, la danse fait appel à des pas élémentaires : *marches, *courses, *sauts, frappements de pieds, tournoiements (Phase Patterns, 1972 ; Spinning Dance, 1973). Plus complexes, Dance (1976) et Tympani (1980) paraissent cependant d'une infinie simplicité, la danse retrouvant là l'essence même du mouvement humain.

LB

Autres chorégraphies. Song (1976) ; Night (1982) ; Shaman (1987) ; Equator (1988).

Derek DEANE (né en 1953).

Danseur, chorégraphe et directeur de compagnie britannique.

Formé à la *Royal Ballet School, il intègre le *Royal Ballet en 1972, devenant principal dancer en 1978. Il y crée des rôles pour K. *MacMillan (*Mayerling, 1978 ;Valley of Shadows, 1983) et signe sa première chorégraphie (Fleeting Figures, 1984). Il quitte le Royal Ballet en 1989 et devient directeur artistique adjoint et chorégraphe attitré de l'Opéra de *Rome (1990-1992). Depuis 1993, il assure la direction artistique de l'*English National Ballet et de son École. Il chorégraphie également en Italie, en France, en Australie, en Afrique du Sud, aux États-Unis et au Japon. Il adapte le *Lac des cygnes (1997) et *Roméo et Juliette (1998) pour la scène circulaire du Royal Albert Hall.

CH

Autres chorégraphies. Giselle (1994) ; Alice au pays des merveilles (1995).

Claude Debussy (1862-1918) .

Compositeur français.

Exceptionnellement doué, il entre à dix ans au Conservatoire de Paris, où il passe douze ans, fréquentant les classes de Marmontel (piano) et de Giraud (composition). Puis il voyage avec la baronne von Meck, qui l'a engagé comme pianiste accompagnateur. En 1884, la cantate l'Enfant prodigue lui ouvre les portes de la villa Médicis, où il écourte son séjour, ne supportant pas l'académisme qui y règne. Devenu parisien dès 1887, il est un habitué des « mardis » de S. *Mallarmé et se lie avec des représentants de la peinture impressionniste. Il découvre R. *Wagner lors de deux séjours à Bayreuth (1888-1889), mais s'en détourne après une période de maturation pendant laquelle il assimile les influences de l'opéra de M. *Moussorgski Boris Godounov et de l'Extrême-Orient à travers l'Exposition universelle. *Prélude à l'après-midi d'un faune (1894), son premier vrai succès, et *Pelléas et Mélisande (1904), qui lui assure la célébrité, sont suivis d'une production incessante où, en avance d'un demi-siècle sur son temps, il innove tant au piano (Études, 1915) qu'en musique symphonique - P. *Boulez parle de Jeux (1914) comme d'une « œuvre capitale de l'histoire de l'esthétique contemporaine ».

Les relations du compositeur avec la danse sont paradoxales. Si le Martyre de saint Sébastien (1911), composé pour I. *Rubinstein, connaît de nombreuses reprises, son ballet Khamma (1912), commande d'A. *Maud, ne retrouvera la scène qu'en 1947 (J.-J. *Etchevery) et 1986 (U. *Scholz). L'accueil par le public de *Jeux (1913, V. *Nijinski), « quelque chose qui tient du guignol et du cirque », est franchement hostile, et lorsque Debussy écrit la Boîte à joujoux (1919, Andrée Hellé), dont J. *Börlin (1921), M. *Froman (1927), A. *Milloss (1950) donneront par la suite leur propre version, il voudrait que le ballet soit interprété par des marionnettes qui, seules, ont « l'intelligence du texte et l'expression de la musique ». Quant à la Création (1918, Ph.*Quinault ; 1921, Börlin), ce sera un succès posthume. Pourtant, ses œuvres seront abondamment chorégraphiées. À commencer par le Prélude à l'après-midi d'un faune, qui n'a pas été écrit pour la scène : chorégraphié par Nijinski en 1912 à l'instigation de S. *Diaghilev, il donne lieu à un retentissant scandale auprès du public, mais aussi des musiciens, qui ont le sentiment que l'œuvre est ridiculisée, avant de devenir une pièce majeure du répertoire. En fait, son œuvre entière est exploitée, qu'il s'agisse de pièces de grande envergure comme Pelléas et Mélisande, dont il existe de nombreuses versions chorégraphiques, ou de pages courtes dont L. *Fuller est la première à se saisir pour déployer ses danses symbolistes (Petite Suite, 1909 ; Nocturnes : Nuages, Fêtes, Sirènes, 1913 ; Children's Corner, 1914 ; la Mer, 1925). La musique de Debussy se révélera ensuite source d'inspiration régulière, notamment pour R. *Page (Snow Is Dancing, 1927 ; Moonlight Sailing, 1928 ; Night Melody, 1933 ; Night of the Poor, 1933), S. *Lifar (*David triomphant, 1937 ; Persée, 1943 ; Syrinx, 1943 ; Danseuses de Delphes, 1953 ; les Pas et les Lignes, 1954 ; Nuages et Fêtes, 1955), J. *Cranko (Primavera, 1945 ; Jeu de vagues, 1965 ; Brouillards, 1970 ; Green, 1973) et M. *Béjart (les Fleurs du mal, 1971 ; Clair de lune, 1977 ; la Plus que lente, 1977).