Danseur, chorégraphe et pédagogue américain.
Originaire de la côte ouest, il se produit dès l'âge de douze ans dans des spectacles de *vaudeville avec son premier professeur, Mrs. Barrett. Il intègre la Cornish School de Seattle (1937-1939) en section théâtre, puis choisit de se former en danse ; élève de Bonnie Bird (technique *Graham et composition, méthode *Horst), il rencontre alors J. *Cage (1938) qui accompagne les classes au piano. Leur association de plus d'un demi-siècle, nourrie de M. *Duchamp, de James Joyce et du zen, va influencer radicalement les arts vivants. De 1939 à 1945, Cunningham se produit avec M. Graham. Décrit par E. *Denby comme « l'un des plus beaux danseurs américains », il crée de nombreux rôles, notamment dans Every Soul Is a Circus (1939), El Penitente (1940), *Letter to the World (1940), *Appalachian Spring (1944). Outre des solos (avec Cage, pour la première fois en 1944), il chorégraphie des pièces de groupe pour divers interprètes, jusqu'à la fondation de sa compagnie en 1953 au *Black Mountain College (avec V. *Farber, C. *Brown, R. *Charlip, P. *Taylor, etc.). Cage en est le directeur musical, entouré régulièrement de compositeurs interprétant en direct des partitions de musique électronique dont ses deux successeurs : D. *Tudor (1994-1996) et T. *Kosugi (depuis 1996). R. *Rauschenberg en devient le plasticien attitré jusqu'en 1964, suivi de conseillers artistiques permanents (J. *Johns, M. *Lancaster, W. *Anastasi, D. *Bradshaw) ou invités (A. *Warhol, Frank Stella, etc.). La compagnie effectue sa première tournée mondiale en 1964, se produisant notamment en France - pays qui jouera un rôle important dans la carrière de Cunningham - et en Autriche où est donné le premier *event. Auteur de plus de cent cinquante œuvres présentées dans le monde entier, parfois intégrées au répertoire d'autres compagnies (*NYCB, *ABT, *Boston B., *Cullberg B., *Op. de Paris, *Rambert D. Co., notamment), il reçoit de nombreux prix et distinctions, dont la Guggenheim Fellowship dès 1954.
Dans les années 1940, Cunningham crée avec Cage des œuvres parfois qualifiées de « dadaïstes » à partir de structures rythmiques communes à la danse et à la musique. Au début des années 1950, il commence à utiliser les procédés *aléatoires (Yijing [Livre des mutations], la plupart du temps) pour déterminer les éléments et l'organisation de sa chorégraphie (parties du corps en mouvement, directions, déplacements, continuités, durées). Dorénavant la danse et la musique coïncideront simplement dans le temps et l'espace, et très rares seront les cas où la musique préexistera à la danse (Septet, 1953, mus. E. *Satie ; *Roaratorio, 1983, mus. Cage). À partir des années 1970, Cunningham aborde la vidéo et le cinéma : ses collaborations avec des réalisateurs attitrés, Ch. *Atlas de 1973 à 1983 (*Channels / Inserts ; *Locale ; etc.) et Elliot Caplan à partir de 1985 (*Points in Space ; Beach Birds for Camera, 1991 ; etc.), lui permettent de dépasser les limites imposées par la scène. Dans les années 1990, il se saisit de l'ordinateur pour trouver des mouvements et des enchaînements inconcevables autrement, notamment dans Windows (1995).
Alors qu'il danse encore pour Graham, Cunningham commence à élaborer sur lui-même la technique qui convient à son emploi de l'aléatoire et à son appétit de liberté : libérant les membres et le torse en axant le mouvement sur la colonne vertébrale, elle favorise la virtuosité et la vélocité. Dispensée par lui-même et les danseurs de la compagnie dans ses studios successifs à New York, puis transmise à travers le monde, elle devient bientôt une référence dans la formation en danse contemporaine.
Son œuvre, indissociable de son travail avec Cage, marque une rupture radicale avec le ballet et la *modern dance dont, *postmoderne avant la lettre, il rejette les codes. Il bannit toute expressivité du chorégraphe ou de l'interprète : « S'il y a un désir d'expression personnelle, la psychanalyse est le domaine qui convient. » Se référant fréquemment à la circulation des oiseaux ou des piétons, Cunningham est le premier à utiliser des gestes de tous les jours comme le mouvement pur (Excerpts from Symphonie pour un homme seul, 1952) et ; si, pour lui, « n'importe quel mouvement peut être de la danse », l'aléatoire en propose d'inimaginables. Il juxtapose les disciplines sur la scène, multiplie les centres et les points de vue, rejette le diktat de la frontalité, bouleversant ainsi le regard du spectateur.