Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
P

Pichette (James)

Peintre français (Châteauroux 1920-Paris 1996).

Jusqu'en 1947, il hésite entre le métier d'acteur et celui d'artiste peintre. Cette année-là, il expose au Salon des surindépendants une toile de veine cubiste. Il s'oriente ensuite vers des compositions abstraites que l'on peut qualifier de " vaguement surréalisantes ".

   En 1951, il fait un voyage d'études en Hollande, où il admire la rigueur de Mondrian et de Vantongerloo, et des peintres du mouvement De Stijl. Il évolue dès lors vers une abstraction plus construite et plus rigoureuse (Totem 2, 1951, Paris, coll. part.). Dans le milieu des années 50, il aborde une abstraction plus lyrique (Conflit vert-rouge, 1959). En 1960, il se rend à New York, où il rencontre Calder et S. Francis, et revient en France avec des croquis et des esquisses qui aboutiront à des toiles où le geste est spontané et où les grands tracés de couleur sont appliqués avec de larges pinceaux carrés (Résonance de Broadway, 1960). Parallèlement, il réalise des décors scéniques et crée des costumes pour un montage poétique de son frère Henri Pichette puis, en 1961, pour le Bal des voleurs de J. Anouilh, et, en 1964, pour Marius de Pagnol. À partir de 1968, le cercle tient une place prédominante dans ses tableaux, où la couleur est posée en aplats avec une touche plus neutre et peu épaisse, créant ainsi de " légères vibrations qui animent la surface ". Pichette a également réalisé des tapisseries, des peintures murales à Vitry-sur-Seine (1971) et à Aulnay-sous-Bois (1975).

Picot (François Édouard)

Peintre français (Paris 1786  – id. 1868).

Élève de Vincent et de David, il remporta en 1813 le second grand prix de Rome. Auteur de mythologies aimables, comme la Rencontre d'Énée et de Vénus (1813, Bruxelles, M. R. B. A.), l'Amour et Psyché (1819, Louvre), Oreste s'endormant dans les bras d'Électre (Salon de 1822, musée d'Auxerre), Céphale et Procris (Salon de 1824, musée d'Amiens), il est, tout comme Guérin, représentatif de la génération postdavidienne, dont le Classicisme conjugue les leçons du Corrège et de Raphaël. Il connut la faveur royale, travaillant aux plafonds du musée Charles X (aujourd'hui salles égyptiennes du Louvre), et, après 1830, il exécuta à la demande de Louis-Philippe plusieurs tableaux pour Versailles : la Prise de Calais, importante série de portraits historiques. Il travailla pour différentes églises parisiennes : Saint-Sulpice (Mort de Saphire), Saint-Merri (Sainte Geneviève faisant vœu de chasteté), Sainte-Clotilde, Saint-Denis-du-Saint-Sacrement, N.-D.-de-Lorette (Couronnement de la Vierge) et Saint-Vincent-de-Paul, où il collabora avec Flandrin, et expérimenta un style néo-byzantin avec fonds d'or ; en province, il travailla pour les cathédrales de Lyon (Baptême du Christ) et de La Rochelle (l'Annonciation).

pictorialisme

Courant qui s'épanouit dans la pratique de la photographie, à partir de la fin du XIXe s. jusqu'aux alentours des années 1920, et qui avait pour but de rendre l'image photographique unique, à l'égal d'une œuvre peinte. Quantité de manipulations (mise au point adoucie, gaze devant l'objectif créant un climat flou et vaporeux, reprise de la plaque en laboratoire à la manière d'une plaque de gravure, tirages imitant le fusain ou la sanguine, papiers granuleux, etc.) ont été utilisées afin d'obtenir une atmosphère intimiste souvent inspirée par les mouvements picturaux de l'époque. Citons parmi les principaux adeptes de cette tendance : l'Autrichien Heinrich Kühn (1866-1944), le Belge Léonard Misonne (1870-1943), les Français Demachy et Puyo, ainsi que l'école américaine et sa revue Camera Work.

Piero Della Francesca

Peintre italien (Borgo San Sepolcro v.  1416  – id. 1492).

Piero della Francesca est le plus grand peintre italien du milieu du quattrocento, à qui l'on doit la première et la plus systématique tentative d'appliquer la perspective géométrique à la peinture. Il est signalé pour la première fois à Florence le 7 septembre 1439 comme aide de Domenico Veneziano dans l'exécution des fresques du chœur de l'église de S. Egidio, dont il ne reste que des fragments infimes.

   En 1442, il est nommé " Consigliere del Popolo " de Borgo San Sepolcro (entré dans les possessions de Florence à la suite de la bataille d'Anghiari, en 1441). En 1445, un an après, donc, que Sassetta eut livré le polyptyque de saint François commandé en 1437 par Borgo San Sepolcro pour le maître-autel de l'église S. Francesco, la confrérie de la Miséricorde de Borgo commanda à Piero della Francesca le Polyptyque de la miséricorde (la Vierge de miséricorde au centre, des Saints sur les panneaux latéraux et les pilastres, l'Annonciation et la Crucifixion à la partie supérieure), aujourd'hui à la Pin. de Borgo, achevé peut-être seulement en 1462. Les parties plus anciennes de cette œuvre présentent les plus fortes analogies plastiques avec le style de Masaccio. De ces mêmes années doit dater le début de l'activité de Piero pour Federico II da Montefeltro, devenu " Signore " d'Urbino en 1445. La Flagellation du Christ (Urbino, G. N.) faisait peut-être allusion (par le groupe des trois figures en premier plan) à la conjuration de 1444 qui avait causé le meurtre d'Oddantonio, demi-frère de Federico II. Le jeune prince Oddantonio y serait représenté entre les deux mauvais conseillers qui le menèrent à sa ruine et qui le flagellèrent moralement, comme le firent les Romains pour le Christ. Si l'on admet cette interprétation, très controversée, le tableau aurait ainsi un caractère commémoratif et devrait donc être postérieur à l'événement d'un an ou deux. Stylistiquement, il se lie fort bien au Saint Jérôme peint presque certainement pour Girolamo di Agostino Amadi (Venise, Accademia) à l'occasion d'un voyage dans le nord de l'Italie (v. 1449), pendant lequel Piero aurait peint des fresques à Ferrare pour Lionello d'Este. Ces fresques sont aujourd'hui perdues, mais durent être fondamentales dans la formation de l'école ferraraise (Galasso, Tura, Cossa). En 1451, Piero signe la fresque représentant Saint Sigismond et Sigismondo Pandolfo Malatesta (Rimini, Tempio Malatestiano), qui reprend le schéma du tableau de Venise, mais le profil " de médaille " de Malatesta (tel qu'il le peint également sur le portrait du Louvre) et la vue lointaine du château encadrée par un oculus font déjà penser au célèbre Diptyque du duc d'Urbin (Offices), où Federico da Montefeltro et son épouse sont représentés de profil devant un très vaste paysage ; au revers, le Triomphe des époux se déroule aussi devant une vaste vue de montagnes, de fleuves et de vallées. Selon certains historiens, Federico da Montefeltro (1422-1482) serait représenté ici avec sa première femme, Gentile Brancaleone, épousée en 1437 et morte en 1457 ; d'autres soutiennent, au contraire, qu'il s'agit de la seconde femme du duc, Battista Sforza (1446-1472), épousée en 1460. Dans le premier cas, l'œuvre devrait être datée entre 1450 (année où le duc perdit un œil dans un tournoi) et 1457 ; dans le second cas, entre 1460 et 1466, année où une poésie latine de l'humaniste Ferabò mentionne ce portrait.

   En 1452 meurt Bicci di Lorenzo, qui avait été chargé de la décoration à fresque du chœur de l'église S. Francesco à Arezzo, mais qui n'avait exécuté qu'une partie de la voûte. Piero est appelé à le remplacer et, de 1452 à 1459, il exécute en diverses reprises le célèbre cycle consacré à l'" Histoire légendaire de la vraie croix ". Selon des opinions valables, la fresque de la Résurrection du Christ (Borgo San Sepolcro, Pin.) serait de peu postérieure.

   Le 4 octobre 1454, Piero s'engage à exécuter le Polyptyque pour le maître-autel de l'église S. Agostino à Borgo San Sepolcro (qu'il ne terminera qu'en 1470) ; les fragments sont aujourd'hui divisés entre plusieurs coll. : la partie centrale, une Vierge probablement, n'a pas été retrouvée ; à gauche, Saint Augustin, à Lisbonne (M. A. A.), et un Saint Michel, à Londres (N. G.)  ; à droite, Saint Pierre, à New York (Frick Coll.), et Saint Nicolas de Tolentino, à Milan (musée Poldi-Pezzoli). Des saints figurant autrefois sur les pilastres seuls ont été retrouvés : Sainte Monique, New York (Frick Coll.), peinte sur le pilastre gauche ; Sainte Apollonie, Washington (N. G.), et un Saint Augustinien, New York (Frick Coll.), tous deux placés anciennement à droite ; au centre de la prédelle se trouvait la Crucifixion, assez endommagée, de la Frick Coll. de New York.

   Il est probable que Piero soit déjà allé à Rome une première fois du temps de Nicolas V (av. 1455) ; en tout cas, un document atteste qu'il était au service de Pie II le 12 avril 1459. De ses œuvres exécutées à Rome, seule subsiste une fresque figurant Saint Luc Évangéliste (église S. Maria Maggiore), mais il est probable qu'elles eurent une influence déterminante sur des artistes comme Antoniazzo Romano, Lorenzo da Viterbo et Melozzo da Forlì. Le 20 décembre 1466, la congrégation de la Nunziata d'Arezzo commande à Piero un étendard (perdu) avec l'Annonciation. En 1467, Piero remplit encore des fonctions publiques à Borgo. En 1468, il quitte la ville, où sévit la peste, et se réfugie à Bastia ; c'est là qu'il termine l'étendard de l'Annonciation. Un document de 1469 prouve qu'il était à cette date l'hôte de Giovanni Santi, père de Raphaël, à Urbino. Au cours des années suivantes, le peintre réside le plus souvent à Borgo, où il exécute des fresques, aujourd'hui perdues, pour la Cappella della Madona di Badia (le solde du paiement lui est versé le 13 avril 1474) et où il doit surveiller personnellement le détachement et le transport de la fresque de la Résurrection du Christ (1474).

   Durant cette période, on note chez Piero un plus grand intérêt pour la peinture flamande ; ce fait est peut-être en relation avec l'arrivée à Urbino de Juste de Gand, appelé par Federico da Montefeltro. Cette nouvelle tendance à rivaliser avec les raffinements optiques de la peinture nordique peut déjà se déceler dans l'œuvre composite qu'est le polyptyque de la G. N. de Pérouse (la Vierge et l'Enfant entre 4 Saints ; au-dessus, l'Annonciation ; à la prédelle, Scènes de la vie de saint Antoine de Padoue, de Saint François et de Sainte Élisabeth) et donne son résultat le plus élevé dans la Madone de Sinigallia (musée d'Urbino). La lumière, filtrée par les vitres, précise l'espace, dont elle dore l'atmosphère tout en encadrant l'ange d'une auréole naturelle de cheveux éclairés à contre-jour, et fait ainsi de l'œuvre une des plus étonnantes synthèses d'observation optique et de construction géométrique réalisée au quattrocento.

   Le retable de la Brera où figurent la Vierge et l'Enfant avec six saints, quatre anges et Federico II da Montefeltro est sans doute datable entre 1472 et 1474 ; la Vierge et l'Enfant et quatre anges (Williamstown, Clark Art Inst.) est probablement de la même époque ; la facture plus fluide, le point de fuite déplacé latéralement, la ligne d'horizon plus relevée adoucissent ici la terrible impassibilité des figures sacrées de la première période, et en particulier celle du Christ, que ce soit dans le Baptême (Londres, N. G.), dans la Flagellation (Urbino, G. N.), dans la Résurrection (Borgo San Sepolcro, Pin.) ; le ton hiératique devient plus familier et évoque désormais les " sacre conversazioni " de Bellini et de son école.

   En 1478, Piero est de nouveau signalé à Borgo, où les frères de la Miséricorde lui commandent une fresque avec la Vierge (auj. perdue). De 1480 à 1482, il est le chef de l'importante confrérie de Saint-Barthélemy à Borgo. Le 22 avril 1482, il loue à Rimini une maison avec un jardin et un puits, ce qui semblerait présager un long séjour dans cette ville, dont, toutefois, il n'existe aucune trace. Le 5 juillet 1487, il fait son testament, instituant son frère ou, à son défaut, ses fils héritiers de ses biens. Devenu aveugle après 1486, il meurt à Borgo San Sepolcro le 12 octobre 1492.

   Ses écrits théoriques sont généralement placés dans les dernières années de sa vie ; le De prospectiva pingendi est antérieur à 1482, le Libellus de quinque corporibus regularibus (se rapportant à la doctrine des corps " réguliers "), dédié à Guidobaldo della Rovere, duc d'Urbino, serait postérieur. Un troisième traité de mathématique de Piero della Francesca, Del abaco, est encore inédit.

   Parmi les œuvres importantes qu'on peut attribuer à Piero della Francesca, on peut encore citer un Saint Jérôme (1450, musées de Berlin), la Vierge enceinte (fresque de la chapelle du cimetière de Monterchi), Hercule (fresque, Boston, Gardner Museum), la Nativité (Londres, N. G.).

   L'influence de l'artiste fut considérable. Elle s'exerça non seulement auprès de ses compatriotes (Bartolommeo della Gatta, Signorelli, Pérugin) et des peintres travaillant dans les foyers où il séjourna (Florence, Ferrare et Rome surtout), mais plus largement, ainsi que l'a suggéré R. Longhi, en agissant comme le véritable " révélateur " d'une nouvelle vision, lucide et solennelle, exaltant la géométrie des volumes et leur claire articulation dans l'espace, grâce à une rigoureuse construction plastique et à une utilisation neuve de la lumière. Au-delà de Pérugin, Raphaël a profité de cette leçon ; Antonello de Messine et Giovanni Bellini lui doivent la maturation définitive de leur art ; celui de Fouquet et même celui de Quarton ne peuvent s'expliquer sans un rapport avec un courant d'idées formelles dont Domenico Veneziano et le jeune Piero della Francesca sont les initiateurs.