Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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laboratoire de musée (suite)

Les macro- et microphotographies

Ce sont des techniques photographiques fréquemment utilisées au cours de l'investigation conduite sur les œuvres peintes.

   La macrophotographie est l'agrandissement d'une image perceptible obtenu au moyen d'un appareil photographique (le grossissement n'excède que rarement dix fois) à long tirage équipé d'un objectif de courte distance focale. Elle peut s'effectuer en lumière naturelle, mais également sous des éclairages variés, tels que ceux qui sont obtenus par la lumière blanche, le sodium, les ultra-violets, la lumière tangentielle. Elle a le mérite d'isoler certaines parties de l'œuvre peinte de leur contexte et d'attirer sur des détails l'intérêt réparti sur un ensemble.

   La microphotographie est un document obtenu à l'aide du microscope ; c'est un témoin permanent d'un état très limité de la surface, imperceptible à l'œil, qui ne doit être obtenu qu'après un examen conduit par un observateur averti. Elle permet de noter l'état des vernis, les caractéristiques des craquelures et des pigments, que la structure physique aide parfois à déterminer. La microphotographie des coupes de peintures permet l'interprétation de microprélèvements, dont les dimensions n'excèdent pas quelques dizaines de microns carrés.

Les microcoupes

La technique d'inclusion est analogue à celle qui est utilisée en médecine pour les coupes histologiques. La résine destinée à l'enrobage de l'échantillon est du type polyester. Le monomère est polymérisé à la température ambiante après addition d'une faible quantité de catalyseur et d'accélérateur.

   On obtient un bloc dur et transparent d'aspect analogue à celui du verre. Ce bloc est taillé de façon à obtenir une coupe de l'échantillon dans un plan perpendiculaire à celui des couches successives de peinture ; la section plane est ensuite polie en utilisant de l'alumine en suspension aqueuse comme abrasif. La fabrication des coupes transversales de peintre a été mentionnée dans divers travaux depuis une soixante d'années.

La microsonde électronique de Castaing

Elle est employée comme la solution de nombreux problèmes d'analyse. On conçoit que cette méthode, qui satisfait au critère dimensionnel (le micron) et permet l'analyse ponctuelle par balayage, puisse être particulièrement adaptée à l'étude des coupes de peinture — surfaces polies ou lames minces — où, in situ et de manière non destructive, le pinceau électronique pourra explorer les couches dont l'épaisseur est de quelques dizaines de microns, dont la composition est différente et dont les éléments sont pratiquement indissociables mécaniquement. A l'intérieur de chaque couche, la microsonde permet d'identifier les éléments entrant dans la composition de chaque prélèvement de matière, opérant avec un pouvoir séparateur inhérent à la méthode, infiniment supérieur à celui du meilleur instrument d'optique.

Les rayons X, ou rayons de Röntgen

Ils furent découverts par Röntgen en 1895 ; quelques années plus tard, à Munich, l'inventeur tentait la radiographie d'un tableau, mais ce n'est que pendant la Première Guerre mondiale, en 1915, que des essais furent tentés en France par le docteur Ledoux-Lebart, assisté de Goulinat. Les travaux furent repris au Louvre en 1919 par le docteur Cheron. L'examen systématique ne fut entrepris dans les musées que quelques années plus tard : au Louvre en 1924 par Cellerier et Goulinat, au Fogg Art Museum, par A. Burroughs, en Allemagne par Christian Wolters et au Portugal par L. R. Santos, pour ne citer que les premiers chercheurs dans cette discipline.

   Depuis 1946, la radiographie est la méthode d'analyse la plus employée dans les instituts nationaux de restauration et les laboratoires de recherche des grands musées, tant en France qu'à l'étranger.

   Les rayons X servant à l'exploration des peintures sont des rayons mous, utilisés sous des tensions de 20 à 60 kV. Les générateurs sont le plus souvent des tubes à anticathode de tungstène du type des appareils médicaux. Il existe également des appareils émettant des rayonnements très mous, par des tubes à fenêtre de bérylium et à refroidissement à eau. Les films utilisés sont des films industriels inclus dans des pochettes de papier noir, qui peuvent sans risque être en contact direct avec le tableau. La netteté de l'image obtenue est pour une part fonction de l'adhérence du film à la surface peinte. Les images radiographiques restituent un aspect invisible de l'œuvre d'art, qui sera fonction du poids atomique des éléments constituant le tableau. Si le support est épais et si l'enduit est d'une forte densité, la structure interne de la peinture risque d'être peu lisible ; mais, si la toile et l'enduit sont traversés aisément par ces radiations, les couleurs utilisées pour l'esquisse, souvent à base de blanc de plomb, sont mises en évidence : c'est alors que l'image obtenue ressuscite un état souvent invisible de l'œuvre d'art, une étape de la création jusqu'ici imperceptible. Ce n'est pas toujours le premier stade de la création qui apparaît sur l'image obtenue par ces radiations. C'est ainsi que le film radiographique du tableau de Le Sueur les Muses met en évidence le mélange parfois combiné du premier et du second état. Nous voyons la figure de profil et la figure de face en même temps. Il ne s'agit donc pas d'une image sélective permettant de reconstituer parfaitement une période de l'œuvre peintre. C'est à l'observateur qu'il appartient de faire la sélection. Si, au contraire, le tableau a été peint légèrement avec des couleurs claires, nous ne verrons pas cette première esquisse de poids atomique faible, qui, cependant, existe.

   Lorsqu'un tableau est soumis à une étude aux rayons X, ce peut être soit dans le dessein d'établir un diagnostic sur l'état du tableau en prévision d'une restauration, soit pour des fins intéressant l'histoire de l'art. C'est à la détermination et au contrôle de l'état du support que l'on peut attendre de la radiographie des tableaux les résultats les plus précis.

Le support

On appelle " support " l'élément de bois, de toile ou de cuivre qui soutient la couche picturale. Lorsqu'il s'agit d'étudier un tableau peint sur cuivre, ce qui est rare, il est évident que la radiographie ne peut être d'aucune aide, puisque les rayons X émis par les appareils utilisés dans l'étude de la peinture sont incapables de traverser le métal. D'autre part, si l'on utilisait des rayons plus pénétrants, ceux-ci ne nous donneraient aucun renseignement sur la couche picturale elle-même. Seule une étude de surface à l'aide des rayons infrarouges ou ultraviolets peut apporter quelques lumières dans l'étude des tableaux peints sur métal.

   Lorsqu'il s'agit d'étudier des tableaux peints sur bois (c'est le cas dans la majorité des tableaux exécutés avant le XVIIe s.), il est précieux de pouvoir étudier le comportement et la structure du panneau, dont l'examen à l'œil est souvent difficile. Le support de bois est recouvert sur sa face principale par la peinture du tableau et bien souvent sur l'autre face par un enduit posé par les peintres eux-mêmes afin d'éviter les variations hygrométriques trop brusques du support, qui est un enduit recouvert de couleurs unies ou quelquefois marbrées. Lorsque les couches d'enduit et de peinture sont perméables aux rayons X, il est possible d'obtenir une radiographie du panneau. Fréquemment, le support original du tableau étudié a subi des altérations — maladies dues aux parasites du bois, jeu des planches —, qui ont nécessité la présence d'un renfort, d'un soutien, que l'on appelle d'un terme générique le " parquetage ", formé par un jeu de traverses verticales et horizontales posées sur le panneau, aminci ou doublé d'une semelle. Il est difficile alors d'étudier le support original, puisqu'il n'est visible que sur quelques millimètres de tranche. Les rayons X, en nous révélant la structure même du panneau original, peuvent permettre d'identifier l'essence du bois utilisé ; celle-ci variant suivant l'origine géographique du tableau, il y a là un élément à considérer dans l'établissement du diagnostic de l'œuvre.

   Lorsque le tableau est peint sur un panneau épais, généralement de bois tendre, il arrive fréquemment qu'il soit attaqué par des parasites du bois (vrillettes, lyctus, termites). Ces insectes d'espèces variées forment des galeries, qui sont mises en évidence par la radiographie. Il est indispensable de connaître l'état réel d'un support. La radiographie peut y contribuer ; elle permet de suivre l'effet des traitements effectués sur les panneaux et révèle aussi les procédés techniques en usage chez les primitifs. C'est ainsi qu'il est fréquent de voir apparaître sur le film radiographique des bandes de grosses toiles noyées dans la préparation afin d'éviter que les joints des planches n'apparaissent sur la couche picturale elle-même. La filasse mélangée au mortier est utilisée dans de nombreux tableaux du XIVe s. ; on noie la mousseline dans la préparation pour la rendre plus adhérente également.

   À partir du XVIIe s. et au XVIIIe s., les tableaux, dans leur majeure partie, furent peints sur toile et ont été rentoilés depuis, c'est-à-dire doublés par une toile de renfort ; cette toile, généralement moderne (elle remonte à la fin du XVIIIe s. ou au XIXe s.), ne permet plus de voir le support sur lequel le tableau fut peint.

   Aux rayons X, la toile de rentoilage posée à l'arrière, n'ayant pas été imprégée par les blancs utilisés lors de la préparation, ne présente pas une densité suffisante pour gêner la vision de la toile originale.

   Les caractéristiques des toiles sont fonction des régions géographiques et de l'époque où l'œuvre fut exécutée. C'est ainsi que les toiles vénitiennes sont souvent damassées ou travaillées en chevrons, que Rembrandt utilisait des toiles simples ou, exceptionnellement, des tissus dits " en arête de poisson ". Il est possible, grâce à l'image radiographique, d'en déterminer toutes les caractéristiques.

   Les rayons X révèlent non seulement l'aspect des toiles mais aussi leurs agrandissements, les découpages qu'elles ont subis. L'image radiographique permet de mesurer l'importance des transformations : bandes ajoutées, tableaux découpés.