Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
G

Gérard (Marguerite)

Peintre français (Grasse 1761  – Paris 1837).

Elle fut la belle-sœur de H. Fragonard et son élève (1775). Ses premiers travaux sont des gravures (le Chat emmailloté, 1778) et des miniatures (l'Heureuse Fécondité, 1777, Paris, Louvre) d'après l'œuvre de son maître. En peinture, elle collabore aussi avec Fragonard (les Premiers Pas de l'enfance, v. 1785, Cambridge, Fogg Art Museum), mais l'utilisation de tons froids, la minutie du traitement des vêtements annoncent déjà les mères élégantes qu'elle peindra plus tard (la Mère heureuse, Saint-Pétersbourg, Ermitage). Elle exécuta des scènes de genre mettant souvent en scène des enfants (le Modèle, Ermitage) : la fraîcheur des coloris et la sensibilité de l'expression permettent de situer l'artiste dans le courant préromantique illustré par Greuze, Fragonard, E. Vigée-Le Brun (l'Été, musée de Perpignan). Sa minutie l'apparente à Boilly (la Mauvaise Nouvelle, Salon de 1804, Louvre). Mais Marguerite Gérard usa d'un métier plus vigoureux dans ses portraits, qui sont de sincères études psychologiques dénuées d'ornements d'apparat (musée de Grasse).

Gérard de Saint-Jean
ou Geertgen Tot Sint Jans

Peintre néerlandais (actif dans la seconde moitié du XVe s.).

Le témoignage de Van Mander (1604) constitue l'essentiel de nos connaissances sur ce peintre, né à Leyde, disparu à l'âge de vingt-huit ans. Formé à Haarlem par Aelbert Van Ouwater, il vécut au couvent des chevaliers de Saint-Jean de cette ville en qualité d'hôte. Les dates exactes de son activité n'ont pu être déterminées : elles sont certainement postérieures à 1460 et antérieures à 1495. Son principal tableau était un grand triptyque destiné à la chapelle du couvent qui l'abritait. Un seul volet échappa aux destructions des luttes religieuses du XVIe s. et a permis le regroupement de son œuvre (Vienne, K. M.). Sur la face interne est représentée la Lamentation sur le Christ mort. Une composition rigoureuse, dont le statisme est accentué par un modelé anguleux qui donne aux figures l'aspect de sculptures en bois, confère à l'ensemble une solennité austère. La scène principale est entourée d'un paysage rythmé par des arbres au feuillé précis inscrit en arcs de cercle quasi concentriques. Au revers, une curieuse scène illustre l'Histoire des reliques de saint Jean-Baptiste : derrière le tombeau du saint, des hommes qui dérobent quelques ossements et qui ne sont autres que des chevaliers de Saint-Jean. Chacun d'entre eux est certainement un portrait, et leur réunion constitue le premier portrait collectif connu en Hollande, maillon initial d'une chaîne riche en œuvres variées. Le tableau le plus proche de ce volet est une Résurrection de Lazare (Louvre), qui reprend quelques détails de la Résurrection de Lazare d'Ouwater (musées de Berlin), mais en situant la scène en plein air dans un large paysage parsemé d'arbres et de plans d'eau. Un triptyque de l'Adoration des mages (musée de Prague), malheureusement mutilé, est également voisin de ces deux œuvres, mais révèle un art moins consommé, d'inspiration plus juvénile. L'arrière-plan y est pittoresquement animé par l'agitation de la suite des Rois mages. Sur les volets, les donateurs sont présentés par des saints guerriers : une variante du saint Bavon se retrouve dans un petit panneau de l'Ermitage. Quatre autres petits panneaux constituent avec les précédents le meilleur de l'œuvre de Gérard de Saint-Jean. L'Adoration des mages du musée de Cleveland reprend le thème de Prague en accentuant le ton dramatique : toute l'attention porte sur les visages des personnages, rudes dans leur expression plastique, mais traduisant d'une manière très expressive leurs sentiments. Le Saint Jean-Baptiste dans le désert (musées de Berlin) est un chef-d'œuvre surprenant : la figure paysanne du saint perdu dans sa prière annonce par son attitude la Mélancolie de Dürer, mais avec plus de rudesse. Autour de lui s'épanouit un luxuriant paysage, le plus beau peint par l'artiste, qui s'inscrit encore dans la tradition eyckienne par le rendu précis des herbes du sol, sensible également dans les arbres. Les grandes zones vertes sont coupées de surfaces d'eau traitées en miroir précieux. Le Christ de douleur (musée d'Utrecht) est évoqué en volumes ligneux qui servent admirablement la gravité du thème. Le corps du Christ couvert de plaies sanguinolentes est une vision rare en peinture et d'une intensité déjà expressionniste. Un panneau constituant un petit retable portatif (Milan, Ambrosienne) évoque la Vierge à l'Enfant en une composition proche des modèles de Bouts mais d'une matière extraordinairement précieuse. Enfin, la Nativité (Londres, N. G.) est l'une des premières expressions nocturnes de ce thème. L'enfant couché dans une auge est la source lumineuse de l'ensemble. La parenté de ces différentes œuvres avec l'art de Van der Goes a souvent été évoquée. Si certains traits communs peuvent être relevés, Gérard de Saint-Jean n'apporte pourtant jamais un sentiment aussi dramatiquement inquiet. Une méditation presque sereine, même lorsqu'elle est passionnée, anime chaque œuvre. D'autres tableaux ont également pu être attribués au peintre des Johannites. Deux Adorations des mages (Rijksmuseum et Winterthur, coll. Oskar Reinhart) sont d'un art plus fruste et plus hésitant que celui de l'Adoration des mages de Prague. Une curieuse Parenté de sainte Anne (Rijksmuseum) rassemble une singulière famille dans une église gothique. La Vierge à l'Enfant de Berlin développe à une échelle monumentale le petit panneau de l'Ambrosienne sans en garder la fraîcheur naïve. Beaucoup plus éloignés du style des œuvres principales sont encore un Arbre de Jessé (Rijksmuseum), également donné à Mostaert, et une curieuse évocation de la Vierge de l'Apocalypse (Rotterdam, B. V. B.), cernée d'une gloire d'anges musiciens comme émergeant de la nuit sous l'effet d'un violent éclairage.

gerçure

Type de craquelure se présentant sous forme de dépression de la surface du tableau, due à une couche posée sur un dessous trop gras ou pas sec.