Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Corvi (Domenico)

Peintre italien (Viterbe 1721  –Rome 1803).

Corvi se forme à Rome, auprès de Francesco Mancini, dans les années 1730. Ses premières œuvres datées remontent à 1756 (fresques pour l'église du Gonfalone à Viterbe). En 1758, il peint quatre toiles actuellement dans la chartreuse de Vadana, provenant peut-être de l'église détruite de Sainte-Claire au Quirinal. En 1764, il collabore à la décoration d'un petit appartement du palais Barberini, où il peint des histoires de la famille Colonna. En 1766, il envoie une toile à l'église de San Domenico à Turin : Victor Amédée, 1er duc de Savoie, triomphe miraculeusement de la peste. À partir des années 1770, il participe à la décoration de plusieurs palais romains : palais Doria (David et Abigaïl), Borghèse (Sacrifice d'Iphigénie) ; restauration de la fresque de Lanfranco représentant le Concile des dieux et exécution de la pièce de l'Aurore à la villa Borghèse de la Porta Pinciana. Entre 1774 et 1778, Corvi envoie quatre toiles à la cathédrale de Soleure. La composition représentant la Famille d'Hector pleurant le corps du héros (1785, Monserrat, musée) et le Sacrifice de Polixène (Viterbe, museo Civico) marquent un tournant de sa peinture vers des formes plus sobres et un coloris moins soutenu ; l'artiste s'accorde ainsi aux nouvelles tendances de l'art européen et renonce définitivement à ses formules, pourtant fort originales et réussies, inspirées de la grande décoration baroque, mais adaptées et mises à jour selon le goût du temps. À cette dernière phase appartiennent la toile représentant l'Aumône de saint Thomas de Villanova (1795, Viterbe, église de la Trinité) et la Pietà de la chapelle de la villa Pinciani, à Terraia, près de Spolète. Il fut aussi un bon portraitiste (Portrait de David Allen, 1774, Édimbourg, N. P. G.). Il eut à Rome de nombreux élèves, parmi lesquels Cades, Camuccini et Landi.

Cossa (Francesco del)

Peintre italien (Ferrare v.  1436  – Bologne v. 1478).

On connaît Cossa par une série de documents se référant à des œuvres soit conservées, soit perdues. La première de ces mentions (1456) concerne une commande pour une Déposition à fresque, auj. disparue, pour le dôme de Ferrare. En 1462, on le trouve à Bologne, où il exécute le carton d'un vitrail pour l'église S. Giovanni in Monte, représentant la Vierge en trône avec des anges. En 1469, il est à Ferrare, occupé à la décoration murale du palais Schifanoia ; en effet, dans une supplique célèbre adressée au duc Borso d'Este, il déclare alors avoir exécuté 3 compartiments de cette décoration, avec les allégories des mois de Mars, Avril et Mai. Dans sa supplique, l'artiste se plaint d'un salaire trop bas pour la qualité de l'œuvre et pour la considération dont il jouit déjà. Le duc restant inflexible, Cossa abandonna pour toujours sa ville natale pour tenter sa chance à Bologne.

   En 1472, on sait qu'il s'occupe de la réfection d'une ancienne Madone aux anges, peinte à fresque dans l'église S. Maria del Baraccano ; en 1473, il exécute les dessins d'un Saint Petrone et d'un Saint Ambroise, réalisés en marqueterie par Agostino de Marchi da Crema, dans les 2 stalles centrales du chœur de S. Petronio ; en 1474, il peint la grande " tempera ", autref. au Palazzo dei Mercanti, avec la Vierge en trône entre les saints Petrone et Jean l'Évangéliste (auj. Bologne, P. N.). Il meurt de la peste v. 1477-78, alors qu'il était occupé aux fresques de la chapelle Garganelli dans l'église S. Pietro, qui furent complétées ensuite par Ercole de' Roberti et détruites lors de la rénovation de l'édifice au XVIIe s.

   Pour analyser le style de Cossa et sa formation, il faut rappeler qu'après le séjour de Tura à Padoue l'art des Ferrarais avait subi un tournant décisif. Aux influences de Venise, du Gothique international et des débuts de la Renaissance, qui avaient déjà marqué Ferrare, s'était ajouté l'âpre langage de Mantegna ; le génie subtil et inventif de Tura avait opéré la fusion de ces éléments. Il faut retenir dans ce contexte l'hypothèse de R. Longhi, qui attribue à la jeunesse de Cossa, v. 1460, la Pietà avec saint François (Paris, musée Jacquemart-André), de même que la Sainte Justine avec un donateur (Madison University, coll. Kress). On voit déjà dans ces œuvres comment Cossa a su adapter le graphisme exacerbé d'origine padouane à la sévérité monumentale et mesurée de Piero della Francesca et d'Alberti. On sait en effet que ceux-ci avaient été, dix ans auparavant, à Ferrare et à Rimini, les protagonistes d'un art épris d'idéal et d'harmonie, qui devait porter ses fruits dans la région avec Cossa, les Lendinara, Bonascia, les Erri, Marco Zoppo et Roberti. C'est la marque de cette influence qui distingue Cossa de Tura et qui le rapprocherait plutôt, par analogie, de certains Florentins du type de Lippi et de Castagno, comme en témoignent le vitrail de 1467 à S. Giovanni in Monte et aussi celui, plus tardif, de la Vierge à l'Enfant du musée Jacquemart-André (Paris). Dans la Vierge à l'Enfant avec des anges (Washington, N. G.), on perçoit déjà la fermeté et la solennité que l'artiste a su emprunter à Piero della Francesca. Dans la décoration du palais Schifanoia, Cossa révèle désormais sa parfaite maturité et l'autorité de sa personnalité : les compartiments de Mars et d'Avril lui reviennent entièrement ; dans le mois de Mai, on remarque l'intervention de collaborateurs. Chaque compartiment est divisé en trois bandes horizontales superposées : en haut est représenté le char de triomphe de la divinité patronne du mois, entouré de groupes de figures allégoriques ; dans la bande médiane paraissent les signes du zodiaque et les personnifications des trois décades du mois ; en bas, ce sont des scènes de la vie citadine et des représentations de la vie de cour, où figure le duc Borso entouré de cavaliers et de courtisans. Il faut très probablement attribuer la conception iconographique de tout ce complexe à Pellegrino Priscani, professeur d'astronomie à Ferrare et historien de la maison d'Este. Mais, au-delà de la signification symbolique, le peintre a su magistralement évoquer le sens de la vie humaine, en même temps qu'illustrer la chronique quotidienne du duc et de ses sujets, sur un ton de fête convenant parfaitement à la décoration d'un lieu de " délices ".

   Le second et définitif séjour de Cossa à Bologne s'ouvre probablement avec l'Annonciation (Dresde, Gg ; prédelle avec la Nativité ), peinte pour l'église de l'Observanza. On y décèle la suggestion la plus claire de Piero della Francesca dans la manière dont Cossa a su construire l'espace grâce à la perspective et à la lumière, tandis que les caractères ferrarais de son art ressortent avec une lucidité et une finesse prodigieuses dans la disposition des drapés et dans les parties décoratives. Après ses travaux à l'église del Baraccano, Cossa entreprit vers 1473 le polyptyque Griffoni pour l'église S. Petronio, auj. démembré. Au centre se trouvait Saint Vincent Ferrier (Londres, N. G.) entouré par Saint Pierre et par Saint Jean l'Évangéliste (Brera) ; la Crucifixion et 2 panneaux avec Saint Florian et Sainte Lucie (Washington, N. G.) étaient situés au registre supérieur, ainsi que 2 petits panneaux circulaires avec l'Ange et la Vierge de l'Annonciation (La Gazzada, fondation Cagnola). La prédelle du retable, exécutée par Ercole de' Roberti (Miracles de saint Vincent Ferrier), est au Vatican. Ce grand polyptyque, malgré la complexité de sa structure, montre une unité de conception solennelle et neuve ; il précède de peu la grande tempera de 1474, exécutée pour le Palazzo dei Mercanti (Madone et saints, Bologne, P. N.). Là, Cossa a exprimé, avec une puissance toute rustique, les caractères les plus authentiques de son art, allant au cœur des choses et parvenant à une interprétation vraie, physique des formes plastiques. À son second séjour bolonais appartient également un Portrait d'homme (Madrid, fondation Thyssen-Bornemisza).