Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
P

Paudiss (Christoph)
ou Christoph Pandiss

Peintre allemand (Hambourg [?] v.  1625  – Freising 1666).

Comme tant d'artistes du nord de l'Allemagne au XVIIe s., il fut vite attiré par la Hollande et entra dans l'atelier de Rembrandt, mais paraît avoir quitté Amsterdam entre 1637 et 1640. Il travailla ensuite en Hongrie, puis à Dresde pour le compte du prince électeur en 1659-60, à Vienne pour l'archiduc Léopold-Guillaume en 1660-1662, enfin à Freising au service de l'archevêque mécène Albrecht-Sigismund von Freising. On garde de sa main quelques bons portraits (3 à Vienne, K. M.) et un très attachant Autoportrait ([ ?], Prague, Narodní Galerie) qui dénotent une heureuse connaissance de Rembrandt et de Bol ; mais le peintre vaut davantage encore par ses quelques poétiques Natures mortes, d'une lumière dorée qui sait caresser les objets et leur prêter une sorte de présence humaine de la meilleure veine rembranesque, bien qu'une forte influence de Bol s'y laisse déceler. On en peut citer des exemples signés et datés de 1660 à l'Ermitage, au couvent de Heiligenkreuz près de Vienne, à Rotterdam (B. V. B.) et au musée de Budapest (1661). On a souvent confondu ses peintures avec la production de J. Ovens (élève de Rembrandt lui aussi), de J. Backer et de A. de Gelder.

Pausilippe (école du)

Nom donné en Italie par des peintres de l'Académie à un groupe d'artistes entre 1820 et 1830. Le Vérisme suit les traces de différents courants d'origine naturaliste, mûris dans des foyers régionaux. Une heureuse série de circonstances avait permis à Naples, dès les premières années du Romantisme, le développement d'une école qui poursuivait avec bonheur la tradition locale par une production qui se situait à l'échelle européenne. C'est en effet sur la tradition de la " veduta " napolitaine que se greffe l'école du Pausilippe (Posillipo, en italien), en se fondant, d'une part, sur la persistance de la demande " touristique " (demande qui avait favorisé la formation d'équipes de spécialistes en paysages échappant par leur modestie même à la manière codifiée de la peinture d'histoire) et, d'autre part, sur l'apport d'une nombreuse colonie artistique étrangère. Les meilleurs résultats de l'école du Pausilippe (G. Gigante, A. Van Pitloo) aboutissent à une traduction transfigurée et sensible (non sans rapport avec les récentes expériences européennes, de Corot à Turner) du spectacle naturel.

paysage

EN OCCIDENT

L'histoire du paysage n'est pas seulement celle, stylistique, des tentatives faites pour appréhender l'espace dans ses rapports avec la lumière du plein air, elle reflète aussi les vicissitudes de la réflexion de l'homme sur sa place dans la nature — conscience de sa primauté ou sentiment de participation, parfois inquiétude devant un monde étranger.

L'Antiquité et les prolongements du paysage hellénistico-romain au haut Moyen Âge

Dans les hautes époques de l'Antiquité, la prédominance des intentions religieuses dans l'art ne permettait guère l'épanouissement du paysage ; celui-ci se réduit à quelques éléments schématiques, soit chargés de symbolisme (sycomore sacré de l'Égypte, arbre de vie ou fleuves jaillissants en Mésopotamie), soit purement décoratifs, scandant le rythme d'une frise. Si, dans certaines tombes égyptiennes qui décrivent la vie rurale, les motifs se groupent en un ensemble, ils restent de purs signes indicatifs, juxtaposés (par exemple étang entouré d'arbres en projection rayonnante). D'après le témoignage des vases, on peut croire que la peinture grecque classique n'obéissait pas à des principes très différents. Il faut attendre l'époque hellénistique pour que les bouleversements de la religion et de l'art, joints à l'aspect traditionnellement bucolique de la mythologie, favorisent l'apparition de véritables paysages. Seule la peinture romano-campanienne nous a transmis l'image, en synthétisant probablement deux sources hellénistiques : l'illustration et les décors de théâtre. Il est difficile de savoir quel degré " d'illusion " spatiale y était déjà atteint ; du moins, l'adaptation du paysage à un décor — en particulier en trompe-l'œil — est-elle proprement romaine. Le paysage hellénistico-romain se développe en plusieurs plans, où sont utilisés à la fois une perspective linéaire très empirique, à points de vue multiples, et la perspective aérienne par dégradation du ciel à l'horizon et différenciation, encore arbitraire, des couleurs selon la distance. Souvent les personnages sont subordonnés au paysage ou même disparaissent, surtout dans le paysage " idyllico-sacré ". En même temps, une part importante est accordée à l'architecture : temples, autels, paysage de villa, parfois paysage urbain ou portuaire, sans doute d'origine égyptienne. Pour animer les surfaces, le peintre invente parfois une technique " impressionniste " ; des touches de lumière s'accrochent au relief des architectures ou font frissonner les feuillages, mais leur répartition est peu logique et contribue à donner au paysage l'apparence d'une vision de rêve. C'est le livre qui transmettra le sens de l'espace et de la lumière de la basse Antiquité à la miniature byzantine et à la miniature carolingienne. À Byzance, il revit à plusieurs reprises au VIe s., dans la Genèse de Vienne (B. N.), et surtout au Xe s., dans telle page des Homélies de Grégoire de Nazianze (bibl. Vaticane), où le soleil levant rosit les montagnes, ou encore dans telle autre du Psautier de Paris (Paris, B. N.), aux arbres frémissants, d'ailleurs curieusement emprisonnés par le fond d'or. Sans qu'on sache si Byzance a servi d'intermédiaire, les artistes carolingiens s'inspirent parfois de la tradition hellénistique. Il y a quelques traits de cette tradition dans les écoles de la Cour et de Tours (Bible de Grandval), mais c'est à Reims que le style illusionniste est le plus complètement adopté, en particulier dans le Psautier d'Utrecht (Utrecht, bibl. de l'Université), où, dans la profondeur des étendues de montagnes et d'eau, s'étagent de minuscules personnages, et où se détachent les hachures " impressionnistes " de la végétation.

Le Moyen Âge : passage du symbolisme au réalisme

Dans la peinture du haut Moyen Âge, trop de forces s'opposaient à cette conception relativement naturaliste : les traditions orientale et barbare, et surtout la défiance du christianisme à l'égard du monde sensible, son goût des archétypes. Aussi, tant dans l'art byzantin, où la mosaïque a marqué la fresque et la miniature, que dans la peinture de l'Europe occidentale, on constate une déchéance de la notion même d'espace extérieur organisé. Les éléments du paysage ne sont indiqués que pour situer l'action : les montagnes, stylisées en terrasses ou en aiguilles, perdent toute apparence réelle et sont posées sans recul ni échelle ; l'arbre devient une feuille ou une fleur agrandie ; les villes sont signalées par quelques édifices de couleurs fantaisistes ; enfin, le fond blanc ou à bandes polychromes de la fresque et le fond d'or, puis le fond quadrillé ou à rinceaux de la miniature sont la négation même de l'idée d'atmosphère. Mais les prémisses d'un renouveau apparaissent en Italie, où, à l'extrême fin du XIIIe s., le réalisme de Giotto donne au paysage quelque consistance plastique et des proportions plus vraies ; toutefois, il s'agit encore d'accessoires scéniques, harmonieusement composés en fonction de la figure humaine. Au début du XIVe s. se dessine, peut-être sous l'influence du théâtre, un effort pour développer l'espace en profondeur grâce à des coulisses rocheuses imbriquées, dont le dispositif ne variera guère entre la Maestà de Duccio et des œuvres comme le retable bohémien de Třeboň (v. 1380) ou même les Thébaïdes florentines du début du XVe s. Certes, vers les années 1337-1339, Ambrogio Lorenzetti transforme le paysage génialement, sur sa fresque du Bon Gouvernement au Palazzo Pubblico de Sienne, en un vaste panorama où, dans le moutonnement familier des collines crayeuses, s'inscrit avec aisance la vie d'une humanité représentée à sa juste échelle ; mais, trop moderne, il restera sans lendemain.

   En effet, vers le milieu du XIVe s., le langage symbolique et décoratif du Moyen Âge oriente le paysage dans une autre direction : le paysage-tapisserie, dont le plan vertical déroule, ou parfois enclôt, une somme de " merveilles " dont les fresques d'Avignon sont le plus ancien exemple connu ; dans ce goût de la flore, Matteo Giovannetti suit un courant d'origine italienne (qui s'épanouira avec les Tacuina sanitatis lombards) mais surtout internationalisé, entre 1380 et 1430 environ, dans les Jardins de paradis allemands (Maître du Jardin du Paradis de Francfort, le Jardin du Paradis, Städelsches Kunstinstitut) et leur imitation chez Stefano da Verona, les fresques des Mois à Trente, le Saint Eustache de Pisanello et maintes pages des manuscrits franco-flamands — du Maître aux Boqueteaux au Livre de chasse de Gaston Phébus et au Bréviaire du duc de Bedford. Or, c'est à la miniature franco-flamande qu'il revient de transformer la richesse des fonds rocheux ou des broderies végétales en un paysage-milieu homogène. Déjà vers 1410, l'auteur des Très Belles Heures du duc de Berry et le Maître de Boucicaut réussissent à suggérer un espace à trois dimensions par le serpentement des chemins et des rivières, mais, quelques années plus tard, dans le Calendrier des Très Riches Heures, la vue plongeante permet aux frères Limbourg d'embrasser en une seule intuition un morceau de nature et le cycle d'activités humaines qui lui est lié ; l'unité est complétée par la perspective aérienne, plus subtile que dans les essais du Maître de Boucicaut ou de la miniature bohémienne, et par l'observation des saisons — atmosphère lourde d'un jour de neige ou fraîcheur du printemps. De tels modèles ont dû être connus au sud des Alpes et inspirer les effets de lumière et presque de vibration atmosphérique qui animent la prédelle de l'Adoration des mages de Gentile da Fabriano ou certains dessins de Pisanello.