Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Preti (Mattia)

Peintre italien (Taverna 1613  – La Valette, Malte, 1699).

On sait peu de choses de la formation du jeune Preti, qui arriva à Rome vers 1630. Son premier contact avec le climat artistique romain fut orienté vers le Caravagisme nordique (Concert, mairie d'Alba), représenté à cette époque par Valentin, Serodine et le Néerlandais Mathias Stomer. Toutefois, Preti subit parallèlement l'influence du style néo-vénitien et put parfaire son enseignement au contact de Testa, de Mola et de Poussin entre 1630 et 1640 (Triomphe de Silène, musée de Tours ; Histoire de Moïse, musée Fabre, Montpellier) et lors de nombreux voyages qu'il effectua dans la péninsule, au cours des années 1640.

   Dans la décoration à fresque de l'abside de S. Andrea della Valle (Scènes de la vie de saint André), exécutée en 1650 et 1651, à la dualité entre les composantes caravagesque et néo-vénitienne se substitue peu à peu chez Preti un goût marqué pour la culture émilienne, celle de Lanfranco et de Guerchin, évidente dans l'implantation large des compositions et dans un vigoureux luminisme. Les fresques de la coupole (le Paradis) de S. Biagio à Modène (1651-1653), où l'influence de Pietro da Cortona est sensible dans la recherche d'un rapport spatial matière-lumière qui assouplit la volumétrie compacte des formes, représentent alors la meilleure réalisation de Preti.

   Il était présent à Naples dès 1653 et son second séjour qui dura jusqu'en 1660 marqua un retour aux anciennes tendances : des méditations sur Ribera, sur le luminisme de Caracciolo accompagnent un souvenir des modes de la culture vénitienne, donnant naissance à des œuvres très remarquables, comme le cycle des peintures illustrant des Scènes de la vie de sainte Catherine et de saint Pierre Célestin de S. Pietro à Maiella (1657-1659). Mais, pour Preti, le moment essentiel de cette période est la découverte de Giordano. C'est en effet à Luca Giordano que Preti doit sa nouvelle technique d'empâtement, son trait rapide et sommaire, dont le goût résolument baroque apparaît dans le Festin de Balthazar (Naples, Capodimonte), dans le Festin d'Absalon (id.), dans le Retour du fils prodigue (Naples, Palazzo Reale) ou dans les esquisses pour les Ex-voto de la peste de 1656 (1656-1659 ; Naples, Capodimonte).

   Preti travaille à Malte de 1660 à sa mort ; ces quarante années d'activité hors du continent le détachent presque totalement de tout courant nouveau. Dans cette atmosphère provinciale, ses méditations se cristallisent en un langage immuable, d'un académisme apaisé, comme en témoignent la vaste entreprise décorative de l'église et de l'oratoire de S. Giovanni à La Valette et le Baptême du Christ (musée de La Valette).

   L'œuvre de Preti est fort abondant. En dehors de l'ensemble capital de toiles conservées à Naples (Capodimonte), de celles qui sont restées dans les églises de Naples ainsi que dans celles de Taverna, d'une part, et de ses œuvres maltaises, de l'autre, on trouve de ses peintures dans la plupart des galeries de Rome et dans un grand nombre de musées du monde entier. Citons, parmi ceux qui conservent des chefs-d'œuvre du peintre, la Gg de Dresde, le Prado, l'Art Inst. de Dayton (Ohio), le Museum of Art de Toledo (Ohio), les musées de Grenoble, du Mans, de Chambéry et de Lyon, le K. M. de Vienne, la Brera, l'Accad. Albertina de Turin.

Previati (Gaetano)

Peintre italien (Ferrare 1852  – Lavagna 1920).

Après avoir fréquenté l'École des beaux-arts de Ferrare, il fréquente l'atelier de Cassioli à Florence (1876-77), puis l'Académie de Brera à Milan. En 1879, il gagne le prix Canonica avec les Otages de Crema (Brera ; Crema, Museo Civico). En 1889, Vittore Grubicy l'initie au Divisionnisme, sur lequel il publie différents ouvrages théoriques entre 1905 et 1913 (La Tecnica della pittura, 1905 ; I Principi scientifici del divisionismo, 1906 ; Della Pittura tecnica del arte, 1913). Previati participe à l'exposition de la Rose-Croix à Paris en 1892 et à l'exposition de la Sécession à Berlin en 1902. En 1907, il organise la salle du Rêve à la Biennale de Venise. Ses œuvres sont marquées par une facture inquiète ; sous les couches épaisses de couleur, l'artiste exprime des intentions symboliques, des mutations sentimentales et mystiques : Paolo et Francesca (Bergame, Accad. Carrara), le Roi-Soleil (Bruxelles, M. R. B. A.). La fluidité de ses cadences décoratives, que l'on retrouve dans les premières toiles de Boccioni, le situe dans le cadre de l'Art nouveau : Maternité, 1890 (Novara, Banco Popolare) ; les Funérailles d'une vierge (Rome, G. A. M.), les 14 stations du Chemin de croix (terminé en 1902).

Previtali (Andrea)

Peintre italien (Brembate Sopra, Bergame [?] 1470/1480  – Bergame 1528).

Il se déclare lui-même " disciple de Giovanni Bellini " dans sa première œuvre, signée et datée de 1502 : la Vierge à l'Enfant et un donateur (Padoue, Museo Civico) ; puis il peint la Vierge et deux saints (1506, Bergame Accad. Carrara). Mais le peintre fut aussi sensible à l'influence d'Antonello de Messine et de Carpaccio, et plus tard à celle de Palma Vecchio, de Giorgione et surtout de Boccaccino. Après son long séjour à Venise, il rentre à Bergame vers 1511 ; après 1515, il se montre sensible à l'influence de Lorenzo Lotto, comme le dénotent la fresque de l'Adoration de la Vierge (1518, Bergame, Santuario di Campi di Stezzano) et les lignes ondulées de la Sainte Conversation Casotti (Bergame, Accad. Carrara), à l'aimable réalisme. En 1525, Lotto l'employa pour dessiner les marqueteries de Sainte-Marie-Majeure à Bergame. Il est représenté par une série d'œuvres à l'Acad. Carrara de Bergame et dans les églises de la ville et de la région (Almenno San Salvatore, Cusio, Serina), ainsi qu'à la N. G. de Londres par plusieurs tableaux..

Primatice (Francesco Primaticcio, dit en français (le))

Peintre italien (Bologne 1504  – Paris 1570).

Élève à Bologne d'Innocenzo da Immola, puis de Bagnacavallo, disciples de Raphaël, Primatice se forma surtout, dès 1526, à Mantoue sous la direction de Giulio Romano. On lui attribue, au Palais ducal, le Cabinet d'Apollon (dessin à Turin, Bibl. royale) et, au palais du Té, la Salle des stucs (Triomphe de Sigismond empereur, 1530). Primatice fut aussi marqué, à cette époque, par Corrège et Parmesan. En 1532, Giulio Romano l'envoya à sa place à Fontainebleau au service de François Ier : Primatice y retrouva Rosso, plus célèbre et mieux payé que lui. On lui confia la décoration de la Chambre du roi (1533 et 1535, Histoire de Psyché ), connue par un dessin (Louvre) et des copies qui nous permettent d'imaginer son décor de stucs et de fresques, d'une élégante symétrie, bien différent du décor varié et dynamique de Rosso. En même temps, Primatice commença à décorer la Chambre de la reine, dont seule la cheminée subsiste encore (1534-1537). En 1535, il travaillait au portique de la porte Dorée, entrée principale du château de Fontainebleau au XVIe s. (Scènes de l'histoire d'Hercule), au pavillon de Pomone avec Rosso (1532-1535, détruit ; les Jardins de Pomone, dessin au Louvre), et commençait aussi la décoration de la galerie basse (1535-1542) au rez-de-chaussée du pavillon des Poesles (disparu ; dessins au Louvre).

   La mort soudaine de Rosso, en 1540, allait lui permettre de mener sans partage sa carrière de décorateur : Primatice était alors en Italie, envoyé par François Ier pour en rapporter des œuvres d'art, surtout des antiques. Dès son retour à Fontainebleau, il compléta les décorations inachevées de Rosso. Il décora, peut-être à cette date ou avant, dans la galerie François-Ier, deux cabinets (supprimés), qui s'ouvraient au centre de la galerie, d'une Danaé, sujet placé auj. au milieu de la galerie (dessin au musée Condé de Chantilly), et d'une Sémélé, disparue. Il peignit ensuite le Cabinet du roi (1541-1545, détruit, dont nous connaissons la cheminée par des dessins ; la Forge de Vulcain, Louvre) et le décor des armoires (les Vertus cardinales, dessins au Louvre et coll. part.). En même temps, il ornait de 6 compositions le vestibule de la porte Dorée (1543-44), encore en place. La chambre de la duchesse d'Étampes (1541-1544), défigurée par un escalier sous Louis XV et par de fâcheuses modifications au XIXe s., conserve encore en partie son merveilleux décor, où les grandes figures de stucs rythment symétriquement les fresques, préparées par de magnifiques dessins : la Mascarade de Persépolis (Louvre). Primatice orna ensuite la grotte du jardin des Pins (1543, fresques, ruinées) de sujets vus en perspective (Minerve, Junon, dessins au Louvre), puis, au rez-de-chaussée de la galerie François-Ier, l'appartement des Bains (1541-1547, auj. disparu), une des merveilles de Fontainebleau, qui reçut les chefs-d'œuvre des collections royales, qu'encadraient des stucs et des compositions peintes : Histoire de Callisto (dessins au Louvre et au British Museum).

   Cette intense activité, coupée par des voyages en Italie (en 1543 et en 1546), où Primatice subit probablement de nouvelles influences (en particulier celle de Perino del Vaga), était facilitée par toute une équipe d'auxiliaires, dont certains étaient des artistes de premier ordre. Primatice dirigeait également l'atelier des fontes d'après les antiques ramenés d'Italie et l'atelier de tapisserie : Tenture d'après la galerie François-Ier (Vienne, K. M.). Il était alors à l'apogée de sa puissance, et tout dépendait de lui en matière d'art : valet de chambre du roi, il fut nommé, en 1544, abbé de Saint-Martin-ès-Ayres, près de Troyes. La mort du roi en 1547, la nomination de Philibert Delorme à la direction des Bâtiments allaient passagèrement entamer son pouvoir. La mort ou le départ de certains de ses collaborateurs l'amenèrent aussi, peut-être, à concevoir autrement le décor, où le stuc va disparaître. Primatice avait entrepris, dès 1541, de peindre la Galerie d'Ulysse (auj. disparue), à laquelle il travailla presque jusqu'à sa mort : elle tirait son nom des 58 compositions des parois, tandis qu'à la voûte, divisée en 15 travées ornées de grotesques, apparaissait une multitude de sujets aux audacieux raccourcis (nombreux et admirables dessins ; gravures). Entre 1552 et 1556, Primatice décora la Salle de bal, entièrement peinte à fresque de sujets mythologiques sur les murs et entre les fenêtres. Il fut aidé par Nicolò Dell'Abate, nouveau venu à Fontainebleau, qui deviendra son collaborateur habituel. Ces entreprises ne l'empêchaient pas de travailler pour des particuliers : hôtel de Ferrare (1548), chapelle de Guise (dessins au Louvre, à Chantilly, à Meudon, à Montargis). Il dirigeait l'atelier de Nesles (sculptures réalisées par Germain Pilon et son atelier : Monument du cœur de Henri II, Louvre ; Tombeau de Henri II, Saint-Denis), et faisait aussi œuvre d'architecte (aile de la Belle Cheminée, Fontainebleau). Il donnait des projets pour les fêtes et les " entrées " (suite de dessins dite la Mascarade de Stockholm, au Nm de Stockholm) ainsi que des modèles aux émailleurs, aux lissiers. Parmi ses dernières œuvres, il faut mentionner 2 compositions ajoutées en 1570 dans la chambre de la duchesse d'Étampes et, à la même date, le nouveau décor de la Chambre du roi (perdu ; sujets tirés de l'Iliade, décrits par le père Dan et l'abbé Guilbert ; copies de Belly et de Van Thulden ; quelques dessins préparatoires au Louvre) ; tous ces ensembles furent réalisés par Nicolò dell' Abate. Surchargé de commandes, Primatice peignit sans doute assez peu lui-même ; on lui attribue de rares tableaux : les plus sûrs semblent la Sainte Famille (Ermitage) et Ulysse et Pénélope (Toledo, Ohio, Museum of Art) ; l'Enlèvement d'Hélène (Barnard Castle, Bowes Museum) paraît une œuvre d'atelier. Il est difficile de juger de l'Évanouissement d'Andromaque (musée de Providence, Rhode Island), à cause de son état. Les décorations de l'artiste étant souvent perdues ou mal conservées, c'est grâce à de nombreux dessins (séries très importantes au Louvre, à l'Albertina et au Nm de Stockholm), surtout à la plume et au lavis ou à la sanguine avec rehauts de blanc, que nous pouvons connaître sa manière, d'une grâce précieuse et recherchée, et ses inventions poétiques de grand décorateur. Diffusé par les graveurs (particulièrement bien par le Maître L. D.), servi par une longue carrière, Primatice a exercé une influence décisive sur l'art français, en particulier sur le XVIIIe s.