Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Millecamps (Yves)

Peintre français (Armentières 1930).

Ancien elève de l'École nationale supérieure des Arts décoratifs, il compose en 1955, à la suite d'une rencontre avec Jean Lurçat, sa première tapisserie. Il participe en 1962 à la Biennale de la tapisserie de Lausanne, exécute, en 1963, sa première peinture géométrique et abandonne dès 1966 l'huile pour l'acrylique, plus adapté à son écriture abstraite. Il inaugure en 1967 une série de reliefs muraux et de sculptures métalliques. Son style pictural s'épure alors, devient plus linéaire. Sa palette s'assombrit dans les fonds pour valoriser des trames graphiques soigneusement agencées et dont les couleurs dorées peuvent susciter ce que X. Xurriguera, à propos du travail d'Yves Millecamps, a appelé une " rêverie métallique ". Présent au Salon des Réalités nouvelles de mai (1983), il est représenté au F. N. A. C. ainsi que dans les musées de Nice, de Tourcoing et de Lille.

Millet (Jean-François, dit Francisque)

Peintre français (Anvers 1642  – Paris 1679).

Élève de L. Franck, Millet est à Paris en 1659. Il est reçu à l'Académie dès 1673, mais il meurt prématurément après avoir séjourné dans les Flandres, en Hollande et en Angleterre. Sa production de paysagiste est prolongée par celle de son fils Jean (Paris 1666 – id. 1723) et le fils de ce dernier, Joseph (1697 ? – 1777), tous deux également surnommés Francisque. Si beaucoup de toiles ont été hâtivement attribuées à Millet, les gravures de Théodore, d'après les tableaux de l'artiste, permettent de se faire une idée précise de l'art de celui-ci : ses compositions en vue plongeante sur de vastes horizons (l'Orage, Londres, N. G. ; Paysage aux baigneurs, Munich, Alte Pin. ; les Filles de Cécrops, Bruxelles, M. R. B. A.), d'une facture moins libre que celle de Dughet, d'un coloris aux verts acides que ponctuent de petites taches de vermillon, font de lui, aux côtés de Bourdon, l'un des représentants du paysage héroïque, calme et grandiose tel que l'avait défini Poussin. Parmi ses meilleurs paysages, on peut signaler ceux qui appartiennent aux musées de Varsovie, de Marseille, de Ponce (Porto Rico), de Francfort (Städel. Inst.) et de Paris (Petit Palais).

Millet (Jean-François)

  • Jean-François Millet, Moissonneur

Peintre français (Gruchy, près de Cherbourg, 1814  – Barbizon 1875).

Les débuts

Souvent appelé le " peintre des paysans ", Millet fut un enfant précoce qui, tout en menant une existence campagnarde, fit ses humanités et travailla avec les peintres Mouchel et Langlois à Cherbourg de 1833 à 1837. Grâce à une bourse municipale, il vint à Paris et fréquenta quelque temps l'atelier de Paul Delaroche. En 1840, il gagnait sa vie comme portraitiste, et l'une de ses toiles fut acceptée, la même année, au Salon.

   Les portraits les plus anciens (Autoportrait, Pauline Ono, 1841, musée de Cherbourg), avec leurs francs contrastes d'ombre et de lumière et leur modelé sculptural, reflètent un goût néo-classique provincial. La prédilection de Millet pour la peinture espagnole, notamment, le conduisit à adoucir progressivement son style. C'est de 1843 à 1846 que datent ses meilleurs portraits, exécutés dans une manière fleurie où les couleurs sont posées en touches séparées, imbriquées comme des écailles, de manière à former de riches et sensuelles surfaces régies par une vigoureuse structure (Pauline Ono, 1843, musée de Cherbourg ; Armand Ono, id. ; Deleuze, Brême, Kunsthalle ; Antoinette Hébert, États-Unis, coll. part. ; Officiers de marine, 1845, musées de Rouen et de Lyon).

   Le peintre passait la plus grande partie de son temps à Cherbourg et, après la mort de sa première femme (1844), il séjourna plusieurs mois au Havre en 1845 avant de retourner à Paris. Outre ses portraits, il peignait alors des scènes bucoliques qui doivent beaucoup à son contemporain Diaz et à la tradition illustrée par Prud'hon et Corrège.

La période parisienne et la révolution

Le style et les sujets de Millet, après son installation à Paris à la fin de 1845, vont subir une autre métamorphose. Une admiration nouvelle pour Poussin et Michel-Ange, qui n'était pas incompatible avec son estime pour le contrepoint énergique et les raccourcis de Delacroix, se manifesta dans divers sujets, dont les formes devinrent rapidement plus sculpturales et plus héroïques que celles de naguère. De 1846 à 1848, les portraits sont peu nombreux (les commandes étaient sans doute difficiles à trouver dans la capitale) et les principaux thèmes sont Saint Jérôme, Agar (1849, La Haye, musée Mesdag), Œdipe détaché de l'arbre (Salon de 1847, Ottawa, N. G.) ainsi que des nus bien campés et des tableaux de genre. Les nus, peints à l'huile et dessinés (Paris, musée d'Orsay et Louvre), sont d'une rare beauté et comptent parmi les meilleurs ouvrages de Millet. Les sujets de genre, femmes donnant du grain aux poulets ou femmes de pêcheurs désespérées, annoncent la première figure monumentale de paysan, le Vanneur (présenté au Salon de 1848, Londres, N. G.).

   Comme bien des artistes, Millet fut ému par la révolution de 1848 ; et, conséquence de ce nouveau triomphe de l'homme du peuple, les paysans prennent une place sans précédent dans son art. Grâce au gain provenant d'une commande gouvernementale, il put s'établir, à la fin de 1849, à Barbizon, où il passa le reste de sa vie, sauf quelques voyages dans sa Normandie natale ou en Auvergne.

Thèmes rustiques et idéal social

La figure héroïque du Semeur (Philadelphie, Provident Bank), exposé au Salon de 1850-51, valut à Millet la notoriété, et ses envois successifs au Salon ou à l'Exposition universelle, tels le Repas des moissonneurs (1853, Boston, M. F. A.), le Greffeur (1855, États-Unis, coll. part.), les Glaneuses (1857, Paris, musée d'Orsay), la Mort et le bûcheron (refusée en 1859, Copenhague, S. M. f. K.), l'Homme à la houe (Malibu, The J. Paul Getty Museum), devinrent les manifestes de l'histoire sociale et artistique du second Empire. L'œuvre de Millet joua un rôle décisif, car, aux yeux de la critique bourgeoise, le paysan était le symbole de 1848 et de la misère qui régnait dans les campagnes désertées. Millet était associé, dans l'esprit du public, à Courbet dans l'élaboration d'un nouveau Naturalisme pouvant rivaliser avec les styles établis du Classicisme et du Romantisme. Bien que Millet fût plus fataliste que vraiment socialiste, son désir de montrer le caractère éternel de la lutte de l'homme pour son existence coïncidait avec le profond bouleversement social qui accompagnait le transfert massif des populations rurales vers les cités industrielles en pleine expansion. Après 1865, pourtant, la vie laborieuse des paysans que Millet représentait répondit à un engouement teinté de nostalgie pour les thèmes qui excluaient toute allusion à la vie industrielle. Ce fut le début d'une popularité qui fit de l'artiste, après sa mort, un des peintres les plus célèbres du siècle.

   Grâce à plusieurs peintres et amateurs américains, surtout originaires de Boston, il fut très tôt apprécié aux États-Unis, ce qui explique qu'une importante partie de son œuvre peint se trouve aujourd'hui dans les musées et les collections de ce pays. Le M. F. A. de Boston possède ainsi le plus bel ensemble de tableaux et de pastels de l'artiste.

Un Naturalisme classique

Dans les années 50, les peintures et les dessins de Millet étaient peuplés d'images puissantes d'hommes et de femmes au travail, aux champs ou dans la forêt, les traits tendus par l'effort. Elles donnèrent naissance, v. 1860, à des formes plus monumentales dans des poses statiques qui rappellent Poussin et la tradition classique (l'Angélus, 1858-59, Paris, musée d'Orsay ; la Grande Tondeuse, 1860, États-Unis, coll. part. ; les Planteurs de pommes de terre, 1861-62, Boston, M. F. A. ; la Grande Bergère, 1863-64, Paris, musée d'Orsay ; la Naissance du veau, 1864, Chicago, Art Inst.). Deux silhouettes ou davantage se détachent, suivant le rythme harmonieux d'une frise, sur l'étendue des plaines de la Brie ; leur monumentalité s'exprime dans la noble simplicité presque primitive de leur présentation, dont l'essentiel réside dans l'archétype sculptural qu'elles constituent ; leur éloquence tient à la grande tradition française, qui évite toute trivialité au bénéfice d'une vision aux formes sculpturales.

   Au cours de la même période, Millet exécuta également des dessins et des peintures de plus petit format que les tableaux présentés au Salon. Ses intérieurs domestiques évoquent ceux des Hollandais et de Chardin par la dignité de leur mise en scène et la simplicité de leur composition. Les dessins (le Louvre en conserve un ensemble capital) sont peut-être aussi importants que les peintures : le jeu du crayon engendre des gris et des noirs veloutés, qui donnent à l'image sa force et au motif sa mystérieuse suggestion. L'art de Seurat, de Redon, de Pissarro et de Van Gogh procédera, plus tard, des dessins de Millet.