Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Hinterreiter (Hans)

Peintre suisse (Winterthur  1902  – Ibiza  1989).

Hinterreiter a d'abord étudié les mathématiques de 1920 à 1921, puis il a fait des études d'architecte, de 1921 à 1925, à l'École polytechnique de Zurich (ETH), dont il va sortir diplômé. Il deviendra artiste indépendant en 1929 et, l'année suivante, commencera à se préoccuper de l'étude de la couleur, notamment d'après les théories de Wilhelm Ostwald. Il consignera toutes ses réflexions dans un ouvrage intitulé Die Kunst der reinen Form (l'Art de la forme pure), qu'il écrit dans le courant des années 30 mais qui ne sera finalement publié qu'en 1978.

   En 1939, Hinterreiter s'installe à Ibiza. En 1942, il adhère à l'association Allianz avec laquelle il exposera régulièrement. L'art d'Hinterreiter est entièrement fondé sur l'exploration systématique des possibilités de la couleur. Ses compositions, qui sont essentiellement des études réalisées à l'aquarelle, s'appuient sur les mathématiques et la géométrie et présentent des motifs réguliers, proches de l'effet décoratif obtenu par les pages-tapis du Moyen Âge : ses recherches présentent de nombreux rapports avec celles des artistes concrets zurichois.

   Hinterreiter ne réalisera que beaucoup plus tard des tableaux, qu'il commencera à exposer à partir de 1973. Il est représenté dans quelques musées suisses.

Hirschhorn (Thomas)

Artiste suisse (Berne 1957).

Formé à la communication visuelle, Hirschhorn arrive en 1984 à Paris et abandonne son métier de graphiste. Il utilise des matériaux empruntés à l'environnement quotidien (photographies et slogans publicitaires, pancartes de manifestation, rubans adhésifs) et les ordonne sur des fonds (cartons, contre-plaqués, draps) en se fixant des contraintes de recouvrement. L'accrochage varie selon l'espace et le lieu. L'ensemble des relations entre installation et éléments détermine une conscience sociale et politique du monde contemporain. Si ses compositions se réfèrent à l'abstraction constructiviste, c'est pour piéger un art jugé trop propre (pureté formelle, utopie) dans son rapport au social. À un formalisme moderniste il oppose le fruste, le dérisoire et une provocante lucidité comme forces de résistance. Depuis 1986, Hirschhorn expose en France, en Suisse et en Allemagne. Il a participé à une exposition collective à la G. N. du Jeu de Paume en 1994 et une exposition lui a été consacrée (Genève, centre genevois de gravure contemporaine) en 1996.

Hirschvogel (Augustin)

Peintre sur émail et graveur allemand (Nuremberg v.  1503  – Vienne 1553).

Fils du maître verrier Veit le Vieux, Augustin travailla dans l'atelier de son père jusqu'à la mort de celui-ci. Après avoir été le cartographe de Ferdinand II d'Autriche, il se fixa vers la fin de sa vie à Vienne, où il déploya une intense activité comme peintre, mais aussi comme ingénieur et fournisseur de modèles décoratifs. Ses paysages à l'eau-forte, notamment des vues de Vienne (Vienne, Historisches Museum), d'une technique précise et déliée, où apparaît parfois le souvenir de Wolf Huber, constituent la partie la plus attachante de son œuvre.

Hirtz (Hans)

Peintre alsacien (Strasbourg v.  1400  – mort en captivité 1463).

Les archives de Strasbourg le signalent pour la première fois en 1421 à propos de l'achat d'une maison située dans la paroisse de Saint-Thomas. Membre de la guilde des peintres et des orfèvres v. 1426, il milite en 1438 pour la séparation de ces deux corps de métier. En 1439, il est cité comme témoin au procès de Jean Gutenberg. Un texte de 1451-52 le désigne comme devant être dégagé des obligations astreignantes de la guilde ; néanmoins, il est pris, en 1462, comme otage par Friedrich von der Pfalz et meurt l'année suivante.

   Lilli Fischel (1952) a montré que les panneaux de la Passion du musée de Karlsruhe, sur l'un desquels (Portement de croix) figure une vue de l'église Saint-Thomas prise depuis sa demeure, doivent lui être attribués et datent de 1440 env. Sur les 8 panneaux d'origine, 7 subsistent actuellement : Prière au mont des Oliviers, Couronnement d'épines, Christ dépouillé de ses vêtements, Portement de croix, Mise en croix (tous au musée de Karlsruhe), Arrestation du Christ (Cologne, W. R. M.), Flagellation (coll. part.). Cet ensemble très expressif, aux compositions denses, dégage une extraordinaire impression de violence. On donne aussi à Hirtz les peintures murales (Gethsémani et l'Arrestation du Christ) qui faisaient sans doute partie d'un cycle autrefois visible à l'église des Dominicains de Strasbourg. Celles-ci ont été restaurées en 1621 par Hilaire Dietterlin, copiées à la plume et au lavis par son fils Barthélemy, reprises en gravure par le père, qui en fit l'hommage à l'empereur Ferdinand II. Lilli Fischel attribue en outre à Hans Hirtz les projets des vitraux de Saint-Pierre-le-Vieux (la Tentation, 1455-1460) et de Saint-Guillaume de Strasbourg (la Passion, 1460), œuvres généralement considérées comme issues de l'atelier de Peter von Andlau.

   L'art de Hans Hirtz est d'un réalisme appliqué et fidèle. Il se nourrit aux sources, surtout graphiques, des primitifs des anciens Pays-Bas.

hispano-flamands (maîtres)

On désigne ainsi les peintres espagnols du XVe s. et du début du XVIe s. qui ont travaillé en s'inspirant des maîtres flamands contemporains. Connu et apprécié dès le XIVe s. par les rois d'Aragon, l'art des Pays-Bas eut une grande vogue dans les cours d'Espagne pendant le XVe s. Les rois prennent l'initiative des échanges, ils invitent les artistes pour un séjour plus ou moins long, ils achètent de nombreux tableaux ou envoient leurs peintres en apprentissage à Bruges ou à Tournai. On sait que Jan Van Eyck, membre de l'ambassade du duc de Bourgogne Philippe le Bon, chargée de la demande en mariage d'Isabelle de Portugal, séjourna en 1429 à la cour de Castille et peut-être à la cour d'Aragon, établie alors à Valence. Aucun témoignage de son activité en Espagne n'a été conservé, mais dans l'inventaire d'Alphonse V d'Aragon figurent deux tableaux de sa main acquis en 1444 : un Saint Georges et un triptyque de l'Annonciation (auj. disparus). En 1431, le Valencien Luis Dalmau est envoyé par le roi en Flandre pour parfaire son métier. Quelques années plus tard, en 1439, Luis Alimbrot, peintre de Bruges, séjourne à Valence. Durant le règne des Rois Catholiques, les relations s'intensifient entre les deux pays : Isabelle la Catholique eut plusieurs artistes flamands à son service, tels Juan de Flandes, qui séjourna entre 1496 et 1519, et Michel Sittow, entre 1492 et 1502. Pour l'oratoire de la reine, ils composèrent un important retable comprenant 47 scènes de la Vie de la Vierge. La collection royale comprenait plus de 400 panneaux flamands dont le Prado, la chapelle de Grenade et l'Escorial ont recueilli, malgré des pertes importantes, la meilleure part.

   Nobles et dignitaires de l'Église suivent l'exemple royal, et des commerçants importent des œuvres d'art par les ports d'où ils exportent les laines de la " Meseta ". Un document de 1529 nous apprend même qu'une vente publique de peintures flamandes doit être organisée à Barcelone. La divulgation de ces œuvres étrangères et surtout les grandes nouveautés stylistiques qu'elles apportaient furent pour les artistes une source féconde de renouvellement, interprétée par chacun selon sa sensibilité. Tous découvrent une nouvelle utilisation de l'éclairage, qui, avec un dégradé d'ombres et de lumières, permet un modelé plus délicat et naturel, une perspective non plus seulement géométrique, mais atmosphérique, pour obtenir l'illusion totale de la troisième dimension, la représentation du paysage, enfin, qui, dans le fond des scènes, remplacera définitivement les fonds d'or.

   À Valence, Luis Dalmau, à son retour de Flandre en 1436, offre le premier exemple d'un artiste imprégné par l'art de Van Eyck. Pour sa Vierge des conseillers (Barcelone, M.A.C.), il reprend la composition de la Vierge au chanoine Van der Paele de Van Eyck à Bruges et le groupement des anges chanteurs du polyptyque de l'Agneau mystique. En comparaison avec des œuvres antérieures, on note ici un sens nouveau des volumes et un souci de rendre avec précision les détails du décor sculpté. Jaime Baço, dit Jacomart, et son collaborateur Juan Reixach suivent les leçons de Dalmau pour situer leurs personnages dans l'espace tout en gardant un graphisme très italien. Chez presque tous les peintres valenciens, en effet, les éléments nordiques viennent se superposer à des caractères italiens existant depuis la fin du XIVe s. Ainsi, le Calvaire (Valence, église Saint-Nicolas) peint par Rodrigo de Osona offre un bel exemple d'une sorte de synthèse entre l'art de Mantegna et celui de Hugo Van der Goes.

   En Catalogne, Jaime Huguet est séduit pendant quelques années, entre 1445 et 1450 environ, par les innovations de Dalmau ; dans le Retable de Vallmoll, il adoucit le modelé des visages et donne une grande importance à tous les détails des objets. Pendant son séjour à Barcelone, l'Andalou Bartolomé Bermejo peint pour le chanoine Desplá une Pietà (Barcelone, cathédrale), tout imprégnée de l'art pathétique de Van der Weyden. Aussi l'hypothèse d'une formation en Flandres du plus grand peut-être des peintres hispano-flamands est-elle souvent avancée par la critique. À Majorque, le grand panneau de Saint Georges terrassant le dragon (Palma, musée diocésain) par Pedro Nisart est peut être le reflet de l'œuvre de Van Eyck traitant le même sujet, qui appartint à Alphonse le Magnanime.

   Plus que dans les régions méditerranéennes, c'est en Castille à la fin du XVe s. que la peinture flamande a été le plus largement assimilée. Dans les centres de Burgos, Palencia, Ávila, et Tolède ont travaillé un grand nombre d'artistes restés anonymes et baptisés de nos jours Maîtres de Saint Ildefonse, de la Sisla, d'Ávila, de Santa Clara de Palencia ou de Palanquinos. Ils tirent des modèles flamands un art massif et sculptural, en accentuant les expressions douloureuses des figures, en amplifiant le volume des draperies et en multipliant les motifs architecturaux. En 1455 apparaît le nom de Jorge Inglés, un étranger venu travailler pour le marquis de Santillana et auteur vigoureux et raffiné du Retable de l'hôpital de Buitrago (Madrid, coll. du duc de l'Infantado), où les portraits des donateurs tiennent une place inusitée dans les compositions espagnoles. Son successeur dans la maison du marquis de Santillana, le Maître de Sopetrán, s'attache à amplifier l'impression de la troisième dimension dans les 4 Panneaux de la Vierge (Prado). Un seul artiste fait vraiment figure de chef d'école : c'est Fernando Gallego. À une profonde connaissance des compositions de Dirk Bouts, il allie une grande habileté dans la mise en place de ses personnages vêtus de lourdes étoffes aux plis cassés à une verve expressionniste pathétique et de ton populaire. Auteur de plusieurs Christ de pitié, directement inspiré de Van der Weyden, Diego de la Cruz collabora au Retable des Rois Catholiques, exécuté en 1497 au moment du mariage de Jeanne la Folle avec l'héritier de la maison des Flandres. De l'important centre ecclésiastique de Tolède, il faut retenir les noms de Juan de Segovia et de Sancho de Zamora, auteurs présumés du retable de la Famille du connétable Alvaro de Luna.

   Enfin, dans la décoration du studiolo du duc d'Urbin, la main de Pedro Berruguete est difficile à discerner de celle du Flamand Juste de Gand. En Andalousie à la fin du XVe s., plusieurs artistes, tels que Pedro Sanchez et Pedro de Cordoba, offrent une formule adoucie et élégante de l'art hispano-flamand de Castille.

   Tant chez les peintres étrangers installés en Espagne que chez les Espagnols conquis pour l'art des Pays-Bas, on assiste, après un temps d'admiration un peu servile des maîtres, à une hispanisation progressive des modèles. Ce retour aux sources se traduit par une dramatisation des sujets, un refus de toute idéalisation et une intensification de l'expression des sentiments.