Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
G

groupe des Dix
ou Ten American Painters

En 1898, 11 artistes américains ayant voyagé en Europe et voulant manifester leur libre attachement à l'Impressionnisme français se réunirent sous le nom d'Eleven Painters Secede (Sécession des 11 peintres) et organisent leur première exposition la même année chez Durand-Ruel à New York. Le onzième, Abbott H. Thaver, qui côtoie l'Impressionnisme sans vraiment l'adopter, démissionne après l'exposition, ramenant à dix le nombre des représentants. Ce sont : F. Benson, T. Dewing, F. Hassam, J. Weir, J. Twachtman, de Camp, W. Metcalf, E. Simons, R. Reid et E. Tarbell.

Gruber (Francis)

Peintre français (Nancy 1912 Paris 1948).

Il connut une enfance maladive et rêveuse et, très jeune, se prit de passion pour ces maîtres de l'imaginaire que sont Bosch, Grünewald, Dürer et Callot. Des années 1929-1932 datent ses kermesses dynamiques aux couleurs violentes (Décor pour le bal de l'Académie scandinave, 1932). De 1935 à 1942, il peint plusieurs tableaux allégoriques : Hommage au Travail (1936), l'Arrivée des Antiques à Fontainebleau (1935, M. A. M. de la Ville de Paris), Hommage à Callot (1942), le Poète ou Hommage à Rimbaud (1942). En 1937, un séjour sur l'île de Ré l'a ouvert à une nature pathétique, aux grands horizons balayés. Cette découverte donne lieu à la série des Orages, à laquelle font suite des paysages interprétés par une imagination mélancolique : au premier plan de ces œuvres se dresse parfois un être solitaire (Mélancolie, 1941). Mais, à partir de 1940, c'est son atelier qui devient la scène dénudée des plus émouvantes de ses peintures, qui sont à rapprocher de celles que peint dans un même lieu clos Giacometti, dont il est l'ami depuis 1938 (Nu au gilet rouge, 1944, M. A. M. de la Ville ; Femme sur un canapé, 1945, M. N. A. M.). En 1944, le Job (Londres, Tate Gallery), qu'il expose au Salon d'automne, est ressenti comme une parfaite illustration de la période de désespoir qui, à peine, s'achevait. En 1948, devenu gravement malade, il rassemble ses thèmes familiers (nus adolescents, paysages, atelier) dans des tableaux qu'éclaire un jour pâle, au dessin aigu (Nu sur fond rouge, 1948, Lisbonne, fond. Gulbenkian), dont un courant dit " misérabiliste " s'inspirera sans en égaler toujours la poésie.

Grubicy de Dragon (Vittore)

Peintre italien (Milan 1851  – id. 1920).

D'une famille attirée par l'art, il commence à voyager en Europe à partir de 1870 (surtout à Londres), jouant les intermédiaires pour son frère Alberto, grand marchand d'art, qui soutient de jeunes artistes italiens comme Cremona, Ranzoni, Segantini. Au cours d'un séjour en Hollande (1882-83) et sous l'influence des peintres Israëls et Anton Mauve, il décide alors de se lancer dans la peinture et délaisse peu à peu le commerce de l'art (surtout après 1889) ; adoptant le pointillisme, il amène ses amis (Segantini, Morbelli, Previati) à cette technique, nouvelle en Italie. Devenu critique d'art à La Riforma de Primo Levi et à La Cronache d'arte en 1886, il organise diverses expositions, comme celle sur le Divisionnisme lombard à la Triennale de la Brera à Milan en 1891 et la manifestation itinérante sur la peinture de Previati en 1901, tout en partageant son temps entre Miazzina, Milan et le lac de Lecco. Là, il exécute le plus souvent de petits paysages poétiques, combinés en polyptyques, dans une palette aux tons de brun et d'orange qui n'est pas sans évoquer celle de Millet et des peintres de Barbizon (De la fenêtre, Miazzina, 1898 ; Quelle paix à Valganna !, v. 1894 ; l'Été sur le lac de Côme, 1897-1901, triptyque, Rome, G. A. M. ; Hiver en montagne, poème panthéiste en huit tableaux, 1894-1911, polyptyque, Milan, G. A. M. ; la Montagne de Tremezzo, 1897). Ses œuvres, qui figurent à l'Internationale de Venise et à de nombreuses expositions à Munich et à Düsseldorf (1904), influenceront des artistes comme Romani et Carrà. Ses toiles se trouvent principalement dans les G. A. M. de Venise, de Rome et de Milan, mais aussi à Paris (M. A. M. de la Ville et Orsay).

Grund (Norbert)

Peintre tchèque (Prague 1717  –id.  1767).

Formé à Vienne chez le pasticheur des Hollandais F. P. Ferg, il se spécialisa dans les batailles, les chasses, les bergeries, les travestis et les fêtes galantes, inspirés de l'estampe et traités en petit format dans une technique précieuse, avec un beau sentiment de la lumière, de l'air et de la poésie (Personnages dans les ruines romaines, musée de Prague).

Grünewald (Mathis Nithart, dit Matthias)

Peintre allemand (Würzburg probablement v. 1475/1480  – Halle [?]1528 [?]).

Les textes d'archives et les commentaires contradictoires des historiens ont créé la confusion autour de la personne et de l'activité de ce peintre, dont le chef-d'œuvre, peint de 1513 à 1516, est le retable des Antonins d'Issenheim, en Alsace.

Le problème de l'identité de Grünewald

Le nom même de Grünewald n'est révélé qu'en 1675 par Joachim von Sandrart à propos de " Mathis von Aschaffenburg ", de même que Mérian le Vieux, Faesch et quelques autres désignent du nom de Grün le monogrammiste MG, en relation avec le retable d'Issenheim (H. J. Rieckenberg). Les archives d'Aschaffenburg attestent la présence dans cette ville d'un " Meister Mathis ", peintre de statues et doreur, entre 1480 et 1490. Mais il ne s'agit probablement pas de Grünewald. Ce dernier est mentionné pour la première fois à Aschaffenburg en 1505. Il entra comme peintre, sans doute, mais aussi comme maître d'œuvre au service de l'évêque de Mayence, Uriel von Gemmingen, résidant à Aschaffenburg. En 1510, un maître Mathis Nithart gen. Gothart von Würzburg apparaît comme " Wasserkunstmacher ", c'est-à-dire ingénieur hydraulique, ainsi que l'a établi Zülch. De 1514 à 1516, un procès soutenu à Francfort-sur-le-Main le signale de nouveau à l'attention. Auparavant, il avait livré aux dominicains de cette ville 2 volets pour le retable Heller, peint en 1508-09 par Dürer, et un " panneau " (1511). Par testament du 15 août 1517, le chanoine Reitzmann charge maître Mathis de la peinture d'un retable dédié à la Vierge et au miracle de la neige (Maria-Schnee-Altar) pour la collégiale d'Aschaffenburg (1514-1519, Vierge de Stuppach et le Miracle de la neige, musée de Fribourg-en-Brisgau). Le 27 août de la même année, un protocole du chapitre de la cathédrale de Mayence livre les termes d'une supplique adressée par Meister Mathis Gothart le peintre. Il est établi que Grünewald a achevé le retable d'Issenheim en 1516, année de la mort du précepteur des Antonins. L'artiste regagne Aschaffenburg la même année et se met au service du cardinal Albrecht de Brandebourg, successeur d'Uriel von Gemmingen et son grand protecteur. Il semble qu'en 1526, à la suite des troubles de la guerre des paysans et de la Réforme, Grünewald ait perdu la faveur de ce prélat ; il s'établit à Francfort, où il fabrique du savon et se livre à des activités d'ingénieur. Peu de temps après, il se rend à Halle, où il meurt en 1528.

La formation

Il semble que Grünewald ait eu une première formation à Würzburg, sa ville natale, qu'il se soit inspiré un temps de l'art de Hans Holbein le Vieux, à Augsbourg probablement, sinon à Francfort-sur-le-Main, qu'il ait enfin acquis la maîtrise au terme d'un voyage v. 1500 (il n'est pas certain qu'il ait connu l'Italie autrement que par des contacts avec Jacopo de Barbari à Nuremberg).

Chronologie de l'œuvre de Grünewald

Le catalogue des œuvres généralement reconnues s'établit comme suit :

   1503-1505 : volets du retable (triptyque) de l'église de Lindenhardt, près de Bayreuth, provenant de l'église de Bindlach (1685), à partie centrale sculptée et à volets extérieurs peints sur 2 panneaux avec Quatorze Saints protecteurs ; la Dérision du Christ (Munich, Alte Pin.), probablement donnée par Jean de Kronberg à l'église d'Aschaffenburg en mémoire de sa sœur Apollonie, décédée en décembre 1503.

   Vers 1507 : la Crucifixion du musée de Bâle, partie d'un panneau de retable conservée dans cette ville depuis 1775.

   1509 : 2 volets du retable Heller, donné en 1509 à l'église des Dominicains de Francfort-sur-le-Main par le patricien Jacob Heller. Les parties peintes en camaïeu par Grünewald sont partagées entre le musée de Karlsruhe (Sainte Élisabeth, Sainte Lucie [?]) et le Städel. Inst. de Francfort (Saint Laurent, Saint Cyriaque).

   Après 1509 : la Crucifixion de Washington (N. G., coll. Kress), jadis dans la collection du duc Guillaume V de Bavière.

   1511-1516 : le retable du couvent des Antonins d'Issenheim (Haut-Rhin) aujourd'hui au musée d'Unterlinden de Colmar, la partie centrale sculptée par Nicolas de Haguenau au cours de la dernière décennie du XVe s. Le retable était placé au fond du chœur des chanoines, derrière le jubé ; aux yeux des malades, il était dominé par la présence du grand saint Antoine sculpté " en majesté ", à la fois thaumaturge et thérapeute et, par conséquent, sujet à dévotions. Les 2 volets fixes, la prédelle et les 4 volets mobiles ont été commandés par le précepteur des Antonins, Guido Guersi, à Mathis Nithart. C'est le mérite de Jacob Burckhardt, après Boisserée et Engelhardt, d'avoir redressé l'erreur d'attribution de l'ouvrage à Dürer. Une Déploration du Christ occupe la prédelle. Sur la première face, le volet de gauche est consacré à Saint Sébastien, le volet de droite à Saint Antoine : sur le panneau central, la Crucifixion est encadrée par la Vierge, saint Jean-Baptiste et sainte Madeleine (la date de 1515 apparaît sur le pot d'aromates de la sainte). Sur la deuxième face, l'Annonciation, sur le volet gauche, et la Résurrection, sur le volet droit, encadrent la Nativité, selon la conception symbolique de sainte Brigitte de Suède. Sur la troisième face, le volet gauche relate la rencontre des Saints Ermites Antoine et Paul : saint Antoine sous les traits de Guido Guersi, et saint Paul peut-être sous ceux de Grünewald ; la Tentation de saint Antoine lui fait pendant à droite ; le panneau central est sculpté. Cet ouvrage majeur de Grünewald est inspiré par sainte Brigitte de Suède et, semble-t-il aussi, par Ludolphe le Saxon et par saint Bonaventure. Il témoigne des préoccupations théologiques de Guido Guersi et des expériences hospitalières que l'artiste n'a pas dû manquer de faire auprès des malades d'Issenheim.

   1517-1519 : le retable (triptyque) du Miracle de la neige (Maria-Schnee-Altar), provenant de la collégiale d'Aschaffenburg, commandé en 1517 par le chanoine Heinrich Reitzmann à maître Mathis. Le cadre, encore conservé in situ, porte les noms des donateurs Heinrich Reitzmann et Kaspar Schantz, la date de 1519 et le monogramme G. M. N. (Gotthart Mathias Nithart). De cet ouvrage sont conservés un volet (le Miracle de la neige, musée de Fribourg-en-Brisgau) et la Vierge de Stuppach, qui fut probablement le panneau central du retable. À cette époque, selon Sandrart, Grünewald aurait peint 3 retables pour la cathédrale de Mayence.

   1520-1525 : Saint Érasme et saint Maurice (Munich, Alte Pin.), signalé en 1525 dans l'inventaire de la collégiale de Halle, transporté v. 1540 par le cardinal Albrecht de Brandebourg à Aschaffenburg. Saint Érasme a les traits de ce prélat.

   Autour de 1525 : le Portement de croix et au revers la Crucifixion provenant sans doute de Tauberbischofsheim (musée de Karlsruhe), avers et revers d'un panneau scié en 1883 ; la Déploration du Christ (église d'Aschaffenburg), sans doute prédelle d'un grand retable, aux armes du cardinal Albrecht et de l'archevêque Dietrich von Erbach.

   Trente-six dessins admirables, tous des études pour les tableaux (musées de Karlsruhe, de Berlin, de Dresde, de Weimar, de Stockholm, d'Erlangen, d'Oxford ; Louvre ; Albertina), viennent enrichir ce catalogue d'œuvres et souvent confirmer les attributions.