Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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salon (suite)

La critique des Salons

Elle constitue un véritable genre littéraire, où, très souvent, s'exprime la passion des esprits. Elle forme un document précieux à plus d'un titre : non seulement elle restitue le jugement des contemporains et témoigne de l'évolution esthétique du temps, mais encore elle consigne les circonstances événementielles des expositions et les descriptions des œuvres, rarement indiquées dans les " livrets " et les catalogues.

   La critique proprement dite apparaît au XVIIIe s. Certes, les premiers Salons avaient dû susciter une vive curiosité : des commentaires signés de noms de fantaisie (Minos, Cassandre, Le Chinois, Raphaël ou Badigeon), ou le Salon de Mallet de Viriville, le laissent supposer. En fait les premières critiques imprimées paraissent pour la première fois en 1737, puis viennent des " lettres " d'amateurs, parfois si violentes qu'il devient obligatoire de les signer. Quelques gazettes adoptent une rubrique spécialisée, certaines se montrant dévouées à l'Académie, d'autres plus polémiques. Les salonniers, tels Caylus, Boillet de Saint-Julien, La Font de Saint-Yenne, Cochin, qui ne sont pas des critiques d'art professionnels mais des amateurs ou des moralistes, sont très nombreux, surtout dans la seconde moitié du siècle. La Correspondance littéraire de Grimm publie des comptes rendus de 1753 à 1781 ; Diderot en est le principal rédacteur entre 1759 et 1781. L'Année littéraire ou le Mercure de France publient des commentaires de Fréron, Marmontel, Grimm, Restif de La Bretonne, parfois assez violents ; c'est pourquoi de nombreuses brochures ou pamphlets sont publiés à l'étranger, à Londres ou Amsterdam plus particulièrement. C'est aux thèmes figurés et aux choix purement esthétiques que s'intéressent surtout les rédacteurs de ces commentaires ; rares sont ceux qui portent leur examen sur le " métier " et la technique.

   La critique des Salons peut être particulièrement bien étudiée à la B. N. de Paris, au cabinet des Estampes, qui conserve le fonds Deloynes, où est rassemblée, année par année, et à la suite d'un exemplaire du livret officiel, la presque totalité de la critique de chaque Salon. Une autre source pour la connaissance des Salons réside dans les vues des expositions de 1785 et 1787 gravées par Martini, et surtout dans les dessins de Gabriel de Saint-Aubin donnés en marge des livrets des Salons de 1761, 1769 et 1777 ; pour le XIXe s., il faut noter l'importante suite gravée par C. P. Landon dans ses Annales du musée, qui reproduit et commente les principales œuvres exposées aux Salons sous l'Empire et la Restauration. Les Salons du XIXe s. sont commentés encore plus assidûment par les chroniqueurs, politiques ou moralistes. Guizot analyse l'état des beaux-arts en France à l'occasion du Salon de 1816. Thiers publie 2 Salons en 1822 et 1824 dans le Constitutionnel ; Gustave Planche, qui en laisse 7 de 1831 à 1849, et Jules Janin, 2 en 1834 et 1845, sont des critiques spécialisés. Le Salon de 1836 est relaté par Alfred de Musset dans la Revue des Deux Mondes. En 1837, Théophile Gautier commence dans la presse sa série des Salons, qu'il continue presque chaque année jusqu'en 1850. Prosper Mérimée publie également dans la Revue des Deux Mondes (sous la signature " un Anglais "). Le Salon de 1840 est l'objet de plusieurs études, notamment de Charles Blanc et d'Alphonse Karr. Arsène Houssaye, dans la Revue de Paris de 1843 et 1844, prend le thème du Salon pour juger les mœurs, tandis que Thoré considère plutôt l'exécution des œuvres. On lira encore deux Salons de ce dernier en 1845 et 1847. Les trois Salons publiés par Baudelaire en 1845, 1846 et 1849 demeurent, avec ceux des Goncourt, les plus célèbres du XIXe s. Citons encore parmi les auteurs les plus connus Théodore de Banville, qui écrivait dans le Pouvoir, Chamfleury, dans le Messager de l'Assemblée.

   De nos jours, la plume du chroniqueur est passée désormais aux historiens d'art et aux critiques spécialisés.

Salviati (Francesco de' Rossi, dit Francesco)

Peintre italien (Florence 1510  – Rome 1563).

Francesco, dit aussi Cecchino, était fils d'un tisserand de velours florentin. Le nom de Salviati lui vint du cardinal qui fut son premier protecteur lorsqu'il arriva à Rome en 1531.

   L'artiste appartient à la génération qui succéda à Pontormo, à Giulio Romano, à Rosso, à Perino del Vaga, et il illustre brillamment la deuxième phase du Maniérisme aux côtés de Primatice, de Bronzino et de Daniele da Volterra. Ami d'enfance de Vasari, avec qui il étudia passionnément les dessins et les œuvres des maîtres de la génération précédente à Florence et plus tard à Rome, il fut marqué par son passage dans l'atelier d'Andrea del Sarto et par l'art de Rosso, ainsi que le montrent ses premières études à la sanguine. Comme beaucoup d'artistes florentins, il compléta sa formation dans un atelier d'orfèvrerie, dont il garda le goût pour les formes compliquées des objets métalliques, qui abondent dans ses peintures. Ainsi que nombre de ses contemporains, il se fit connaître en participant à des décorations temporaires d'apparats : en 1535, il réalisa plusieurs peintures en camaïeu pour un arc de triomphe élevé à Rome lors de la venue de Charles Quint. Mais, dès 1532, il avait exécuté à Rome même une importante Annonciation (S. Francesco a Ripa). Appelé en 1537 par Pier Luigi Farnese, fils du pape Paul III, pour exécuter des décors de fêtes, l'artiste devait rester au service de cette famille jusqu'en 1544. Un séjour à Venise (1539-40), où il travailla pour le patriarche Grimani (plafonds avec Psyché et Apollon) et où il laissa une Déposition de croix (église du Corpus Domini Viaggiù, auj. église de la Vierge-du-Rosaire), l'orienta vers les problèmes de la grande décoration.

   Peintre de Saintes Familles (et de la fameuse Charité des Offices) où prédomine l'influence de Parmesan, portraitiste fécond (Portraits d'hommes à la Gal. Colonna à Rome et au K. M. de Vienne), mais encore mal différencié de ses contemporains, Salviati apparaît surtout comme l'un des plus grands décorateurs des années 1540-1560. En 1544, le duc Cosme Ier de Médicis le fit venir à Florence pour décorer la salle d'audience du Palazzo Vecchio ; ces grandes compositions de l'Histoire de Camille sont reliées par un système foisonnant de figures allégoriques, d'éléments naturels agencés avec maîtrise. Une verve épique et fantastique, autrement vibrante que chez Vasari, les anime. Les décorations romaines postérieures, au palais Farnèse (Fastes de la famille Farnèse) et surtout au palais Sacchetti, figurent au premier rang de cette production, caractéristique du XVIe s.

   Salviati fut fortement attiré par le style monumental de Michel-Ange v. 1550 (peintures à l'Oratorio del Gonfalone), mais ses rapports avec Primatice et la France, où, selon Vasari, il alla en 1554-55, restent mal définis, aucune œuvre n'ayant été conservée de ce séjour (l'Incrédulité de saint Thomas du Louvre provient de la chapelle des Florentins de Lyon). Par son tempérament tourmenté, toujours insatisfait, son imagination prolifique, mais aussi en raison d'un goût raffiné et d'un certain romantisme, Francesco s'apparente à Polidoro da Caravaggio, dont il est le plus sincère héritier. La richesse de son talent s'exerça dans les domaines les plus variés, depuis les projets de tapisseries qu'il réalisa avec Bronzino entre 1546 et 1549 pour la manufacture installée à Florence par Cosme Ier, les illustrations de livres jusqu'aux modèles d'orfèvrerie, et représente la quintessence de la " maniera " italienne et de l'artifice.