Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Laurens (Henri)

Sculpteur et dessinateur français (Paris 1885  – id. 1954).

D'origine ouvrière, formé au métier de praticien, Laurens n'a pas eu à se libérer de l'Académisme et, ne faisant pas dans sa jeunesse partie des cercles artistiques, il n'a que très peu subi l'ascendant de Rodin. Le Cubisme, qu'il découvre dès 1908 à la Ruche, l'intéresse autant qu'il le déconcerte. Il lui faudra plusieurs années de réflexion et de recherche, l'amitié très vive qu'il noue en 1911 avec Georges Braque pour qu'il y adhère, menant une recherche d'une extrême exigence pour opérer en sculpture la même révolution que Braque et Picasso avaient accomplie en peinture. Artiste intransigeant envers lui-même, Laurens a beaucoup détruit et n'a laissé subsister que des œuvres accomplies comme le Clown (1914, M. N. A. M.), la Petite Tête (1915, musée de Bâle). Il consacra deux années de travail au thème austère Bouteille et verre, pur prétexte à l'une des réflexions les plus intelligentes qui soient sur l'écart qu'on peut oser, en sculpture aussi, entre un signifié toujours présent et un signe poussé aux limites extrêmes de l'allusion et de la polysémie. À la paix, Laurens ne se laissera pas prendre au piège du " retour à l'ordre " et ne sacrifiera pas non plus au Surréalisme, tout en en voyant l'intérêt. Préoccupé de plastique avant tout, il ramène dans sa sculpture ce que, dans sa période cubiste, il en avait méthodiquement banni, les matériaux traditionnels, le volume. Il n'en oublie pourtant pas le temps présent, et sa sculpture est au contraire celle où se reflète le mieux l'histoire et les engagements de Laurens, vigilant opposant à tous les totalitarismes. Il sculpte l'Espagnole en 1936, le Drapeau en 1939, l'Adieu en 1940, poignante image de l'Europe asservie par Hitler. Vivant dangereusement dans le Paris occupé, ses positions politiques étant bien connues, il ne sculpte pendant les années noires que des formes écrasées qui se redressent, s'ébrouent à mesure que se dessine puis se précise et devient assuré le triomphe de la démocratie. Les dix dernières années de la production de Laurens (l'Automne, 1948 ; la Grande Baigneuse, 1947) sont marquées par le bonheur qui lui venait de l'affection de nombreux élèves du monde entier, la dévotion d'admirateurs peu nombreux mais choisis. Plus tôt reconnues à l'étranger qu'en France, ses œuvres figurent dans de nombreux musées, particulièrement en Allemagne et dans les pays scandinaves. Le M. N. A. M. de Paris a reçu de son fils une donation, complétée par un don de son marchand, Kahnweiler, de deux cents pièces. Le centenaire de la naissance de Laurens y a été célébré en 1985 par une modeste exposition. Une autre exposition a eu lieu en 1989 à Barcelone. Une manifestation plus complète a eu lieu en 1990 au château de Biron.

Laurens (Jean-Paul)

Peintre français (Fourquevaux, Haute-Garonne, 1838  – Paris  1921).

Ce peintre d'histoire fut le plus célèbre de son temps, car il exécuta des toiles fortes, savamment ordonnées et d'une érudition médiévale et religieuse sûre (l'Excommunication de Robert le Pieux, 1875, Paris, musée d'Orsay). Leur coloris est soutenu, leur matière soignée, leur composition étudiée. Ménageant des effets pathétiques de vide, de jeux de lumière et de fumée en spirale (l'Interdit, 1875, musée du Havre), Jean-Paul Laurens y trahit un goût du morbide qui rappelle Valdés Leal (le Pape Formose et Étienne VII, 1872, musée de Nantes).

   Il réalisa de vastes décorations murales à Paris, au Panthéon (Mort de sainte Geneviève, 1882 ; esquisse au musée d'Orsay) et à l'Hôtel de Ville (Étienne Marcel protégeant le dauphin, 1889), au Capitole de Toulouse (la Muraille, 1895, salle des Illustres), à l'hôtel de ville de Tours (la Mort de sainte Jeanne d'Arc, 1902). Leur puissance d'invention, leurs couleurs assourdies, leur grandiloquence même ont une majesté certaine. Il peignit aussi les plafonds du théâtre de l'Odéon à Paris et du théâtre de Castres (Jézabel dévorée par les chiens, 1906). Il fit en outre des cartons de tapisseries (le Triomphe de Colbert, 1902, manufacture des Gobelins), brossa d'étonnants lavis pour illustrer les Récits des temps mérovingiens d'Augustin Thierry (1887) et grava de belles eaux-fortes, en particulier pour le Pape de Victor Hugo (1900). Après avoir enseigné à l'Académie Julian pendant trente ans, il devint professeur à l'École des beaux-arts.

Lauri (Filippo)

Peintre italien (Rome 1623  – id.  1694).

Fils du peintre anversois Balthasar Lauwers, venu à Rome auprès de Paul Bril, il fut formé par son père et par son frère Francesco, puis par son beau-frère Angelo Caroselli. Surtout marqué en fait par la manière de P. F. Mola, il fut " le maître-né des petits formats " (H. Voss), aux sujets religieux ou mythologiques (Apparition d'un ange musicien à saint François, Rome, G. N., Gal. Corsini), trouvant une clientèle auprès de la haute société romaine (Colonna, Chigi, Pamphili, Pallavicini) et exportant, selon Pascoli, un grand nombre de ses œuvres vers la France, l'Angleterre et l'Espagne. Fidèle à une minutie toute flamande, il anima de ses personnages certaines vues de Claude Lorrain et décora de ses paysages plusieurs palais romains (gal. du Quirinal, 1656-57 ; villa du duc de Parme, près de la Porta di S. Pancrazio ; plafond au palais Borghèse). Il n'exécuta que rarement de grands formats (Madone et saint, Rome, G. N., gal. Corsini). Il fut une des figures pittoresques de la Rome du XVIIe s., avide de vie mondaine, rompu aux jeux d'esprit et membre assidu de l'Académie de Saint-Luc (à partir de 1654).

Laval (Charles)

Peintre français (Paris 1862  – Le Caire 1894).

Compagnon de Gauguin à la Martinique (1887) et à Pont-Aven (1888), il subit son influence et expose avec lui au café Volpini en 1889. Dispersée après sa mort, son œuvre est mal connue : Autoportrait dédié à Van Gogh (1888, Amsterdam, M. N. Van Gogh), Paysage breton (1889, Orsay), Autoportrait (1889, id.).

Lavier (Bertrand)

Artiste français (Châtillon-sur-Seine, Côte-d'Or, 1949).

Après une première exposition dès 1975 au C. N. A. C. à Paris, Bertrand Lavier a conduit sa réflexion à partir de 1978 sur l'identité des choses, la définition de la réalité, l'ambiguïté de la représentation et du langage d'une part et de l'autre sur le rapport que différentes parties de la réalité entretiennent entre elles sur le plan matériel et conceptuel. Cette réflexion peut emprunter de multiples formes : des objets communs ou des parties d'environnement qui sont repeints ; ce recouvrement est une façon de prendre à la lettre la peinture naturaliste : " peindre une table ", ce qui aboutit à une table peinte, montre en effet la réalité de la peinture, d'autant plus que l'artiste laisse visible une facture très grossière qu'il qualifie de " touche à la Van Gogh ". Crimson est un tableau monochrome rouge qui se présente comme une surface composée de deux parties égales qui ont été peintes chacune du rouge crimson fabriqué par deux marques différentes et qui, en donnant deux nuances différentes, permettent à l'artiste de montrer la relativité de la notion de rouge. De même, avec sa série de photographies de paysages repeintes partiellement : Landscape Painting and Beyond (1979) : la partie gauche est présentée telle quelle, la partie centrale repeinte sur la photographie, la partie droite inventée et peinte directement sur le mur, ce qui permet à Bertrand Lavier de s'interroger sur la façon de représenter la réalité. La série des tableaux abstraits intitulée Walt Disney Productions a été réalisée par l'artiste d'après une bande dessinée de Walt Disney dont certains détails ont été agrandis : il s'agit de tableaux qui n'ont donc pas existé et qui sont reproduits en photographie à l'échelle de tableaux réels. Enfin, en superposant des objets, par exemple un réfrigérateur sur un coffre-fort (Brandt/Haffner, 1984, Paris, M. N. A. M.), c'est-à-dire en demandant à les assimiler à un motif sculpté présenté sur un socle, Bertrand Lavier considère le rapport entretenu par les choses dans l'espace et leur existence même en fonction du milieu dans lequel elles sont présentées. En jouant du langage des mots (Orange par Duco et Ripolin, 1990), de la représentation et de leur piège, en recourant à la littéralité, Bertrand Lavier a créé une forme d'art, souvent très impressionnante visuellement, qui se présente comme une réflexion sur l'art en même temps qu'il en donne une critique impitoyable. Il a montré ses œuvres dans de nombreuses expositions en Europe et aux États-Unis, à Kassel à la Documenta 7 et à la Documenta 8, à l'exposition Leçon de choses en 1982 à la Kunsthalle de Berne, dans la manifestation Chambre d'amis organisée par le musée de Gand en 1986. Il a eu une exposition personnelle en 1983-84 à la Kunsthalle de Berne et au Nouveau Musée de Villeurbanne et, en 1985, à l'A. R. C. (M. A. M. de la Ville de Paris). Le musée de Dijon, le centre d'art le Consortium et le musée de Grenoble en 1986-87 ont organisé une rétrospective de son œuvre ainsi que le M. N. A. M. de Paris en 1991. Une nouvelle exposition a été consacrée à Lavier (château de Rivoli, Italie) en 1996-97. De nombreuses œuvres de l'artiste sont conservées dans des collections privées et publiques (Paris, M. N. A. M., musée de Saint-Étienne, musée de Grenoble).