Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Pittoni (Giambattista)

Peintre italien (Venise 1687  – id.  1767).

Il fut l'un des représentants les plus remarquables du Rococo vénitien. Son langage, qui se répandit également en Allemagne, en Autriche et jusqu'en Pologne (l'église Sainte-Marie de Cracovie conserve trois importants tableaux d'autel de sa main), résultait d'un mélange particulier de clarté et de légèreté dans la touche ainsi que d'une certaine plasticité formelle unie à une utilisation dramatique des jeux de couleurs. Pittoni fut sans doute élève de Balestra, actif alors à Venise, dont il tira son goût pour une plastique vigoureuse (Mort d'Agrippine, Mort de Sénèque, Dresde, Gg) ; à cela s'ajoutent, en un premier temps, les suggestions du clair-obscur de Bencovich et de Piazzetta, comme le montre le Martyre de saint Thomas de S. Stae à Venise, fondé sur de violents contrastes de couleurs. Des années 1723-24 doit dater le délicieux tableau d'autel de la Vierge avec des saints de S. Corona à Vicence, tout en formes nerveuses et mouvementées, révélant désormais clairement l'adhésion de Pittoni au style de Sebastiano Ricci, dans une extraordinaire vivacité de tonalités rouges, azur et roses. Une autre pala avec la Vierge et des saints à l'église S. Germano dei Berici témoigne des mêmes recherches. À partir du début de la quatrième décennie, le coloris se fait toujours plus clair, les compositions deviennent plus gracieuses et plus enveloppées : c'est pour l'artiste le moment le plus élégant et le plus rococo, celui de la Diane et Actéon du musée de Vicence, d'une harmonie claire, pleine du charme de ses figures flexibles. Dans ses dernières années, Pittoni semble avoir éprouvé la crise académisante que traversait la culture picturale vénitienne à partir du milieu du XVIIIe s. ; ses œuvres tardives trahissent une relative froideur et une cristallisation des formes (Annonciation, Venise, Accademia).

   Son œuvre, assez abondant, comprend des tableaux de chevalet, compositions religieuses, bibliques (Sacrifice de Jephté, Gênes, Palais royal) ou mythologiques, souvent traitées en plusieurs exemplaires ou précédées d'esquisses d'une extrême nervosité picturale (Continence de Scipion et Sacrifice de Polyxène, Louvre ; Charité de sainte Élisabeth, musée de Budapest ; le Christ et saint Pierre, Oxford, Ashmolean Museum), des tableaux d'autel (églises de Vicence, de Padoue, de Bergame, de Brescia et de Venise), des plafonds décoratifs (Jupiter protège la Justice, la Paix et la Science, Venise, G. A. M., Ca' Pesaro) et quelques portraits (Cardinal B. Roverella, Rovigo, Accad. dei Concordi). À Venise, la coll. Cini, l'Accademia et le musée Correr conservent des séries de dessins de l'artiste.

plafonds et voûtes

Généralités

Au prix de difficultés évidentes la peinture décorative a souvent tiré parti des surfaces planes ou courbes et de types très variés qui limitent vers le haut les volumes intérieurs des bâtiments. Selon l'étymologie, le mot " plafond " — contraction de " plat-fond " — ne devrait désigner qu'une surface entièrement plane. Il est cependant admis de l'employer pour une couverture horizontale que des éléments en relief divisent en compartiments, ou bien pour l'ensemble formé par un plafond au sens propre et la bordure concave (voussure) qui le raccorde aux parois. Quand une surface est entièrement courbe, c'est abusivement que l'on parle de " plafond " ; le terme de " voûte " s'impose. Plusieurs types de voûte peuvent comporter une décoration peinte : voûtes allongées, en plein cintre, en cintre brisé ou en anse de panier, souvent coupées de " pénétrations " au droit des ouvertures latérales ; voûtes d'arêtes ou d'ogives, les unes et les autres divisées en quartiers ; voûtes dites " en arc de cloître ", obtenues par l'extension des voussures ; voûtes de type sphérique, comprenant essentiellement les coupoles, qui peuvent être plus ou moins évasées, de plan circulaire ou ovale, ou encore à pans coupés et ouvertes ou non à la partie supérieure.

   Nous ne traiterons pas ici de la peinture strictement ornementale, bien qu'elle contribue souvent à la décoration des plafonds et des voûtes, mais de la peinture figurative. Le choix des sujets est soumis aux règles du goût et du bon sens. Le portrait, la nature morte et, d'une façon générale, les compositions à dominante réaliste sont, en principe, exclus. S'il est, au contraire, un genre qui convient par excellence aux plafonds et aux voûtes, c'est la peinture d'histoire, au sens large du terme. Il est normal de choisir des sujets célestes ou laissant du moins au ciel une grande place. Ainsi l'art chrétien marque-t-il sa prédilection pour les scènes glorieuses : Ascension, Assomption, Jugement dernier, chœurs d'anges, triomphe d'un saint. De même, l'art profane choisit volontiers des sujets allégoriques ou mythologiques qui comportent des figures volantes.

   La décoration peinte des plafonds proprement dits utilise presque toujours des supports indépendants, dont le plus habituel est la toile. Celle des voûtes fait usage de la mosaïque, notamment dans l'art byzantin, mais surtout de la peinture murale, qu'elle soit à fresque (Italie ou Europe centrale), sur enduit sec (France) ou sur toile marouflée, ce qui est plus rare. Une règle s'impose, celle de la lisibilité. D'une composition faite pour être vue d'en bas et souvent à bonne distance, on attend qu'elle offre des figures ou des détails d'une échelle suffisamment grande, des contours appuyés, des couleurs renforcées ; la minutie n'est pas concevable. Cela dit, les partis adoptés sont fort divers. On peut les rattacher à deux tendances principales, inégalement affirmées selon les pays et les époques, et parfois affrontées, l'une inspirant les plafonds et les voûtes d'un type " fermé ", l'autre ceux d'un type " ouvert ". La première tendance incite la décoration peinte à respecter le support architectural, voire à en souligner la forme ; elle implique la limitation ou même la suppression de la profondeur et s'accommode d'une perspective qui n'est pas spécialement adaptée à la vision verticale. On la trouve illustrée notamment par l'art byzantin, l'art de l'Occident médiéval, le Maniérisme et le Néo-Classicisme. La seconde tendance, au contraire, a pour ambition de faire oublier le support matériel, d'approfondir l'espace fictif de la peinture — généralement l'espace céleste — grâce à une perspective conçue pour le spectateur qui regarde au-dessus de lui. Née avec la Renaissance, elle a connu son triomphe à l'âge baroque. Il s'agit là de deux extrêmes. En fait, les compromis ne manquent pas. On trouve par exemple un type de plafonds ou de voûtes " à fenêtres ", où le ciel apparaît en percées au travers d'un décor sans profondeur.

L'Occident roman

L'importance donnée aux surfaces murales par l'architecture romane a favorisé la peinture décorative. On voit celle-ci respecter généralement la forme des voûtes et même l'exprimer. La disposition des figures sur un seul plan, la prépondérance des pleins sur les vides, l'adoption de fonds abstraits à bandes colorées, tout cela contribue à interdire l'illusion de la profondeur ; la décoration peinte des voûtes romanes appartient donc au type " fermé ".

   Les scènes narratives sont rares. Elles animent pourtant la célèbre voûte en berceau de l'église de Saint-Savin-sur-Gartempe. Il y avait là une ample surface d'un seul tenant, mais la peinture y détermine par elle-même quatre zones horizontales, divisées à leur tour en tableaux indépendants qui se suivent et pourraient aussi bien se voir redressés sur une paroi. Ailleurs, la fameuse " loi du cadre " est mieux observée, inspirant des sujets de caractère surtout statique, symbolique et dogmatique. Plus souvent peintes que les voûtes en berceau, les voûtes d'arêtes appellent des thèmes quadripartites, articulés selon les quartiers ou, au contraire, selon les arêtes, dont le tracé est souvent épousé par quatre figures rayonnantes — Anges, Évangélistes ou Fleuves du paradis —, comme on le voit dès la fin du XIe s. en Lombardie au porche de Civate, puis en Italie centrale dans la crypte d'Anagni ou en Espagne dans le Panthéon des rois de León. Dans l'église inférieure de Schwarzirheindorf, près de Bonn, les quartiers de voûtes sont occupés par les figures librement déployées de la Vision d'Ezéchiel.

   Les coupoles ont moins d'importance que dans l'art byzantin. Revêtue de mosaïques à partir du XIe s., celle du baptistère de la cathédrale de Florence est divisée en secteurs rayonnants, ce qui n'empêche pas les scènes ou les figures de se présenter en zones horizontales ; il en est de même au baptistère de Parme, décoré de fresques au milieu du XIIIe s. On peut assimiler aux coupoles certaines voûtes aplaties, de plan carré ou rectangulaire. À Saint-Chef, en Dauphiné, les figures réparties sur les quatre côtés convergent vers le centre, occupé par le Christ en gloire. À la croisée de la cathédrale de Brunswick, les Scènes du Nouveau Testament sont disposées en bandes concentriques. Mais le type de voûte le plus souvent offert à la décoration est le cul-de-four, ou demi-coupole. C'est lui qui permet l'adaptation la plus harmonieuse des figures au support mural. Les thèmes triomphaux sont de rigueur ; les deux plus courants sont le Christ en gloire, avec les symboles évangéliques, et la Vierge de majesté, l'un et l'autre admettant des figures latérales : apôtres, prophètes, anges, etc. Le premier thème se rencontre par exemple en Italie à S. Angelo in Formis, en France à Berzé-la-Ville et à Saint-Gilles de Montoire, en Catalogne à S. Clemente de Tahull et à S. Eulalia de Estahón (peintures aujourd'hui au M. A. C. de Barcelone), en Allemagne à Niederzell, dans l'île de Reichenau. La Vierge de majesté apparaît en Italie à la cathédrale d'Aquileia, en Catalogne à S. Maria de Tahull (M. A. C. de Barcelone), en Allemagne à S. Maria de Soest, en France à Notre-Dame de Montmorillon, où le thème se confond avec celui du Mariage mystique de sainte Catherine.

   Il est rare de trouver dans les églises romanes des plafonds peints de compositions figuratives. On connaît cependant en Allemagne celui de S. Michael de Hildesheim, en bois. L'Arbre de Jessé se développe dans les compartiments centraux, aux formes variées ; les Apôtres, les Évangélistes et les Fleuves du paradis occupent les compartiments latéraux ; le tout se détache en tons clairs sur des fonds abstraits aux couleurs soutenues.