Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Jacquemart de Hesdin

Enlumineur franco-flamand (connu de 1384 à 1409, au service du duc de Berry).

Il est l'auteur d'une partie des Petites Heures (v. 1385, Paris, B. N.), des pleines pages des Très Belles Heures (v. 1400, Bruxelles, Bibl. royale) et des grandes peintures disparues des Grandes Heures du duc de Berry (1409, Paris, B. N.), dont une, le Portement de croix (Louvre), a pu lui être rendue ; on lui attribue aussi un livre de dessins à la pointe d'argent (New York, Pierpont Morgan Library). L'artiste marque un tournant dans la peinture du nord de l'Europe par le rôle nouveau que joue l'italianisme dans son œuvre : emprunt direct de compositions iconographiques aux Siennois et, plus profondément, transformation de la miniature en une pleine page enluminée, véritable tableau complet et indépendant, à l'image des peintures du trecento. Avec lui apparaît le paysage naturaliste, développé en profondeur et découpé sur un fond de ciel. Désormais, l'enluminure dépasse sa fonction de décoration et devient le lieu où s'élaborera la grande peinture septentrionale du deuxième quart du XVe s.

Jacquet (Alain)

Peintre français (Neuilly-sur-Seine 1939).

En 1961, Jacquet présente une série de toiles en apparence abstraites, aux couleurs vives, libres variations sur le tapis vert et les flèches du jeu de jacquet (gal. Breteau, Paris). Ces formes molles et colorées sont aussi peintes sur 48 boisseaux entassés en éléments préfabriqués, et c'est par le même procédé et à partir de six couleurs (trois primaires, trois secondaires) que Jacquet se livre à une sorte de camouflage de chefs-d'œuvre de la peinture (Bronzino [Allégorie de l'Amour], 1963). C'est une logique parallèle de recouvrement d'une image par une autre que Jacquet exploite dans une série de superpositions d'images (la Naissance de Vénus, 1962, où une pompe à essence Shell est peinte en transparence sur la figure). En 1964, l'image elle-même est décomposée par l'agrandissement de la trame, ainsi mise en évidence dans la première peinture " mécanique " (mec art) que l'artiste réalise, le Déjeuner sur l'herbe, transposition agrandie du tableau de Manet à partir d'une photographie contemporaine. Jusqu'en 1968, par le procédé du transfert sérigraphique sur toile, l'artiste restructure de nombreuses images selon des tramages variés : linéaire (Olympia, 1966), étoilé (Florence, 1969, Marseille, musée Cantini), déclinant parfois les possibilités de décomposition de la trame en trichromie (dix variantes en positif et négatif du Portrait of man, 1964). La réalisation en 1971 à Genève de Silver Marble, peinture d'une bille géante de douze mètres, marque bien l'importance accordée au point par l'artiste. Il réalise alors une série d'œuvres basées sur l'alphabet braille (Clear Book, 1970, livre constitué de feuilles de plastique transparentes numérotées en braille de 1 à 100 dont la superposition crée l'effet d'une boule de cristal), souvent mises en relation avec les dessins des hexagrammes du Yi-King, livre divinatoire chinois. Parallèlement, l'artiste conçoit la création d'un tricot géant qui, fait et défait selon un enchaînement programmé, se transforme en boule-pelote (musée de Łódź, 1969). 1972 constitue une date charnière dans son œuvre, avec le report sur toile d'un cliché de la Terre pris par les astronautes de la NASA lors de leur petit déjeuner le 19 juillet 1969. Cette image, le First Breakfast (1972), présente la terre dans une trame concentrique, image de la dimension intérieure de la conscience. À partir de 1978, les images des mers, des continents et des nuages qu'il utilise sont soit traitées comme des formes quasi abstraites, soit, en provoquant des visions, se changent en formes humaines (toréador dans la Grande Corrida, 1983, F. N. A. L.), animales (Aigle, 1984), en objets symboles, voire en anamorphoses (l'Œuf sur fond rouge, 1987). Récemment, l'artiste a utilisé le report-laser par ordinateur pour réaliser des œuvres (la Mort d'un représentant de commerce, 1988). Il a réalisé pour le palais des Festivals (Cannes) un rideau de scène (12 × 24 m), peinture acrilyque sur PVC en 1995. Alain Jacquet a fait l'objet d'une rétrospective à l'A. R. C., à Paris (1978). Ses œuvres ont été présentées à la gal. de France (Paris, 1981) à la gal. des Arènes (Nîmes, 1988 et au centre Pompidou (Paris, 1993).

Jaffe (Shirley)

Peintre américain (Elizabeth, New Jersey, 1923).

Artiste américaine, Shirley Jaffe est installée à Paris depuis 1949. Elle a fait ses études à la Cooper Union Art School de New York et s'est rendue dès 1949 à Paris avec son mari, qui était bénéficiaire d'une bourse du G. I.'s Bill. Elle expose à Paris dès 1951 et est à ce moment-là un peintre faisant partie de la tendance de l'Expressionnisme abstrait, très proche des autres artistes américains ou canadiens résidant à Paris tels que Sam Francis, Kimber Smith, Jean-Paul Riopelle et Joan Mitchell. De 1952 à 1954, elle se rend de nouveau aux États-Unis et, depuis 1954, réside en permanence à Paris, si l'on excepte un court séjour à Berlin en 1963-64. Son art a évolué dans le courant des années 60 pour quitter l'esthétique de l'Expressionnisme abstrait, fondée sur le geste, la matière travaillée et le sujet expressif. Shirley Jaffe garde de cette première manière une inspiration toujours fondée sur la spontanéité, comme en témoignent ses esquisses, restées très gestuelles mais qu'elle travaille ensuite pour en simplifier la structure, en distinguer les éléments et en clarifier les formes et les couleurs. Son art devient alors non pas géométrique mais dessiné ; ses éléments, qui ne représentent rien, sont disposés selon un ordre personnel, et le rapport des formes et des couleurs crée des rythmes extrêmement vigoureux. L'art de Shirley Jaffe est fondé sur la dislocation et le mouvement. Si l'on a pu lui trouver des points communs avec les papiers découpés de Matisse, c'est en réalité plutôt avec les tableaux abstraits de Stuart Davis que son œuvre présente le plus d'affinité, surtout depuis que ses compositions montrent des éléments moins imbriqués les uns dans les autres et plus isolés sur des fonds blancs. Avec ses grands formats, l'art de Shirley Jaffe se trouve actuellement sans comparaison (Nord Sud, 1990). Une grande exposition de son œuvre a eu lieu en 1981 au musée Savoisien de Chambéry. L'artiste a eu l'occasion de réaliser un certain nombre d'œuvres publiques, en particulier à la Direction régionale des Télécommunications de Bourgogne à Dijon en 1981. Ses tableaux sont conservés dans de nombreuses collections publiques et particulières en France (musée de Grenoble) et aux États-Unis.