Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
Q

Quarton (Enguerrand)
ou Enguerrand Charreton (suite)

La " Vierge à l'Enfant entre saint Jacques et saint Agricol [ ?] avec un couple de donateurs " (Avignon, Petit Palais)

Aucun document connu ne correspond à ce retable, sans doute incomplet ; on ignore sa provenance ancienne ; les armoiries sont effacées, ce qui enlève l'espoir d'identifier les donateurs. La couleur, le modelé, les visages tendus, aux yeux enfoncés, le type de la Vierge, les mains, la touche fine, hachurée traduisent le pinceau de Quarton. Le costume correspond aux années 1445-1450. Le style s'y accorde. Le trône de la Vierge, étonnamment archaïque, avec des colonnettes d'une minceur d'orfèvrerie, est hérité de l'enluminure franco-flamande des alentours de 1400. Mais Quarton le réduit à une sorte d'épure architecturale, et cette simplicité répond profondément aux volumes synthétisés des chairs et des étoffes. Si l'évêque est saint Agricol, particulièrement vénéré en Avignon, la période des débuts avignonnais de Quarton, vers 1447-1450, conviendrait le mieux au tableau.

La " Pietà de Villeneuve-lès-Avignon " (Louvre)

L'iconographie particulière (saint Jean enlève la couronne d'épines) et la composition de ce tableau ont influencé celles de la Pietà de Tarascon, peinte en 1456 ou en 1457 (Paris, musée de Cluny) : il est donc antérieur à ces dates. Sa destination à la chartreuse de Villeneuve, toujours discutée, est cependant très vraisemblable. La comparaison avec les œuvres certaines de Quarton (composition, type du Christ, dessin et modelé des yeux, des mains, des plis, des rochers) persuade que la Pietà est son œuvre. La saleté actuelle du tableau altère la couleur, qui est en réalité claire et froide ; elle déforme également le modelé en y ajoutant un faux clair-obscur. Le donateur de la Pietà, chanoine portant l'aumusse, offre une ressemblance frappante avec le portrait de Montagnac, qui apparaît deux fois dans le Couronnement. Il n'est donc pas déraisonnable de supposer que Montagnac, de retour de son voyage en Terre sainte, ait repris son projet de 1449 de placer auprès de sa tombe, à la chartreuse, un tableau votif avec lui-même en donateur. Le Couronnement de la Vierge, destiné à servir de retable d'autel, ne remplaçait pas ce tableau votif (il n'accompagne pas la tombe du donateur et montre celui-ci fort discrètement en orant minuscule). Par contre, la Pietà, avec sa Jérusalem orientale et le donateur-chanoine à l'avant-plan, peut prétendre à être une nouvelle version véritablement " moderne " du projet de 1449, conçue après le pèlerinage : en suivant les exemples donnés par Campin, Van Eyck et Rogier, le donateur n'y apparaît plus en archaïque figurine, mais sur la même échelle que les personnages sacrés. La Pietà aurait été peinte entre 1454 et 1456. Son attribution à Quarton place l'artiste parmi les plus grands peintres du XVe s. en Europe. En France, on peut affirmer qu'elle le met au même rang que Jean Fouquet. Peintres du Nord l'un et l'autre, ils affirmèrent leur sensibilité française en affrontant la vision artistique latine, en Italie ou en Provence. Leur synthèse du réalisme quasi flamand et de la stylisation quasi italienne est plus spontanée, plus subtile, plus secrète que celle qui fut tentée par Antonello de Messine, laquelle équivaut à un programme esthétique, mais où se retrouve peut-être le plus net écho de l'art de Quarton dans le circuit artistique méditerranéen.

   Bien qu'aucun document ne mentionne Quarton comme enlumineur, on a pu redécouvrir dernièrement son activité de miniaturiste aux deux extrémités de sa carrière. Un livre d'heures inachevé (New York, P. Morgan Library) le montre collaborant v. 1445 avec le Maître du Roi René, le présumé Barthélemy d'Eyck, à la date même où il apparaît dans un acte notarié récemment retrouvé en compagnie du même Barthélemy d'Eyck (1444). De 1466 est daté un somptueux missel peint pour le chancelier de Provence Jean des Martins à l'usage de sa chapelle à la cathédrale Saint-Sauveur d'Aix (Paris, B. N.). Entre les deux peut se situer un livre d'heures plus modeste mais aussi caractérisé, exécuté pour une dame inconnue (San Marino, Huntington Lib.). Tout comme dans la peinture, Quarton semble avoir excercé une influence marquante sur l'enluminure provençale de son temps et de la génération suivante (2 miniatures ajoutées pour Jean III Le Meingre aux Heures de Boucicaut, Paris, musée Jacquemart-André).

Quast (Pieter Jansz)

Peintre et graveur néerlandais (Amsterdam 1605/1606  – id. 1647).

Inscrit à la gilde des peintres de La Haye en 1634, Pieter Quast résida dans cette ville jusqu'en 1644, date à laquelle il s'établit à Amsterdam, où il mourut trois ans plus tard. Peintre de scènes de genre satiriques et grotesques dans le goût de Brouwer et de Van de Venne (les Joueurs de cartes, Mauritshuis ; Chez le dentiste, Munich, Alte Pin. ; Un homme et une femme dans une cour d'écurie, Londres, N. G.), il est surtout connu pour ses représentations du monde du théâtre (les Farceurs dansants, Paris, musée de la Comédie-Française ; le Triomphe de la folie, Amsterdam, musée du Théâtre), qui ne sont pas sans rappeler l'œuvre de Callot.

quattrocento

Terme italien désignant le XVe s.

Quellinus (les)

Peintres flamands.

 
Erasmus (Anvers 1607  – id. 1678). Fils et élève du sculpteur Erasmus Quellinus, frère du sculpteur Artus et du graveur Hubert Quellinus, il fut inscrit comme peintre à Anvers v. 1633-34. Disciple de Rubens, il participa avec celui-ci en 1635 à la décoration d'Anvers pour l'Entrée solennelle de Ferdinand d'Autriche, puis de 1636 à 1638 à la décoration de la Torre de la Parada ; quelques-unes des œuvres provenant de ce pavillon sont conservées au Prado : l'Enlèvement d'Europe, Bacchus et Ariane, la Mort d'Eurydice, Jason et la Toison d'or, les Harpies, Cupidon monté sur un dauphin. À la mort de Rubens, Erasmus devint peintre officiel d'Anvers et dessinateur attitré de l'imprimerie Plantin ; son succès fut considérable, et il réalisa des commandes officielles pour les municipalités d'Anvers, de Gand et même d'Amsterdam. On lui doit de nombreuses compositions mythologiques ou religieuses (Jésus chez Marthe et Marie, musée de Valenciennes ; Salomon et la reine de Saba, musée de Lille ; Artémise, 1652, université de Glasgow ; la Sainte Famille, musée d'Anvers) ainsi que des portraits (Portrait d'enfant, id.). Erasmus fut peintre de batailles, comme en témoignent, aux M. R. B. A. de Bruxelles, 8 esquisses exécutées pour le comte de Tour et Taxis, esquisses qui peuvent être rapprochées de tapisseries conservées au château de la maison princière de Tour et Taxis à Ratisbonne. Enfin, il faut noter qu'il travailla encore pour des peintres de natures mortes (P. Boel ou J. Fyt) et de nombreux peintres de fleurs, dont le célèbre Daniel Seghers, qui lui demandèrent d'exécuter les personnages de leurs tableaux de guirlandes. Il collabora avec son beau-frère J. Philippe Van Thielen (Vierge à l'Enfant, ornée de fleurs, Offices et Vienne [K. M.]), Daniel Seghers (la Vierge et l'Enfant écrasant le serpent, Dresde, Gg) et J. Van Son.

 
Jan Erasmus (Anvers 1634 – Malines 1715). Fils d'Erasmus, il fut son élève. En 1660-61, il était maître à la gilde de Saint-Luc d'Anvers. Il séjourna en 1662 à Florence, Venise et Rome, puis résida jusqu'en 1668 chez les Augustins de Bruges. Vers 1680, il devenait peintre de l'empereur Léopold Ier (Miracle de saint Hugues, 1685 ; musée d'Anvers). En 1712, enfin, il se fixait à Malines (la Dernière Cène, Malines, église Notre-Dame). Jan Erasmus recherchait le faste dans ses compositions, mais, meilleur dessinateur que peintre, il a une couleur très lourde et il apparaît comme un artiste secondaire, bien éloigné de Véronèse, à qui on le compara parfois.