Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Boudin (Eugène)

Peintre français (Honfleur 1824  –Deauville 1898).

Fils de marin, il ouvre à vingt ans, au Havre, une boutique de papeterie dont la vitrine s'agrémente de peintures déposées par des artistes de passage. C'est ainsi qu'il connaît Isabey, Troyon, Couture et Millet, qui l'encouragent de leurs conseils. En effet, depuis l'enfance, Boudin cherchait à traduire l'univers qui l'entourait, les flots, les ciels nuageux, les navires. Il abandonne alors le commerce et se consacre à l'art. Venu à Paris en 1847, il découvre ses maîtres d'élection au Louvre, où il copie les paysagistes flamands et hollandais. Deux toiles envoyées à l'exposition des Amis des arts du Havre en 1850 le font remarquer, et il bénéficie pendant trois ans d'une pension offerte par la ville, années employées à un labeur solitaire, soit à Paris, soit plus souvent encore au Havre ou à Honfleur, à la ferme Saint-Siméon, où il retrouve les peintres connus autrefois et se livre à sa véritable vocation, peindre en plein air. En 1858 se place l'événement capital de sa rencontre avec Monet, alors âgé de dix-sept ans. Monet n'oubliera jamais sa dette envers cet aîné qui, l'entraînant sur le motif, l'a éveillé au sentiment d'une nature mobile. Nouvelle rencontre heureuse l'été suivant avec Courbet et la naissance entre eux d'une amitié sans démenti. Ensemble, ils font la connaissance de Baudelaire ; le poète, enthousiasmé par ce que lui montre Boudin, plus particulièrement par ses études de nuages au pastel (musée de Honfleur), ne cessera de le louer. En 1859, Boudin paraît au Salon avec le Pardon de Sainte-Anne (musée du Havre) ; il y figurera chaque année à partir de 1863. Installé l'hiver à Paris depuis 1861, il collabore avec Troyon, pour qui il peint des ciels, et entre en relation avec Corot et Daubigny ; mais dès les beaux jours il fuit la capitale à la recherche d'espace et d'air marin. À Trouville, en 1862, Monet le présente à Jongkind, lui aussi élève d'Isabey, dont la sensibilité est si proche de la sienne avec cependant des hardiesses que Boudin ne connaît pas ; celui-ci gagnera à ce contact de se libérer de sa timidité. Après une vente publique de ses œuvres en 1868, ses années de misère sont terminées ; Boudin ne cesse alors de voyager, parcourant Normandie, Bretagne, Hollande, nord et midi de la France, allant jusqu'à Venise. Grâce à ce vagabondage, il évite de scléroser une inspiration puisée aux mêmes sources. Ses nombreuses vues d'un même port, Le Havre, Trouville, Bordeaux, Anvers, ses scènes de plage, ses lavandières et ses troupeaux sont plus les variations d'un thème que des redites. Il ne faut donc pas s'étonner que les impressionnistes aient convié ce précurseur à participer à la première exposition de leur groupe en 1874. Durand-Ruel, en 1881, se réserve sa production et organise pour lui plusieurs expositions à Paris et à Boston. Désormais, Boudin est un peintre consacré. Il s'éteint en 1898, laissant un fonds d'atelier considérable : peintures préférées, innombrables études et pochades. Le Louvre (cabinet des Dessins) en a hérité la majeure partie, plus de 6 000 numéros ; le reste fut distribué entre les musées du Havre et de Honfleur. C'est dans ces œuvres spontanées que réside souvent le meilleur de Boudin, plus que dans des ouvrages poussés, parfois trop minutieux, car, s'il fut sensible à l'enseignement des maîtres anciens, aux conseils d'Isabey, de Troyon, à l'exemple de Jongkind, de Corot, de Daubigny, à la leçon, en retour, de Monet, il se fia surtout à son instinct, à sa vision aiguë et rapide. Interprète des mouvances : eaux, nuées, subtilités de l'atmosphère, remous de la foule, Boudin, par ce don, fixant l'insaisissable, a préparé en précurseur indépendant et acharné le chemin de l'Impressionnisme.

Bouguereau (William)

Peintre français (La Rochelle 1825  – id. 1905).

Ce travailleur opiniâtre obtint un immense succès en France et en Amérique avec ses nus féminins et les compositions mythologiques qui leur servent de prétexte (Flore et Zéphyr, 1875, musée de Mulhouse). Si certains sont réalistes jusqu'à la minutie, mièvres ou même ridicules, d'autres, par contre, atteignent par leur matière vitrifiée et leur délicatesse de tons à une poésie suave (la Naissance de Vénus, 1879, Paris, Orsay). Les tableaux religieux de Bourguereau, essais de synthèse entre la Renaissance italienne, l'art byzantin et le Préraphaélisme anglais (Mater afflictorum, 1877, musée de Strasbourg), témoignent de son souci de perfection graphique, de sa facture soignée et de la sincérité de son inspiration (Regina angelorum, 1900, Paris, Petit Palais). Les décorations murales qu'il exécuta à la cathédrale de La Rochelle et à Paris pour Sainte-Clotilde, Saint-Augustin ou Saint-Vincent-de-Paul, bien qu'habilement composées, sont plus lourdes et ternes. Membre de l'Institut en 1881, il joua, avec Cabanel, un rôle primordial dans la direction du Salon officiel et, très intransigeant lors de l'intervention du jury au Salon, soutint le rejet systématique de Manet et des Impressionnistes. Il devait être le premier artiste " pompier " français à qui fut consacrée une exposition personnelle (Paris, gal. Breteau). Il a depuis été très largement étudié surtout aux États-Unis (expositions à New York, Detroit et San Francisco, 1974-75, puis Paris, Montréal et Harford en 1984-85).

Boulanger (Louis)

Peintre français (Verceil, Piémont, 1806  – Dijon 1867).

Entré en 1821 à l'École des beaux-arts, il suivit l'enseignement davidien de Guillon-Lethière et se lia avec A. Devéria. Il fréquenta les milieux romantiques, les Devéria, Sainte-Beuve, le cercle de l'Arsenal de Nodier et surtout Victor Hugo, qu'il rencontra en 1824. Ami intime de celui-ci, et en quelque sorte son peintre attitré, il prit pour thèmes nombre de ses écrits (les Fantômes, la Ronde du sabbat) et créa des costumes de scène pour son théâtre (Hernani, 1829 ; Ruy Blas, 1838 ; les Burgraves, 1843). Le Salon de 1827, un des sommets de l'éclosion romantique, montrait son immense et célèbre Mazeppa (musée de Rouen). Peintre d'outrance et de paroxysme dans ses peintures d'histoire (l'Assassinat du duc d'Orléans, 1833, musée de Troyes), il adopta dans ses portraits, dont le meilleur est Léopoldine Hugo (v. 1827, Paris, musée Victor-Hugo), une facture souple, une pâte brillante et transparente qui évoque l'art de Lawrence ou de Bonington.

   Vers 1835, il se tourna vers de nouvelles sources — la littérature classique (le Triomphe de Pétrarque, 1835, disparu ; Trois Amours poétiques, 1840, Toulouse, musée des Augustins) —, optant pour un style plus dépouillé, au dessin plus appuyé. Ce fut dans ce style qu'il aborda différentes commandes de peintures décoratives : la frise de la Procession des états généraux en 1836 pour le Musée historique de Versailles, des figures allégoriques pour le Sénat et le palais de Saint-Cloud, et les tableaux de peinture religieuse pour les églises Saint-Roch et Saint-Laurent. En 1860, il fut nommé directeur de l'École des beaux-arts de Dijon, ainsi que du musée de la ville.