Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
K

Kiefer (Anselm)

Peintre allemand (Donaueschingen, Bade-Wurtemberg, 1945).

Il suit à Karlsruhe (1965) des études de droit, de français et de peinture, d'abord sous la direction de Peter Dreher, ensuite sous celle de Horst Antes. Kiefer voyage en Europe (1969) et continue ses études à la Staatliche Kunstakademie (Düsseldorf), où il a pour professeur Joseph Beuys (1970-1972). Il s'installe par la suite à Hornbach/Odenwald. Sa première exposition personnelle se tient à la Galerie im Kaiserplatz (Karlsruhe, 1969). Avec " Bilder und Bücher " au Kunsthalle de Berne (1978), et plus particulièrement depuis sa participation à la Biennale de Venise, pavillon allemand (avec Georg Baselitz, 1980), son travail retient l'attention internationale. Pour certains inscrite dans la mouvance du Néo-Expressionnisme allemand, inspirée et marquée par l'histoire, la tradition romantique et la mythologie nordique, l'œuvre de Kiefer porterait l'empreinte des angoisses et des illusions brisées de l'Allemagne de l'après-guerre (Saülen, 1983). Une exposition Kiefer a été présentée à Berlin (N. G.) et à Paris (gal. Lambert) en 1991.

Kienholz (Edward)

Artiste américain (Fairfield, Washington, 1927  – Hope, Idaho, 1994).

Après avoir travaillé successivement dans un hôpital, un orchestre, le commerce de voitures d'occasion, etc., Kienholz produit en 1954 ses premiers reliefs en bois peint. En 1961, il achève son premier environnement : Roxy's, qui porte le nom d'une célèbre maison close de Las Vegas, dont il reproduit fidèlement les détails caractéristiques et jusqu'aux prostituées. Kienholz ne dédaigne pas l'humour : les soldats du War Memorial plantent héroïquement un drapeau sur une table de jardin, et The Art Show (en 1963 à Paris et en 1977 à Berlin) comporte une bande-son sarcastique à l'égard du public des vernissages. Pourtant, c'est sur le mode du réalisme et de son excès qu'il piège le spectateur, lui renvoyant l'image (ce n'est certes pas par hasard qu'il conserve à ces environnements le nom de " tableau ") d'une vie plus conditionnée par son cadre minable qu'elle n'en est l'organisatrice. Tandis que des visions de prunes confites... (1964, Paris, M. N. A. M.) montre la chambre typique d'un intérieur " low middle class " américain des années 50, rendant tout à la fois minable et touchante la sexualité qui vient de s'y exprimer, ou celle qui s'y apprête (The Beanery, 1965, Amsterdam, Stedelijk Museum). Une bourse permit à Kienholz de partir pour Berlin en 1973. Il fut également récompensé par le Guggenheim Museum en 1975. En 1981, il a annoncé son intention de ne plus signer ses œuvres qu'en collaboration avec sa femme, Nancy Redding, compte tenu de la part importante assumée par celle-ci dans son travail (The Silver Buck Stops here, 1987). Parmi les expositions récentes qui lui ont été consacrées, il faut mentionner " Kienholz in Context " (1984, Cheney Cowles Memorial Museum, Spokane, Washington), " The Oxymandias Parade " (1986, Portland Center for the Kunsthalle, Düsseldorf, et Museum moderner Kunst, Vienne), l'exposition Kienholz (1954-62), à Houston, et la rétrospective consacrée à l'artiste (New York, Los Angeles, Berlin) en 1996-1997. Il est représenté au Stedelijk Museum d'Amsterdam, au Walker Art Center, Minneapolis, au M. N. A. M. de Paris et au musée d'Épinal (Vosges).

King (Charles Bird)

Peintre américain (Newport, Rhode Island, 1785 – Washington, D. C., 1862).

Il travailla en 1800-1805 à New York avec le portraitiste et graveur Edward Savage (1761-1817) puis avec B. West à Londres (1805-1812), où il devint un intime de W. Allston et Th. Sully. Il séjourna après son retour (1812) à Philadelphie, Richmond, Baltimore avant de se fixer, en 1816, à Washington. Il y fut le portraitiste attitré de la classe politique américaine mais reste surtout connu par les portraits de chefs indiens venus dans la capitale en 1821, qu'il n'acheva qu'en 1837. Achetés par la Smithsonian Institution, ils formèrent le noyau de l'Indian Portrait Gallery mais furent détruits en grande partie lors d'un incendie en 1865. Quelques-uns furent sauvés (Young Omahaw, War Eagle, Little Missouri and Pawness, 1821, Washington, National Gallery of American Art) et l'ensemble reste connu par la lithographie (The Indian Tribes of North America). King fut l'un des premiers aux États-Unis à pratiquer avec talent la nature morte en trompe-l'œil (The Vanity of the Artist's Dream, 1830, Cambridge, Mass., Fogg Art Museum).

Kiprenski (Oreste Adamovitch)

Peintre et dessinateur russe (Niéjinskaïa, près de Koporïe, 1782  – Rome 1836).

Élève de Levitski et de Doyen à l'Académie de Saint-Pétersbourg, il passa à Rome, après 1816, une grande partie de sa vie. Il est surtout apprécié comme auteur de portraits, souvent de veine romantique : Autoportraits (1808-1835, Offices ; Saint-Pétersbourg, Musée russe), le Hussard E. Davydov (1809, Saint-Pétersbourg, Musée russe), Madame Avdoulina (1823, Kiev, anc. coll. Tierechtchenko). Son plus célèbre tableau est l'effigie en buste du Poète A. S. Pouchkine (1827, Moscou, Tretiakov Gal.).

Kirchner (Ernst Ludwig)

Peintre allemand (Aschaffenburg 1880  – Frauenkirch, près de Davos, 1938).

Il passe son enfance à Chemnitz et, en 1898, découvre à Nuremberg les gravures allemandes anciennes et, en particulier, celles de Dürer. Il entre, à Dresde (1901), à l'École technique supérieure, fréquente à Munich (1903-1904) l'école d'art de Hermann Obrist et, de retour à Dresde, découvre au musée ethnographique les sculptures africaines et océaniennes, dont l'influence le marquera longtemps. Cofondateur de Die Brücke (1905), il est la personnalité dominante du mouvement et montre une précoce maîtrise comme graveur sur bois, après assimilation du japonisme comme de l'intimisme de Vallotton (l'Homme et la femme, suite, v. 1904 ; Baigneuses, v. 1906). En peinture, la leçon du Divisionnisme de Van Gogh, de Munch est d'abord sensible dans un usage de couleurs pures et contrastées (Rue à Dresde, 1908, New York, M. O. M. A.), mais la pratique de la gravure comme de la sculpture sur bois le conduit à élaborer un style d'une rare tension, où la couleur violente, disposée en aplats, est contenue par un dessin sobre et ramassé (Jeune Fille assise : Fränzi, 1910-1920, Minneapolis, Inst. of Arts). L'activité graphique proprement dite (plume, crayon, craie, aquarelle), intense et variée (scènes de cabaret, de danse), témoigne en revanche d'un dynamisme qui ira s'accentuant. La période de Dresde de Kirchner se distingue surtout par un érotisme et un sentiment de la nature héritiers à la fois des Nabis et de Gauguin, période où Kirchner peint de jeunes modèles (Dodo, Fränzi) nus dans des intérieurs (Marzella, 1909-10, Stockholm, Moderna Museet) ou en plein air sur les bords du lac de Moritzburg (Quatre Baigneuses, 1909, Wuppertal, Von der Heydt Museum ; Nus jouant sous les arbres, 1910). Enfin, avant l'installation à Berlin, le Nu au chapeau de 1911 (Cologne, musée Ludwig) est la plus remarquable d'une série de toiles de la même année, construites selon un mode plus synthétique, et constitue une magistrale réponse de Kirchner au grand style matissien de 1909-10. Parallèlement, Kirchner réalise des sculptures en bois, taillées massivement, où la découverte de l'art africain du Cameroun est sensible (Femme dansant, 1911, Amsterdam, Stedelijk Museum). À Berlin en 1911, le contact avec le Cubisme, qu'il ignorait à Dresde, se traduit par l'allongement des formes, l'adoucissement relatif de la palette, une exécution moins unifiée. Kirchner exprime dans les œuvres berlinoises le sentiment de claustration qu'apporte la vie citadine, avivé par un érotisme latent ou manifeste, dans des scènes de rue ou d'intérieur (Cinq Femmes dans la rue, 1913, Cologne, Musée Ludwig ; la Chambre dans la tour, 1913). Le cabaret et le cirque l'intéressent toujours pour leur dynamisme (l'Écuyère, 1912, coll. part.), tandis qu'il retrouve dans l'île de Fehmarn (étés de 1912 à 1914) une inspiration plus bucolique (Lever de lune à Fehmarn, 1914, Düsseldorf, K. M.). Mobilisé en 1915, il s'adapte fort mal à la vie militaire, fait une dépression nerveuse et est réformé ; de puissants autoportraits témoignent de ce moment de crise : le Buveur (1915, musée de Nuremberg), Autoportrait en soldat (1915, Oberlin, Allen Memorial Art Museum). Il grave la même année un de ses chefs-d'œuvre, les bois pour Peter Schlemihl (l'homme qui vendit son ombre au diable), de Chamisso.

   Il se retire en 1917 à Davos, en Suisse, s'installe à Wildboden, près de Frauenkirch, en 1923, et connaît une manière plus sereine : paysages alpins et types rustiques, à partir de 1917-18 (Davos sous la neige, 1923, musée de Bâle). Dans la même veine, il réalise des modèles pour des tapisseries au petit point, à partir de 1921, accentuant la schématisation des formes et les aplats colorés (Vie de la montagne, 1924-25, Kiel, Kunsthalle).

   Son évolution, marquée par une tentative assez timide d'abstraction de caractère lyrique (1926-1929), puis par un essai de synthèse entre l'agrément décoratif et l'expression (Deux Nus dans le bois, 1927-1929 ; Couple d'amants, 1930), trahit un certain désarroi devant les nouvelles formes de l'art moderne, étrangères à son expressionnisme foncier.

   Ses dernières peintures révèlent pourtant un nouvel accord entre la figuration et les exigences de la couleur et de l'espace au bénéfice d'un réel apaisement (Bergers le soir, 1937).

   Son œuvre gravé et lithographié, un des plus importants de la première moitié du siècle, a conservé jusqu'au bout une qualité très homogène. Il comprend (catalogue Dube, 1967) 971 bois, 665 eaux-fortes et 458 lithographies. Citons la série des portraits et autoportraits sur bois de 1917-18 (Henry Van de Velde, 1917 ; Autoportrait à la mort qui danse, 1918). Comme en peinture et avec plus de réussite peut-être, le thème du nu et du couple a constamment inspiré Kirchner dans ses gravures et lithogravures ; parmi les pièces lithographiques se détache l'extraordinaire suite érotique de 1911 (6 lithos), digne des Japonais, suivie en 1915 d'études sur des comportements plus spéciaux (l'Onanisme à deux, le Sadique, l'Amateur de seins). Kirchner a exercé quelque influence après la guerre, notamment sur le Hollandais Wiegers, qui le rencontra dès 1920. En 1934, il s'entretint avec Klee et Schlemmer. La confiscation par le gouvernement nazi de 639 de ses œuvres, en 1937, fut une épreuve qui explique en partie son suicide quelques mois plus tard. Une exposition rétrospective de son œuvre s'est déroulée en 1979-80 (à Berlin, Galerie nationale ; Munich, Haus der Kunst ; Cologne, Musée Ludwig).