Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Freud (Lucian)

Sculpteur et peintre britannique (Berlin 1922).

Petit-fils de Sigmund Freud, il vit à Berlin jusqu'en 1933, date à laquelle ses parents s'établissent en Angleterre. Il fait ses études de sculpture à l'École des arts et métiers de Londres, mais n'exerce que plus tard. Il commence à peindre à la veille de la Seconde Guerre mondiale, en adoptant dès le début un style sévère et délibérément réaliste (Portrait de Francis Bacon, 1952, Londres, Tate Gal.). Dès le début de sa carrière, son œuvre est marqué par le caractère glacé et méticuleux de la Neue Sachlichkeit allemande et aussi par le Surréalisme, très présent à Londres dans ces années (le Salon du peintre, 1943). Privilégiant la linéarité des traits et la planéité de la lumière, Freud crée des portraits sobres et rigoureux (série des portraits de Kathleen Garnan, sa première femme : la Jeune Femme aux roses, 1947-48, The British Council).

   Utilisant au cours des années 50 les jeux de clair-obscur (la Jeune Femme au chien blanc, 1951-52), ce travail d'un " Ingres de l'existentialisme " (Herbert Read) se modifie vers 1958-59 pour rechercher dans une volumétrie accentuée le relief des visages et la texture de la peau (Femme qui sourit, 1958-59). Le rendu des visages et le traitement vigoureux de la peau humaine dans de très nombreux nus (Jeune Femme nue et œuf, 1980-81) constituent l'essentiel de l'œuvre de l'artiste, hormis quelques paysages et natures mortes. Depuis le début des années 1980, Freud s'est surtout consacré au nu masculin, où la psychologie compte moins que la description crue des vicissitudes du corps, non sans une insistance sur les organes génitaux que l'on retrouve dans les nus féminins (Leigh Bowery assis, 1990).

   Bien représenté dans les collections britanniques, l'œuvre de Freud a été exposé en 1988 à Londres (Hayward Gal.) et Paris (M. N. A. M.). Une nouvelle exposition lui a été consacrée (New York, Metr. Museum) en 1994.

Freundlich (Otto)

Peintre et sculpteur allemand (Stolp, Poméranie, auj. Stupsk 1878  – en déportation, camp de Lublin-Maïdanek, Pologne, 1943).

Presque toute sa carrière s'est déroulée en France. Après des études d'histoire de l'art (1903-1904) et un séjour à Florence (1905-1906), il fréquente l'École d'art de Lothar von Kunowski à Berlin (1907-1908). En 1909, il s'installe à Paris, au Bateau-Lavoir, où il rencontre Picasso, Braque, Juan Gris, Max Jacob. Entre 1910 et 1913, il expose à Paris (gal. Clovis Sagot), à Berlin (Nouvelle Sécession, premier Salon d'automne allemand) et à Cologne (Sonderbund). Il rentre en Allemagne en 1914 à la déclaration de guerre. Il collabore à la revue Die Aktion et devient membre du Novembergruppe en 1918. Il est à cette époque proche de l'abstraction du Blaue Reiter (la Mère, 1921.) mais aussi de l'Expressionnisme. Il participe au dadaïsme à Cologne, puis se rapproche du groupe des artistes progressistes (die Progressiven) et publie dans la revue a bis z. À son retour à Paris en 1924, il met au point une expression personnelle, fondée sur l'abstraction, où la couleur et la forme s'apparentent à l'art de la mosaïque (Grun-Rot, 1939, Cologne, Museum Ludwig) et qui n'est pas si éloignée de l'art de R. Delaunay. Il exécute des gravures sur bois et sur zinc, où dominent les contrastes de noir et blanc, des dessins très poussés à l'encre de Chine et des sculptures. Il participe à Cercle et Carré puis, entre 1932 et 1935, il est un des membres les plus actifs du groupe Abstraction-Création.

   En 1938, la gal. Jeanne Bucher organisa une exposition pour son soixantième anniversaire. La guerre de 1939 mit malheureusement fin à l'activité de Freundlich, qui fut arrêté en février 1943, interné à Drancy, puis envoyé en déportation, où il mourut. L'essentiel de son œuvre, qui était resté dans son atelier de Paris, a été donné au musée de Pontoise en 1969 avec celle de sa compagne, Jeanne Kosnick-Kloss. L'artiste est également représenté à Paris (M. N. A. M.) et au musée de Saint-Étienne. Une exposition lui a été consacrée (musée de Rochechouart) en 1988.

Friant (Émile)

Peintre français (Dieuze 1863  – Nancy 1932).

Originaire de la Lorraine annexée, sa famille se fixa à Nancy après le traité de Francfort. Ses études à l'école de dessin de la ville lui valurent une bourse municipale pour Paris. Il fut admis dans l'atelier de Cabanel et conseillé par Bastien-Lepage. Sa grande composition la Toussaint (musée de Nancy), présentée au Salon de 1889, lui valut le succès : il fut l'un des fondateurs de la Société nationale des beaux-arts (1890). Le dessinateur, qui se réclame d'Ingres, ne dépasse que rarement la précision minutieuse d'un naturalisme trop confiant en lui-même (portraits de Barrès, Gallé, Poincaré). Le peintre sait ajouter, en les limitant, les acquis de l'Impressionnisme : Autoportrait (1895, id.), et alterne scènes de genre, scènes de sport, paysages tunisiens, scènes tragiques comme la Fine capitale ou l'Expiation (1908). Des qualités de métier certaines témoignent de dons peut-être compromis par le souci — et la réussite — d'une carrière officielle qui le conduisit à l'Institut. Friant exécuta à Nancy plusieurs décorations, dont les Jours heureux (1895, hôtel de ville, salle des séances du conseil municipal). Il est représenté dans les musées de Nancy, de Toul et de Montpellier.

Friedlander (Johnny)

Artiste allemand actif en France (Pless, Haute-Silésie, 1912  – Paris 1992).

Formé à bonne école dès 1928 auprès d'Otto Müller à l'Académie des beaux-arts de Breslau, Friedlander donne très précocement ses premières gravures et va compléter librement sa formation à Dresde et à Paris. Mais, dès 1935, il ne peut plus vivre en Allemagne et, après quelques années d'errance, se fixe à Paris, qu'il doit quitter en 1940. C'est à la Libération qu'on découvre vraiment ce grand graveur car Frielander ne travaille que le métal et il est incontestablement un des maîtres contemporains de l'eau-forte. C'est ainsi qu'il apparaît dès sa première exposition personnelle en 1949 à la Hune, où il expose ensuite chaque année. Paul Eluard a dit de lui qu'il " condense toutes les lumières nocturnes ". Nuée basse de 1967 ou Nuit sombre de 1973 — sur des fonds où affleurent quelques traces, quelques signes — inscrivent des formes où jouent la morsure de l'acide, mais aussi les subtils effets de lavis qu'offre si largement l'aquatinte. Cet exilé, attaché à la France, est resté allemand de sensibilité. Il le dit par son Hommage à Caspar David Friedrich (1975), par ce qui semble parfois dans son art faire référence à Paul Klee et plus encore par ce qu'a de musical, et très précisément de contrapuntique, son écriture dépouillée et complexe à la fois. Une gravure de Friedlander permet de suivre des jeux graphiques concertant comme on peut discerner les voix d'une fugue. La même qualité musicale, mais où la sonorité est plus diffuse et plus sourde, règne dans ses très belles aquarelles, qu'il ne craint pas d'appeler pour certaines Paysages. Friedlander est bien représenté dans les musées français et étrangers, en particulier israéliens, allemands et suisses. Il est à noter que l'Unesco lui avait demandé de professer les techniques de la gravure au musée d'Art moderne de Rio de Janeiro et que, dans son atelier parisien de l'Ermitage, il a depuis 1949 formé de nombreux jeunes graveurs. Parmi les grandes expositions qui lui ont été consacrées depuis une quinzaine d'années par les musées de Bruxelles, de Tel-Aviv, de Harlem, de Brunswick, il faut relever celle de l'œuvre gravé au musée d'Art moderne de la Ville de Paris en 1978. La rétrospective la plus complète est celle de la Kunsthalle de Brême en 1987.