Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Blanche (Jacques-Émile)

Peintre français (Paris 1861  – Offranville 1942).

Fils du célèbre aliéniste Antoine Blanche, cet artiste raffiné et cultivé menait une vie très mondaine à Londres et à Paris, où il fut le portraitiste du milieu intellectuel et artistique (Portrait du peintre Thaulow et de sa famille, 1895, Paris, musée d'Orsay). Ses portraits de groupes sont pour nous une source iconographique précieuse (la Panne, 1906, musée de Lyon). Cherchant surtout à exprimer dans ses toiles la psychologie de ses modèles (Portrait d'Anna de Noailles, 1912, musée de Rouen), il négligeait un peu le dessin et le coloris et se contentait parfois, avec désinvolture, de simples études (Portrait de Stéphane Mallarmé, 1889, id.). Jacques-Émile Blanche donna au musée de Rouen une centaine de ses œuvres : portraits d'André Gide (1912), de Paul Valéry (1913), le Groupe des Six (1924), le Café maure de l'Exposition universelle (1900). Les paysages verdoyants, les champs de courses, les vues de ports qu'il peignit en Angleterre ou en Normandie souffrent plus de sa facilité (l'Arrivée du hareng à Dieppe, 1934, musée de Rouen). Blanche fut aussi un remarquable critique d'art, émettant dans ses Propos de peintre (1919-1928), préfacés par Marcel Proust, dont il fit un portrait devenu célèbre (1895, musée d'Orsay), des jugements équitables, finement perspicaces, souvent caustiques, sur ses contemporains.

Blanchet (Louis-Gabriel)

Peintre français (Paris 1705  – Rome 1772).

Second prix de Rome en 1727, Blanchet put s'établir dans cette ville, où il jouit rapidement de la protection du directeur de l'Académie de France, Vleughels, et de celle du duc de Saint-Aignan, alors ambassadeur de France.

   Sa carrière, qui semble s'être entièrement déroulée à Rome, est jalonnée de plusieurs portraits (Tolosan de Monfort, 1756, musée de Lyon ; Portraits de P. P. Lesueur et de E. Jacquier, 1772, musée de Nantes), dont la simple franchise le met, aux côtés d'un Pompeo Batoni, son contemporain, au rang des bons portraitistes du temps.

Blanchet (Thomas)

Peintre français (Paris 1614  – Lyon 1689).

Après un séjour à Rome, dont subsistent quelques beaux paysages avec ruines (deux Paysages avec Cléobis et Biton, Rome, G. N. Gal. Corsini et Stockholm, Nm), Blanchet s'établit à Lyon (1655) comme décorateur du nouvel hôtel de ville, d'abord avec Germain Panthot, à qui il succéda comme peintre de la Ville. Il travailla au couvent des dames de Saint-Pierre (actuel musée des Beaux-Arts), surtout comme dessinateur de sculptures, et au palais de justice. Ses grands ensembles, de style baroque, ont beaucoup souffert, et ses tableaux de chevalet restent mal connus, mais nombre de ses compositions ont été gravées. Académicien en 1667, Thomas Blanchet fonda à cette date une école à Lyon.

Blarenberghe (Louis-Nicolas Van)

Peintre français (Lille v.  1716/1719  – Fontainebleau 1794).

Sa formation est mal connue. Son père, Jacques-Wilhelm (v. 1679-1742) , natif de Leyde et fixé à Lille, était déjà peintre de batailles. Protégé du duc de Choiseul, Louis-Nicolas devint peintre des batailles du département de la Guerre en 1769 et reçut l'année suivante, pour l'hôtel des Affaires étrangères de Versailles (actuelle bibliothèque), la commande de dessus-de-porte représentant 14 capitales d'Europe (13 sont encore en place). En 1773, devenu peintre du ministère de la Marine, il se rend à Brest, accompagné de son fils, et peint plusieurs vues du port. De nombreuses gouaches, représentant les combats de Louis XV dans les Flandres, sont conservées à Versailles. C'est surtout la miniature qui établit la réputation de l'artiste : batailles, marines ou fêtes, d'une finesse d'exécution étonnante, ornent le plus souvent des couvercles de boîtes ou de tabatières et connurent le plus grand succès (nombreux exemples au Louvre, au Rijksmuseum, à Londres, Wallace coll.).

 
Henri-Joseph (Lille 1741 – id. 1826) , fils de Louis Nicolas, assimila la technique de son père au point qu'il est bien difficile souvent de dire qui des deux est l'auteur des miniatures, qu'ils signaient l'un et l'autre sans prénom. Il fut à la fin de sa vie conservateur du musée de Lille.

 
Henri-Désiré (Lille 1734 – Paris 1812) , frère de Louis-Nicolas, fut également son élève et adopta lui aussi sa manière.

Blaue Reiter (Der) en français, " le Cavalier bleu "

Nom du mouvement créé en 1911 à Munich par Wassily Kandinsky et Franz Marc après leur retrait de la Nouvelle Association des artistes.

Origine et élaboration

Le Blaue Reiter avait pour but de donner un prolongement immédiat aux recherches pour l'émancipation de l'art, que les premières expositions de la Nouvelle Association avaient favorisées mais qui avaient effrayé les membres encore attachés à un certain conformisme. Le nom lui-même, reprenant le titre d'un tableau de Kandinsky exécuté en 1903, rend compte d'une volonté d'évasion par le lyrisme de la couleur, à laquelle Marc, comme Kandinsky, accorde tous les pouvoirs. La personnalité de ce dernier domine le Blaue Reiter, et cette période correspond pour lui à une expérimentation décisive de l'Abstraction. Pour Marc et ses amis August Macke, Heinrich Campendonk, Paul Klee, beaucoup plus jeunes, leur participation est une étape importante qui leur fait prendre conscience de leurs moyens et surtout d'un destin artistique désormais ouvert à toutes les tentatives. Les manifestations créatrices du Blaue Reiter ne dépassent pas 1913, année de la dissolution de Die Brücke, mais cette brièveté est largement compensée par le renouvellement profond de la vision, théorique et pratique, qu'elles apportent. Sindelsdorf fut le centre de l'élaboration du Blaue Reiter ; ce village situé au pied des Alpes bavaroises joua un rôle analogue à celui de Moritzburg pour Die Brücke et à celui de Murnau pour Kandinsky et Jawlensky en 1908 et en 1909. À l'automne de 1911, Kandinsky, Marc, Macke, Campendonk s'y réunirent et le nom du mouvement y fut choisi.

Les expositions

La première exposition s'ouvrit le 18 décembre 1911 à la gal. Thannhäuser de Munich. Le travail des principaux artistes se ressent nettement de leurs contacts mutuels, et les œuvres présentent de ce fait une homogénéité que les options individuelles ne tarderont pas à dissiper. L'Orage (musée de Sarrebruck) de Macke est en effet un tribut à Kandinsky et le Cheval bondissant (id.) de Campendonk doit beaucoup à Marc, dont les Grands Chevaux bleus (Minneapolis, Walker Art Center) sont en revanche une des œuvres les plus significatives de l'esprit qui présida aux débuts du Blaue Reiter. Kandinsky exposait une Composition n° 5, une Improvisation n° 22 et une Impression de Moscou, où les apparences, avec les nuances subtiles que ces désignations recouvraient, étaient dématérialisées par le mouvement et la couleur. Étaient invités avec Gabriele Münter, l'amie de Kandinsky, le compositeur autrichien Arnold Schönberg, dont l'activité picturale fut importante entre 1907 et 1910, Albert Bloch, alors influencé par Kandinsky, les Russes David et Vladimir Bourliouk, déjà initiés au Cubisme, et les artistes français à l'œuvre desquels Kandinsky et Marc portaient grand intérêt, Delaunay et le Douanier Rousseau. La deuxième exposition eut lieu chez Hans Goltz trois mois plus tard seulement (mars 1912). Réservée aux aquarelles et aux œuvres graphiques, elle prit ouvertement le caractère d'une confrontation internationale où les principaux courants novateurs étaient représentés : Die Brücke, le Cubisme (Braque, Picasso, Derain, La Fresnaye), la tendance russe voisine (Malévitch, Larionov, Gontcharova) et le Moderne Bund suisse avec Klee.

L'Almanach

Mais l'événement capital de 1912 est la publication de l'Almanach du Blaue Reiter (mai), dans le cadre de la grande exposition organisée par le Sonderbund à Cologne. Les artistes s'y exprimaient eux-mêmes sur les questions auxquelles était liée l'évolution de l'art moderne (rôle de la couleur, libération définitive du principe d'imitation, sur lequel reposait l'art depuis la Renaissance). Les références aux techniques archaïques et primitives y étaient fort nombreuses ; une abondante illustration, présentée suivant une conception très neuve, tenait compte des affinités spirituelles et confrontait les créations de l'Occident médiéval (y compris tapisseries, mosaïques et ivoires) à celles des expressions plastiques africaine, mexicaine, océanienne, chinoise, japonaise, des Indiens de l'Alaska et à celles de l'art folklorique (bois gravés russes, peinture sur verre de Bohême et de Bavière). Pour la première fois, les dessins d'enfants étaient considérés du point de vue de l'art : " Les enfants, écrit Macke, qui s'expriment directement à partir de leurs émotions intimes, ne sont-ils pas plus créateurs que les suiveurs de l'idéal grec ? " Pour la période contemporaine, Van Gogh, Gauguin, Cézanne, le Douanier Rousseau étaient les pionniers dans la découverte d'un langage nouveau illustré par l'école française (Matisse, Picasso, Delaunay, Le Fauconnier) et, en Allemagne, par Kokoschka, Die Brücke et le Blaue Reiter lui-même. Quatre articles étaient d'autre part consacrés à la musique et accompagnés de trois lieder dus à Schönberg, à Webern et à Alban Berg. Peu avant l'Almanach, une synthèse théorique de l'esthétique qu'il prônait avait paru à Munich : l'ouvrage essentiel de Kandinsky, Du spirituel dans l'art, dans lequel l'important chapitre " Langage de la forme et de la couleur " met l'accent sur la valeur émotionnelle, intuitive de l'œuvre et sur le rôle psychique de la couleur ; les allusions figuratives disparaissaient d'ailleurs à peu près complètement chez Kandinsky au cours de cette même année (Avec l'arc noir, Paris, M. N. A. M.).

   La dernière exposition d'envergure du Blaue Reiter eut lieu en 1913 à Berlin, dans les locaux de Der Sturm, à l'occasion du Premier Salon d'automne allemand. Une deuxième édition de l'Almanach parut en 1914, mais le projet d'en publier un nouveau n'aboutit pas, moins par suite de la guerre sans doute qu'en raison de l'évolution des artistes : dès 1912, Kandinsky, Marc et Macke suivent des voies personnelles.