Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Ribot (Théodule)

Peintre français (Saint-Nicolas-d'Attez, Eure, 1823 – Colombes 1891).

Il entra en 1844 dans l'atelier de Glaize, mais il subit surtout l'influence de l'école espagnole, de Ribera (Saint Sébastien martyr, 1865, Paris, musée d'Orsay) ou de Velázquez (la Jeune Fille au chien, 1865, musée de Reims). Par la suite, il prit exemple dans la Hollande du XVIIe s., chez ses intimistes (la Ravaudeuse, Paris, musée d'Orsay) ou chez ses maîtres, tel Rembrandt (Portrait de ma fille, v. 1885, musée de Reims). Mais, par l'intelligente compréhension de ses modèles, par la maîtrise de son exécution, il dépassa le pastiche en insufflant à son œuvre une puissance originale. Il laissa un grand nombre de scènes de genre, de cuisine, de natures mortes, où, dans une grande richesse de pâte, il sut jouer des contrastes d'ombre et de lumière. Cette savante utilisation des " noirs " se retrouve dans ses dessins et dans les quelques eaux-fortes qu'il produisit.

Ricard (Gustave)

Peintre français (Marseille 1823  – Paris 1872).

Venu à Paris, il entra dans l'atelier de Léon Cogniet à dix-huit ans, mais il reçut ses plus sûres leçons des grands maîtres, qu'il ne cessa de copier sa vie durant au Louvre et dans les plus prestigieuses collections d'Europe. Il s'adressa plus particulièrement aux Vénitiens, aux Flamands et aux Néerlandais. Certaines de ses copies demeurent célèbres (la Bethsabée de Rembrandt, 1867, musée d'Orsay). Spécialisé dans le portrait, Ricard laissa un œuvre considérable. Il se fit tantôt portraitiste mondain (Madame de Calonne, 1852, id.), sensible à l'élégance féminine (portraits au Petit Palais à Paris), tantôt interprète simple et pénétrant du visage de ses amis peintres ou des célébrités de son temps (Émile Loubon, 1856, musée de Marseille ; Chenavard, id. ; Papety, id. ; Ziem, musée d'Aix-en-Provence ; Bruyas, musée de Montpellier ; Paul de Musset, 1870, musée d'Orsay). L'exemple des maîtres qui l'inspirèrent transparaît dans ces peintures, qui montrent une technique parfois excessivement savante, une coloration brillante, un art à la fois austère et chaleureux. Ricard est bien représenté aux musées de Bayonne, de Lyon, de Marseille et de Montpellier.

Ricci (Marco)

Peintre italien (Belluno 1676  – Venise 1730).

Initiateur de la peinture de paysage à Venise au XVIIIe s., sa riche personnalité n'a été définie nettement que récemment par la critique. Sa formation, fort complexe, le conduit d'abord à une première adhésion aux modes du XVIIe s. Sa vision, toujours plus personnelle, traduit la réalité de la nature avec une vive sensibilité, un sens aigu de l'atmosphère, et il éclaircit constamment sa palette dans des effets de lumière solaire que l'on peut, sous un certain angle, rapprocher de ceux de Canaletto. Après quelques essais de jeunesse qui témoignent de sa connaissance directe de la peinture napolitaine, Marco Ricci produit d'intéressantes Marines (en particulier celle de la P. N. de Bologne), dans lesquelles, au contraire, l'influence de Magnasco a été déterminante. On note qu'il fait déjà preuve d'un goût pictural exquis et d'une liberté d'expression très particulière.

   En 1708, Ricci est, avec Pellegrini, à Londres, où il séjourne jusqu'en 1716, hormis un séjour dans son pays en 1710-1712, se consacrant à la décoration scénographique. Cet intérêt se reflète dans l'agencement de certaines peintures, tel le Paysage (Venise, Accademia), où le jeu des contrastes oppose la masse sombre des arbres au premier plan à l'intense luminosité du fond. Un voyage à Rome, vers 1720, eut une grande importance pour l'évolution de l'artiste. En effet, celui-ci a connaissance de la peinture de ruines de Pannini, alors à la mode, et son Paysage aux ruines antiques (musée de Vicence) — en collaboration avec son oncle Sebastiano, auteur des petites figures —, où les ruines semblent palpiter de vie dans la clarté de la lumière solaire, est un témoignage de cette influence. Observateur attentif de la réalité, Ricci a su, dans son Paysage d'hiver (auj. à la Ca' Rezzonico de Venise), saisir la particularité d'un moment, d'un coup de pinceau spontané. Entre 1720 et 1730, il accentue encore ses recherches d'atmosphère solaire. Dans les dernières années de son activité, il utilise souvent la détrempe ou la gouache sur parchemin, avec lesquelles il obtient un rendu plus clair et plus délicat (bel ensemble à Windsor Castle). Il emploie cette technique dans la Cour paysanne (Londres, Buckingham Palace), où, dans un ciel clair, vibre une treille parcourue de frémissements lumineux, tandis que le rendu des ombres sur le mur illuminé s'allonge en un graphisme filiforme. Dans une de ses dernières œuvres, le Paysage imaginaire (1728, id.), on remarque, dans une surprenante clarté, la juxtaposition nouvelle de ruines et d'un momument baroque.

   Marco Ricci fut aussi un remarquable aquafortiste ; de son œuvre gravé, il subsiste 33 Paysages dans lesquels on retrouve les mêmes thèmes que dans ses peintures et la même quête d'une luminosité toujours plus vibrante et plus solaire.

   Des tableaux et des gouaches de M. Ricci sont conservés dans les musées de Venise, de Belluno, de Bassono, de Trieste, de Vicence, de Padoue, à la P. N. de Bologne, à la City Art Gal. de Leeds, au musée de Varsovie, à la Gg de Dresde, au musée de Kassel, au Barber Inst. of Arts de Birmingham. Une importante exposition lui a été consacrée à Bassano en 1963 et à Belluno (Marco Ricci et le paysage vénitien, palais Crepadona) en 1993.

Ricci (Sebastiano)

Peintre italien (Belluno 1659  –Venise 1734).

Oncle de Marco Ricci, il est l'une des plus importantes personnalités du XVIIIe s. vénitien et l'un des initiateurs de la peinture rococo, gaie et claire, genre essentiellement décoratif, qui s'impose au début du XVIIIe s. dans toute l'Europe. De tempérament éclectique et particulièrement réceptif, Ricci, au cours de sa longue formation, assimile, dans un style qui sait rester personnel et caractérisé par un pinceau vibrant et une forme toujours plus déchiquetée dans une atmosphère sans cesse éclaircie, les expériences les plus modernes de la culture artistique de la fin du VXIIe s. (Apparition nocturne ou le Songe d'Esculape, Venise, Accademia).

   Après avoir étudié à Venise auprès de Mazzoni et de Cervelli, il se rend à Bologne près de Del Sole. Appelé à Parme par le duc Ranuccio Farnèse, il y laisse des œuvres (Scènes de l'histoire romaine) d'esprit nettement bolonais. En 1685-1687, il décore à fresque l'oratoire de la Madonna del Serraglio, près de Parme ; il se montre lié aux formes élégantes et maniérées, de type classicisant, mais sa couleur veloutée et nuancée dénonce un net rappel de Corrège. Il est ensuite à Rome, où la connaissance des grands décorateurs, Pietro da Cortona et Baciccio, joue un rôle essentiel dans son évolution ; ses formes se font plus fluides et plus souples (plafond de la sacristie des S.S. Apostoli).

   Après un séjour à Milan, Ricci est de retour en Vénitie au début du XVIIIe s. Sa culture s'est élargie, mise à jour, " modernisée ". C'est à cette époque qu'il acquiert la connaissance fondamentale de la peinture de Véronèse, qui le conduit à éclaircir les couleurs et à rechercher des gammes toujours plus lumineuses dans la juxtaposition des tons bleus et blancs. Certaines des toiles aux teintes claires, conservées à l'université de Parme, datent de cette période. La peinture de Ricci évolue ; le Rococo et la tradition vénitienne se côtoient dans les plafonds de S. Marziale à Venise, antérieurs de 1705. Les compositions hardies s'enroulent de bas en haut, rapidement raccourcies ; la couleur, fortement éclairée, diffuse sa lumière sur les fonds de ciel purs. Pour la première fois, ces fonds ne sont plus inertes : ils accueillent le jeu de la lumière solaire. La décoration à Florence (1706-1707) du palais Maruccelli (fresque : Apothéose d'Hercule) et du palais Pitti (Diane et Actéon ; esquisse au musée d'Orléans) marque une nouvelle étape du parcours de Sebastiano Ricci. Grâce au rythme rococo des formes, à l'aisance narrative et à la légèreté de la touche, il affirme désormais une tendance décorative.

   En 1708, il peint la Madone avec des saints pour l'église S. Giorgio Maggiore à Venise ; un coup de pinceau rapide, mousseux et infiniment léger brise la forme ; l'orchestration chromatique devient claire et limpide. Ricci poursuit encore cette évolution ; l'aspect délicatement rocaille de sa culture se précise, tandis qu'il se rapproche de plus en plus de Véronèse.

   C'est grâce à sa culture vénitienne que Ricci assume un rôle de premier plan dans la formation d'un langage pictural européen au début du XVIIIe s. Entre 1712 et 1716, il est à Londres avec son neveu Marco. Dans sa décoration de Burlington House (auj. Royal Academy), son goût pictural est encore plus frappant ; les formes paraissent se dissoudre dans une atmosphère mouvante. Il se rend ensuite à Paris v. 1716, est reçu à l'Académie avec le tableau sur le thème de l'Allégorie de la France (Louvre), puis il rentre définitivement à Venise. Deux peintures de 1724, Salomon adorant les idoles et la Répudiation d'Agar (auj. à Turin, Gal. Sabauda), inondées d'une lumière argentée, dans une vibration continue des formes, sont des exemples de son approfondissement du chromatisme issu de Véronèse. Entre 1726 et 1734, Sebastiano Ricci exécute, pour le consul Smith, une série de peintures (auj. à Hampton Court) ; pour ces réalisations, il a employé une manière qui fait éclater la forme, révélant ainsi une imagination aux multiples pouvoirs. Parmi ses dernières œuvres, on peut également évoquer son Saint Grégoire à S. Alessandro della Croce à Bergame, ultime étape de l'évolution d'un langage pittoresque et totalement libre où les formes se meurent dans une atmosphère presque liquide et où la couleur, à coups de pinceau rapides et glissants, semble vouloir retenir les rayons de la lumière lunaire. Une exposition a été consacrée à Sebastiano Ricci (Udine) en 1989.