Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
M

modulation

Procédé qui permet de suggérer la profondeur, en échelonnant les volumes présentés les uns à la suite des autres, au moyen d'une série de touches de valeurs à peu près égales, bien que de couleur différente.

   Cézanne a beaucoup utilisé cette technique, dont il est pratiquement l'innovateur : ses touches vont de l'orangé au rose dans la lumière, aux bleus clairs dans l'ombre, en passant par les verts et les lilas dans la demi-teinte. Les peintres qui ont renoncé au modelé diversifient les surfaces colorées en les modulant.

Mohedano (Antonio)

Peintre espagnol (Lucena v.  1563  – Antequera 1626).

Originaire de la région de Cordoue, il fut dans cette ville un brillant élève de Pablo de Céspedes, lorsque celui-ci revint de Rome. Sa carrière se partage ensuite entre Séville et Antequera, où il se maria et vécut jusqu'à sa mort. Pacheco, son ami, le considéra comme un des meilleurs peintres de son temps. Mohedano fut également un humaniste et un poète. Ce fut un fresquiste renommé, mais ses décorations du cloître de S. Francisco de Séville et de la cathédrale de Cordoue ont disparu. Ses œuvres aujourd'hui connues sont de grands tableaux conservés à l'église de l'Université, ancienne maison professe des Jésuites (Annonciation avec un chœur d'anges, de 1606, à l'attique du retable, dont la célèbre Circoncision de Roelas occupe l'étage principal), et à la collégiale S. Sebastián d'Antequera (Transfiguration, Assomption, Un ange présentant un jeune garçon à la Vierge). Encore proches des maniéristes de l'Escorial par leurs tons clairs et leur style un peu compassé, elles annoncent déjà le réalisme large et paisible de Sánchez Cotán et de Zurbarán par leurs accords de bleus vifs et de blancs, comme par le charme de leurs groupes d'anges.

Moholy-Nagy (László)

Peintre, sculpteur, photographe et théoricien hongrois (Bácsborsód, près de Kiskunhalas, 1895  – Chicago 1946).

Après des études juridiques à Budapest, il est blessé à la guerre en 1917 et commence à peindre à l'hôpital d'Odessa. Attiré par les conceptions plastiques de l'avant-garde soviétique (particulièrement Malévitch), il fonde avec L. Kassak à Budapest le groupe M A (" Aujourd'hui ") en 1919, dont il dirige la revue du même nom. Après un séjour à Vienne en 1920, où il est influencé par le Dadaïsme, il peint ses premiers tableaux abstraits (Composition 19, 1920, Cambridge, Mass., Busch-Reisinger Museum). Il rencontre Lissitsky à Düsseldorf l'année suivante. Il se rend ensuite à Berlin (1921-1923), où il expose à la gal. Der Sturm et publie avec Lajos Kassak un livre sur l'avant-garde, Buch Neuer Künstler. En 1923, appelé par Gropius au Bauhaus de Weimar, Moholy-Nagy dirige dans cette école le cours préliminaire et l'atelier du métal tout en jouant un rôle important dans la publication des " Bauhausbücher ", dont il assure aussi la mise en page. Les toiles de cette période se présentent comme des organisations d'éléments géométriques, dans un espace tridimensionnel (A 7, 1922, Düsseldorf, K. M. ; A XX, 1924, Paris, M. N. A. M. ; A 18, 1927, Cambridge, Mass., Busch-Reisinger Museum). À cette époque, Moholy-Nagy invente un nouveau style typographique et de mise en pages qui connaîtra une postérité dans le monde entier. Passionné par les nouvelles techniques et toujours à la recherche de l'innovation, il devient l'un des plus grands photographes de son époque. C'est aussi au Bauhaus que l'artiste conçoit et réalise un équipement destiné à la scène intitulé Licht-Raum Modulator (Modulateur d'espace-lumière, 1922-1930, id.), sculpture en métal d'aspect technologique et qui utilise le mouvement électrique et la lumière artificielle. À partir de cette œuvre, il va poursuivre dans ses tableaux ses recherches sur l'espace et le mouvement. Ayant quitté le Bauhaus en 1928, il réalise plusieurs décors pour l'Opéra d'État et le théâtre de Piscator à Berlin. Après un séjour à Londres (1935-1937), il s'établit à Chicago, où il fonde le New Bauhaus, qui deviendra en 1939 l'Institute of Design. Moholy-Nagy a consigné l'ensemble de ses réflexions sur les nouveaux moyens d'expression dont il a été l'un des pionniers, de la typographie au film, en passant par la sculpture cinétique et la photographie, dans ses ouvrages publiés par les " Bauhausbücher " : Malerei, Fotografie, Film (Munich, 1925) et Von Material zu Architektur (Munich, 1929), puis aux États-Unis dans deux ouvrages, The New Vision (New York, 1946) et Vision in Motion (Chicago, 1947). Une rétrospective a été consacrée à l'artiste (Marseille, musée Cantini) en 1991. Ses compositions lumineuses de la période 1922-1943 ont fait l'objet d'une exposition (Paris, M. N. A. M. ; Essen, Folkwang Museum) en 1995-1996.

Moilliet (Louis)

Peintre, aquarelliste et peintre verrier suisse (Berne 1880  – Vevey 1962).

Il fut l'élève de Fritz Mackensen à Worpswede, puis celui de Hans Olde à Weimar. En 1904, il s'inscrivit aux cours du comte Léopold de Kalckreuth à l'Académie de Stuttgart. Son amitié avec Klee, qu'il connut au lycée de Berne, dura de 1903 jusqu'à la fin de sa vie et eut une influence sur son développement. Ensemble, ces deux artistes exécutèrent des dessins allégoriques et satiriques, interprétant des figures du Jour de Hodler (musée de Berne). De 1906 à 1907, Moilliet réalise sa première commande en Allemagne en décorant les " Hallen " de Pfullingen sous la direction d'Adolf Hölzel. En 1911-12, il accompagne Klee à Munich et fait la connaissance de Kandinsky et de Marc. L'année suivante, il participe au Salon d'automne à Berlin et peint avec August Macke Berliner Variété (1913, musée de Berne). En 1914, il entreprend avec Klee et Macke le fameux voyage en Tunisie. Le paysage méditerranéen, qu'il a déjà découvert lors d'un premier séjour en 1907-1909, l'impressionne vivement par sa luminosité. L'artiste emploie une gamme de tons plus chauds, et ses tableaux s'articulent en formes vibrantes de lumière et de couleurs contrastées, où s'établissent des rapports harmonieux entre les paysages, les personnages et les surfaces abstraites (Au cirque, 1914-15, Bâle, Kunstmuseum). En 1917, il abandonne la peinture à l'huile pour l'aquarelle, et son style se rapproche de l'Orphisme poétique hérité de Macke et des Delaunay (Hammamet, 1929, aquarelle). De 1915 à la fin de sa vie, son activité artistique est partagée entre des voyages successifs en Méditerranée (Maroc, 1921-1923 : Ville marocaine ; Majorque, 1926 ; Tunis, 1928 ; Espagne, 1930-1935) et des commandes de vitraux pour des églises suisses (Lucerne, Lakaskirche ; Winterthur, Zwinglikirche). Moilliet poursuit à travers la peinture sur verre ses recherches faites à l'aquarelle : la transparence de la matière et la fluidité des couleurs sublimées par la lumière. Il est représenté surtout dans les musées suisses, à Bâle, à Berne, à Winterthur (fondation Oskar Reinhart) et dans des coll. part.