Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Bazille (Frédéric)

Peintre français (Montpellier 1841  – Beaune-la-Rolande, Loiret, 1870).

Issu d'une riche famille de banquiers protestants montpelliérains, Bazille, après le baccalauréat, entreprend des études de médecine. Mais tant ses visites au musée Fabre que la découverte de l'art contemporain chez son voisin Alfred Bruyas, collectionneur, notamment, de Delacroix et de Courbet, déterminent sa vocation avant même sa sortie du lycée. En 1862, il peut enfin se rendre à Paris et, tout en y poursuivant sans conviction ses études de médecine, il découvre le Louvre et s'inscrit à l'Académie Gleyre. Il y fait oublier son côté naturellement aristocratique par sa gentillesse, sa franchise, sa générosité, se lie d'amitié avec Monet, Renoir et Sisley, s'associant à eux pour contester les principes académiques de leur patron et s'enthousiasmer pour Delacroix, Courbet, Manet, Corot, Jongkind et les peintres de Barbizon. Par ses cousins, les Lejosne, qui reçoivent Manet et Fantin-Latour, Bazille fait la connaissance de Cézanne, avec qui il sympathise vite et qui le met en contact avec ses camarades de l'Académie Suisse : Pissarro et Guillaumin. Il se trouve ainsi très rapidement mêlé à ce groupe de jeunes peintres écartés le plus souvent des Salons officiels, ce qui les amènera en 1867 à former le projet d'exposer ensemble, préfigurant ainsi la première manifestation des " impressionnistes " de 1874. Contrairement à ses amis, il voyage peu, et seul Monet peut le convaincre de venir le retrouver à Honfleur ou à Chailly, où il sert de modèle au Déjeuner sur l'herbe et peint lui-même la subtile Ambulance improvisée (1864, Paris, musée d'Orsay), représentant Monet immobilisé par une blessure et où se décèle l'influence de Manet. Plus qu'à la lumière des ciels mouillés d'Île-de-France ou de Normandie, il est sensible au dur éclairage méridional qui tranche les plans et colore les ombres, et dont il a eu la révélation picturale en admirant chez Bruyas l'éclatante transcription qu'en avait donnée Courbet en 1854 dans la Rencontre. Traditionnel dans le fond, mais moderne dans ses aspirations et souvent dans la forme, il va partager son temps entre la préparation de tableaux pour le Salon et Méric, propriété familiale située aux confins de Montpellier, qui va être le cadre de nombreuses toiles, entre autres : la Robe rose (1864, Paris, musée d'Orsay), la Réunion de famille (1867-68, id.), la Vue de village (1868, musée de Montpellier), tableau à propos duquel Berthe Morisot, en le voyant au Salon de 1869, où il avait été accepté, écrivait : " Le grand Bazille [il s'agit de sa taille : il mesurait 1,88 m] a fait une chose que je trouve fort bien [...]. Il y a beaucoup de lumière, de soleil ; il cherche ce que nous avons si souvent cherché : mettre une figure en plein air ; cette fois il me paraît avoir réussi. " Travaillant lentement, Bazille cherchait à " restituer à chaque chose son poids et son volume et ne pas seulement peindre l'apparence des choses ", comme il le disait en 1869.

   Ainsi en est-il dans ses portraits (Alphonse Tissié en uniforme de cuirassier, 1869, musée de Montpellier), ses natures mortes (la Négresse aux pivoines, 1870, id.), ses trois paysages d'Aigues-Mortes (dont l'un se trouve au musée de Montpellier) et dans ses compositions, où l'on reconnaît non seulement les mêmes sujets que chez Cézanne, mais aussi des préoccupations identiques à celles de ce maître, vingt ans plus tard, dans la Tireuse de cartes (1867) ou dans la Scène d'été (1869, Cambridge, Mass., Fogg Art Museum).

   Hésitant encore sur la technique picturale, Bazille passait de Delacroix, qu'il admirait " autant que tout ", à Manet, avec des emprunts aux Hollandais du XVIIe s. et à Corot. Coloriste-né (raffinement d'exécution de la robe de la Vue de village), il montra, dans ses dernières œuvres, un goût de la composition qui faisait pressentir un véritable tempérament classique (Bords du Lez, 1870). Il n'avait que vingt-neuf ans lorsqu'il fut tué à Beaune-la-Rolande en novembre 1870, engagé volontaire, alors que beaucoup de ses camarades avaient fui pour ne pas participer à la guerre. Son œuvre comporte une soixantaine de peintures, dont 10 sont conservées au musée de Montpellier et 5 à Paris (musée d'Orsay). Une exposition a été consacrée à l'artiste (Montpellier) en 1992.

Baziotes (William)

Peintre américain (Pittsburgh, Pennsylvanie, 1912  – New York 1963).

Sa carrière illustre la préoccupation dominante de l'école de New York, qui consiste à intégrer l'aspect pratique, organisateur, des formes du Surréalisme dans la genèse du style. Après avoir travaillé pour une fabrique de vitraux en Pennsylvanie, il connut la vie pénible de New York pendant la crise économique, tout en étudiant à l'Académie nationale de dessin et en participant au Federal Art Project. Au cours de ces années, il fit preuve d'un intérêt constant pour ce que l'on désigne généralement par Surréalisme " biomorphique " et qui trahit, dans le jeu de motifs librement répartis, la nette influence de Miró et de Arp. Au moyen d'une couleur subtile, il atteignit une simplification qui suggère un contenu psychanalytique, évocateur du monde de Jung (Congo, 1954, Los Angeles, L. A. C. M. A.). Il refusa toujours la peinture sensuelle en faveur auprès de ses contemporains et continua à exalter un symbolisme qui mettait en cause la notion de création artistique elle-même. En 1948, il forma avec Motherwell, Hare et Rothko l'école " Subjects of the Artists ". Il est représenté au Metropolitan Museum (le Dragon, 1950), où eut lieu en 1965 une exposition commémorative, au Guggenheim Museum et au M. O. M. A. de New York, où sont conservées ses œuvres principales, ainsi qu'à Detroit (Inst. of Arts) et à Buffalo (Albright-Knox Art Gal.).

Bazzani (Giuseppe)

Peintre italien (Mantoue 1690  – id. 1769).

Nourri des exemples laissés à Mantoue par Giulio Romano, Véronèse, les Bassan, Rubens, Van Dyck et Fetti, Bazzani fut l'élève de Giovanni Canti, mais eut en fait pour véritables maîtres Maffei et Magnasco. Si sa forte personnalité s'affirme déjà dans le Chemin de croix qu'il peignit à l'âge de douze ans pour l'église S. Barnaba de Mantoue, ce n'est qu'à partir de 1737, date du Baptême du Christ de l'église de S. Giovanni del Dosso, qu'il est en pleine possession de sa manière si personnelle. Sa production est essentiellement consacrée aux tableaux religieux et en majeure partie encore conservée dans les églises de la région (S. Maurizio, S. Maria della Carità de Mantoue ; églises de Borgoforte et de Castel Goffredo) ainsi que dans les coll. part. et au Palais ducal de Mantoue. Mais il faut également citer les ensembles décoratifs sur des sujets profanes du palais d'Arco (Histoire d'Alexandre) et du palais Cavriani à Mantoue, et signaler que les musées de Copenhague, de Stockholm, de Dublin, de Springfield, de Washington, de Vienne ainsi que l'Accademia de Venise et le Louvre conservent d'importantes toiles de l'artiste. Allongeant les figures, zébrées par des éclairs de lumière (Baiser de Judas, musée de Springfield, Mass.), Bazzani obtient, sans beaucoup renouveler ses effets, une atmosphère de drame et d'émotion qui apparente ses toiles à celles, plus tragiques, du Vénitien Bencovich. Les gestes des mains, les attitudes des figures, fréquemment placées dans un décor architectural démesuré (Massacre des Innocents, Copenhague, S. M. f. K.), en font l'émule des meilleurs peintres baroques autrichiens.