Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
C

Cozza (Francesco)

Peintre italien (Stilo, Calabre, 1605  – Rome 1682).

Les premiers renseignements sur ce peintre remontent à 1631, alors qu'il se trouve à Rome, dans le cercle de Dominiquin, qu'il suivra quelques années à Naples. Il resta d'ailleurs, pendant toute sa vie, lié au milieu de l'Académie de Bologne (sa Cléopâtre, au musée de Nîmes, est proche de Reni et de Guerchin), mais il y occupa une position solitaire, tendant d'une part à une sorte d'archaïsme poétique (Madonna del Cucito, Molfetta, église S. Bernardino ; Naissance de la Vierge, Rome, Gal. Colonna), d'autre part à un naturalisme analogue à celui des caravagesques (Madonna del Riscatto, 1650, Rome, tableau d'autel dans l'église du Riscatto). Excellent paysagiste, il réalisa des scènes mythologiques représentées en " plein air " qui révèlent une contemplation chaleureuse et un peu mélancolique de la nature (Agar et Ismaël, 1655, Rijksmuseum ; fresques illustrant le Mythe du feu, Valmontone, plafond du palais Pamphili ; Été et hiver, v. 1670, Rome, fresque du palais Altieri).

Crabeth (les)

Famille de peintres verriers néerlandais du XVIe s.

Principalement actifs à Gouda, Adriaen Pietersz († en 1553) , Dirck Pietersz († 1574) et

 
Wouter Pietersz I († av. 1590) , fils de Pieter Dircksz Crabeth, exécutèrent des cartons de vitraux pour l'église Saint-Jean de Gouda. Le plus important d'entre eux fut Woulter Pietersz I, qui, comme Adriaen Pietersz, séjourna en France et en Italie. Cité à Gouda de 1555 à 1557 et de 1561 à 1564, il travailla aussi à Bruxelles et à Anvers entre 1525 et 1540.

 
Son petit-fils Wouter Pietersz II (Gouda v. 1593-id. 1644) fut peintre et, comme tel, l'élève de Cornelis Ketel à Amsterdam et de Bloemaert à Utrecht ; il fit un séjour de treize ans en France et en Italie et rentra à Gouda en 1628. Ses œuvres (l'Incrédulité de saint Thomas, Rijksmuseum ; la Mise au tombeau, Berlin-Dahlem) se caractérisent, au sein du Caravagisme néerlandais, par une certaine recherche de poses mouvementées, parfois même exagérées. Dirck Pietersz s'est probablement formé à Gouda auprès de Jan Swart Van Groningen. Actif entre 1540 et 1574 à Gouda, il donna comme son frère des dessins pour les vitraux d'églises de Gouda, d'Utrecht, de Delft et d'Amsterdam. Les vitraux de Saint-Jean de Gouda sont les plus importants : réalisés vers 1555-1571, ils montrent une nette influence du style de Frans Floris. Dirck Crabeth travailla aussi pour l'atelier de tapisserie de W.A. de Raet à Leyde.

Craesbeeck (Joos Van)

Peintre flamand (Neerlinter, Tirlemont, v.  1605  – Bruxelles entre 1654 et 1662).

D'abord boulanger, il se fixa à Anvers, où il connut Brouwer. Peintre de genre, spécialiste des " gueux " et des " scènes de taverne ", il a traité également des sujets religieux, des portraits ou têtes d'expression et des paysages. En l'absence de tableaux datés, il est difficile d'établir une chronologie dans son œuvre. Jusqu'en 1640, il est influencé par Brouwer, puis ses peintures témoignent d'une facture plus soignée, comme l'attestent les Rhétoriciens (Bruxelles, M. R. B. A.) ou la Réunion de buveurs du musée de Kassel. Des tableaux plus colorés à nombreux personnages forment un groupe à part : l'Estaminet flamand (Vienne, K. M.), le Cabaret flamand (musée d'Anvers).

craie

Calcaire blanc, pulvérulent, qui entre dans la composition des préparations et des enduits à l'eau et à la colle.

   Sous forme de bâton, la craie est un matériau employé dans la technique du dessin. Elle est destinée à tracer des esquisses sur toiles de couleur (noire ou bleue) au Moyen Âge ; ce n'est qu'à partir du XVIe s. et surtout du XVIIe qu'on la rencontre posée en rehauts dans les dessins à la sanguine, à la pierre d'Italie, dans les dessins de Dominiquin, de Rubens, de Vouet, de Le Sueur.

   Les effets picturaux que permet la craie sont particulièrement appréciés dès le début du XVIIIe s. (Jouvenet, Coypel, Lemoyne). Utilisée sur un papier légèrement teinté, avec la pierre noire et la sanguine, elle constitue la technique dite " des trois crayons ", tant appréciée par Watteau et ses suiveurs.

   Goya emploie fréquemment la craie pour noter rapidement les effets lumineux. La craie permet à Prud'hon de modeler avec délicatesse ses dessins d'académie en faisant saillir les volumes, qui se détachent sur le fond sombre du papier.

Cranach (les)

Peintres allemands.

 
Lucas, dit l'Ancien (Kronach, Franconie, 1472  – Weimar 1553) . Le peintre Lucas, ainsi qu'il est mentionné dans les anciens documents, doit son nom à la ville de Franconie dont il est originaire. Ses débuts ne sont pas connus ; les premières œuvres qui nous sont parvenues sont chargées de réminiscences de l'Apocalypse de Dürer (1498) ; elles ont été exécutées à Vienne immédiatement après 1500. On peut dater des environs de 1501 une Crucifixion (Vienne, K. M.) et 2 panneaux d'autel représentant Saint Valentin et la Stigmatisation de saint François (Vienne, Akademie), suivis, en 1502, d'un panneau avec un Saint Jérôme pénitent et de 3 gravures sur bois : 2 Crucifixions et un Saint Étienne, daté. Toutes ces œuvres révèlent une prédilection pour les expressions grimaçantes, les formes osseuses et un goût très vif pour l'élément végétal ; ce penchant se manifeste soit par la prédominance du paysage, soit, comme dans le Saint Étienne, par une bordure composée de deux arbres chargés de dragons et d'anges servant d'encadrement. Le dynamisme de ces compositions est particulièrement frappant dans une gravure sur bois, le Christ au mont des Oliviers, exécutée v. 1503 (unique exemplaire connu au Metropolitan Museum), et dans la Crucifixion de 1503 (Munich, Alte Pin.), où les croix, par leur situation, sont intégrées au paysage beaucoup plus qu'elles ne le seraient dans une ordonnance frontale, procédé qui souligne l'aspect humain et tragique de l'événement aux dépens de sa signification rédemptrice. Les rapports étroits de Cranach avec les humanistes de Vienne sont mis en lumière par le double Portrait de l'humaniste viennois Cuspinian et de sa femme (Winterthur, fondation Oskar Reinhart), exécuté v. 1502-03, ainsi que par le double portrait du recteur de l'université de Vienne Johann Reuss (1503, musée de Nuremberg) et celui de sa femme (musées de Berlin) ; enfin, par une série de dessins représentant les Mois, commande du Dr Fuchswagen exécutée d'après le modèle antique du Filokalus de Vienne (Vienne, B. N.). La représentation de ces modèles dans la nature est bien significative de cette école. Le Repos pendant la fuite en Égypte (v. 1504, musées de Berlin) — vraisemblablement un des derniers tableaux exécutés en Autriche — est célèbre par le charme de son paysage idyllique. Cranach fut appelé en 1504 par Frédéric le Sage à Wittenberg, où il vécut près de cinquante ans comme peintre de la Cour au service des trois Électeurs de Saxe. Il acquit une grande notoriété et fut bourgmestre de la ville en 1537 et 1540, entretint des relations d'amitié avec Luther et Melanchthon, ce qui ne l'empêcha pas cependant d'exécuter des commandes pour le cardinal Albert de Brandebourg, un des grands mécènes de ce temps.

   On constate une évolution en comparant l'œuvre la plus ancienne de l'époque wittenbergeoise, le Retable de sainte Catherine, de 1506 (Dresde, Gg ; les volets du retable, représentant des Saintes, sont à la N. G. de Londres), avec un panneau du même thème découvert récemment (Budapest, coll. part.), qui peut être daté de la fin du séjour en Autriche.

   Les figures plastiques, dynamiques et agressives du panneau de Budapest ont fait place à des personnages circonspects et sans relief ; l'élan qui caractérisait les premières œuvres a disparu. Dans le domaine de la gravure — par exemple dans le Saint Antoine de 1506 —, le style de ses débuts se maintiendra plus longtemps, mais les traits que nous venons de signaler dans le Retable de sainte Catherine de Dresde se préciseront peu à peu. Un voyage dans les Pays-Bas augmentera considérablement son répertoire de motifs, mais aura peu d'influence sur son style. Pendant les années qui suivirent, la manière que Cranach avait trouvée à Wittenberg — et qui, non sans raison, a été considérée comme un appauvrissement de son art — ne changera plus guère. Il oubliera alors complètement la préoccupation dominante de sa jeunesse — l'intégration des figures dans un ensemble —, et ses recherches s'orienteront vers un but entièrement différent. Dans le Retable de la Sainte Parenté de 1511 (Vienne, Akademie), les figures qui se détachent sur un fond sobre d'architecture se présentent isolément. Cette tendance à l'isolement est encore plus nettement soulignée dans un tableau daté de 1526 où Cranach paraphrase la gravure magistrale de Dürer, représentant le Cardinal Albert de Brandebourg en saint Jérôme dans son studio (Sarasota, Ringling Museum). Le rendu de l'atmosphère qui enveloppe toute chose et fait le charme de la gravure de Dürer est totalement éliminé de l'œuvre de Cranach, où chaque figure et chaque objet est nettement délimité. À cela s'ajoute une plus vaste perspective, qui permet d'isoler les figures en les éparpillant. Le paysage même — autrefois espace vital pour la figure humaine — joue maintenant un rôle de décor. Ce trait sera particulièrement sensible dans les tableaux à l'horizon élevé, comme dans la Chasse au cerf de 1529 (Vienne, K. M.).

   Cette tendance à l'isolement est manifeste dans ses nombreuses Vénus et Lucrèce qui se détachent sur un fond sombre et rappellent dans leur présentation les Vénus de Botticelli. C'est surtout sous le règne de l'Électeur de Saxe Jean le Constant (1526-1532) que des figures de femmes nues et des sujets mythologiques (maintenant répartis dans tous les musées du monde) lui furent demandés, alors que sa production antérieure consiste essentiellement en œuvres religieuses — retables (celui de Torgau, un des plus importants, de Francfort, Städel. Inst.) et madones.

   Quant au portrait, il joua dès le début dans la carrière du peintre un rôle prépondérant. C'est à Cranach que revient le mérite de nous avoir transmis non seulement les effigies des Électeurs de Saxe et des membres de leur famille (Londres, N. G. ; Dresde, Gg ; Zurich, Kunsthaus), ainsi que d'autres personnalités princières (suite du musée de Reims), mais encore celle de Martin Luther (musée de Berne), dont il a laissé de nombreux portraits, qu'il divulgua aussi par le moyen de la gravure sur bois et sur cuivre. Les visages aux traits rigoureusement dessinés se détachent de façon décorative sur un fond le plus souvent uniforme et sous un éclairage homogène.

   C'est grâce aussi à ses relations avec Luther qu'il revint à Cranach de traduire en images les sujets les plus importants de la nouvelle doctrine. S'il ne s'agit pas toujours d'œuvres très marquantes, comme pourrait le laisser espérer l'illustration didactique de sujets théologiques, on peut considérer le Péché originel et la Rédemption comme les premières codifications de l'iconographie protestante, dont le rayonnement fut très grand.

   Le catalogue des œuvres de Cranach comprend 400 numéros, ce qui implique l'activité d'un atelier où l'on avait coutume de varier toujours légèrement les figures des répliques demandées par de nombreux clients, si bien que jamais un exemplaire n'était exactement semblable à l'autre. Le changement constaté à partir de 1509 dans la signature de l'artiste (le dragon aux ailes relevées se transforme en dragon aux ailes déployées) a été différemment interprété. L'hypothèse selon laquelle Cranach se serait, à partir de cette date, retiré de son atelier pour en laisser la succession à son fils Lucas le Jeune ne paraît pas justifiée par les œuvres connues, exécutées après 1537. Il n'existe pas de rupture de style entre les tableaux peints avant et après cette date. L'Autoportrait (Offices) réalisé en 1550, c'est-à-dire trois ans avant sa mort, témoigne de la force créatrice intacte de l'artiste.

 
Lucas, dit le Jeune (Wittenberg 1515 – Weimar 1586). Une longue collaboration dans l'atelier de son père effaça si bien la personnalité de cet artiste que la distinction entre les œuvres des deux peintres est difficile à établir.

   Il semble que Cranach le Jeune se soit borné à continuer l'œuvre de son père sans en renouveler le style, qui tend à devenir plus sec et plus mécanique, ni en changer les thèmes.

   On veut reconnaître sa main dans deux œuvres d'atelier : un Portrait d'homme et un Portrait de femme (musées de Berlin), dont la rudesse un peu naïve, teintée de tristesse, ne doit rien à l'élégance maniérée, parfois ironique de Cranach l'Ancien. Le Portrait de Leonhard Badehorn (musées de Berlin) lui est également attribué. C'est toutefois dans ses petites études à l'huile sur papier, faites d'après le modèle et exécutées d'une touche douce et picturale, que l'artiste donne le meilleur de lui-même (Portrait d'Auguste de Saxe, musée de Reims).

 
Hans ( ? – Bologne 1537). Fils, élève et collaborateur de Lucas l'Ancien ; et on distingue mal ses œuvres de celles de son père, qu'il imite. Un tableau représentant Hercule et Omphale (1537, Madrid, fondation Thyssen-Bornemisza), signé des initiales H. C., lui est généralement attribué.