Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
V

Vroubel (Mikhaïl Aleksandrovitch)

Peintre russe (Omsk 1856  – Saint-Pétersbourg 1910).

De mère demi-danoise et de père polonais, Vroubel est instable par hérédité, inquiet par tempérament. Entre 1880 et 1884, il suit les cours de Tsichistiakov à l'Académie des beaux-arts de Saint-Pétersbourg. Sa connaissance de la céramique grecque, de la mosaïque byzantine et de la peinture d'icônes le met à même de restaurer les fresques de Saint-Cyrille à Kiev en 1884-85. Éliminé par le peintre Vasnetsov de l'équipe de travail de la cathédrale Saint-Vladimir, il quitte Kiev et se rend à Moscou. En 1899, grand voyageur, il fait de nombreux séjours en Europe (France, Espagne et surtout Italie : Venise, 1893, Saint-Pétersbourg, Musée russe). Il est très lié avec le groupe de Savva Mamontov, pour qui il travaille à Abramtsevo et chez qui il trouve un apaisement moral. Il exécute alors des fresques dans des églises et des bâtiments publics, des décors de théâtre (pour Hänsel et Gretel de E. Humperdinck, Sadko de Rimski-Korsakov), des illustrations (pour Anna Karenine de Tolstoï, Mozart et Salieri de Pouchkine). Il figure dans les expositions du groupe Mir Iskousstva et de l'Association des artistes de Moscou, puis devient membre de l'Union des artistes russes et de l'Académie des beaux-arts (1905). Son angoisse transforme les thèmes choisis (inspirés des mythologies nordiques : Mikoula et Volga, 1899-1900, Moscou, musée des Arts décoratifs et populaires ; la Princesse-Cygne, 1900, Moscou, gal. Tretiakov) en obsessions, comme en témoignent les nombreuses versions du Démon inspirées par un poème de Lermontov (Tête de démon, 1890-91, Kiev, musée de l'Art russe ; le Démon terrassé, 1902, Moscou, gal. Tretiakov). Sa palette, riche, inspirée des harmonies orientales (la Danse de Tamara, 1890, Moscou, gal. Tretiakov ; Conte oriental, 1886, Kiev, musée de l'Art russe), sa technique, proche de celle des expressionnistes (Pan, 1899, Moscou, gal. Tretiakov ; Lilas, 1900, id.), la division de la toile en éléments qui recréent une forme arbitraire et dramatique le placent en marge de la production picturale russe de la fin du XIXe s. et à l'origine des courants d'avant-garde du début du XXe s. Mais la peinture, limitée en Russie par l'enseignement académique, n'a pas apporté à l'artiste cette sorte de libération qu'y trouvaient ses contemporains occidentaux. Il termine sa vie aveugle et quasi fou. L'œuvre de Vroubel, onirique par excellence, mal connue en Occident, est comparable à celle d'Odilon Redon ou d'Edvard Munch. Ses peintures sont conservées à la gal. Tretiakov de Moscou, au Musée russe de Saint-Pétersbourg et au musée de l'Art russe de Kiev. Vroubel a bénéficié de quelques expositions personnelles comme celles de Moscou (gal. Tretiakov) en 1921, 1956-57 et 1981, de Kiev (musée de l'Art russe) en 1940, 1956, 1976 et 1981. Une nouvelle exposition a été consacrée à l'artiste (Düsseldorf, Kunsthalle) en 1996-97.

Vuez (Arnould de)

Peintre français (Saint-Omer 1644  – Lille 1720).

Élève de frère Luc à Paris, il séjourne ensuite en Italie, d'où une vie mouvementée l'entraîne jusqu'à Constantinople (peut-être dans l'équipe du marquis de Nointel). Il est reçu à l'Académie en 1681 avec l'Allégorie du Mariage du Dauphin (Louvre). En 1694, il s'établit à Lille et commence à " remplir " les monuments publics de la région de vastes toiles, dans lesquelles il combine les leçons de classicisme de Le Brun avec l'influence rubénienne (nombreuses œuvres dans les églises de Cambrai, les églises et le musée de Lille).

Vuibert (Rémy)

Peintre français (Troyes v. 1600  – Moulins 1652).

Si ce n'est l'ensemble de peintures (Scènes de la vie de la Vierge) au plafond du chœur des religieuses dans le couvent de la Visitation de Moulins, peint dans les dernières années de sa vie, aucune œuvre ne peut être attribuée en toute certitude à Vuibert. On sait seulement qu'il fut, à Rome, élève de Vouet et qu'il resta dans cette ville jusque v. 1639. En 1641, Poussin l'appela à son côté, avec Lemaire, pour réaliser la décoration de la Grande Galerie du Louvre, qui venait de lui être confiée. L'œuvre de Vuibert, connue par ses gravures (Guérison du possédé, 1639 ; Présentation au Temple, 1640), semble faire de l'artiste un maître de tendance classique comme pourrait l'attester l'important ensemble de toiles (la Vie de la Vierge) qui lui sont attribuées au couvent de la Visitation de Moulins.

Vuillard (Édouard)

Peintre français (Cuiseaux, Saône-et-Loire, 1868  – La Baule 1940).

Sa vie se déroula calme et paisible, sans scandale, et il vécut avec sa mère jusqu'à la mort de celle-ci en 1928. Au lycée Condorcet, il a pour condisciples et amis Maurice Denis, Lugné-Poe et Kerr Xavier Roussel, qui deviendra son beau-frère. Bon élève, il prépare Saint-Cyr et y renonce pour se consacrer à la peinture, sous l'influence de Roussel. Il fait son apprentissage dans l'atelier Maillart, puis à l'académie Julian (1888), où se forme le groupe des Nabis (M. Denis, Bonnard, Roussel, Sérusier, Ibels), avec lesquels il fréquente le milieu de la Revue blanche, dirigée par les frères Natanson. En 1891, il partage avec Denis et Bonnard l'atelier de Lugné-Poe rue Pigalle. Comme les autres artistes nabis, aucune technique picturale ou dérivée de la peinture ne le laisse indifférent, mais l'une d'entre elles le retient tout particulièrement : la peinture à la colle, qui donne à ses réalisations la matité et la fraîcheur de la fresque. L'évolution du style de Vuillard, essentiellement réaliste, avec une prédilection marquée pour le thème des intérieurs bourgeois, s'est faite en trois étapes.

Période d'apprentissage et de tâtonnements (1888-1890)

Au cours de celle-ci, Vuillard affectionne les petits sujets peints dans des tons et des valeurs rapprochés, avec des dominantes grises. Le Verre d'eau et citron, le Lapin de garenne sont d'humbles natures mortes à la manière de Chardin et de Fantin-Latour, et qui rappellent aussi Corot et certains Hollandais.

Période nabi (1890-1900)

Elle est la plus féconde en innovations dans son œuvre, qui prend un caractère décoratif très marqué. La palette de tons préférés de l'artiste reste pourtant la même malgré l'adoption de la technique de Gauguin (aplats sans nuances, violence des couleurs, cloisonnement par des cernes au pinceau comme pour un vitrail) et l'adhésion aux théories de Maurice Denis. Vuillard interprète les estampes japonaises d'une manière qui rappelle certaines toiles japonisantes de Bonnard ; plus rarement, il synthétise à l'extrême : Au lit (1891, Paris, musée d'Orsay). L'Autoportrait octogonal, le Liseur sont déjà fauves en 1891-92 par leurs couleurs vives, mais resteront sans lendemain dans son œuvre. En 1892, le premier ensemble décoratif nabi est celui que l'artiste exécute pour l'hôtel des Desmarais, cousins des Natanson. Dès 1893, Vuillard exécute des tableaux ayant pour sujet des portraits ou des intérieurs bourgeois peuplés de personnages intégrés aux murs de telle façon qu'ils se confondent presque avec eux et paraissent en sortir : l'Atelier (1893, Northampton, Mass., Smith College Museum of Art), Intérieur (1887, Zurich, Kunsthaus). Après la série des Jardins publics, peints en 1894 pour Alexandre Natanson (Paris, musée d'Orsay ; musée de Houston, Texas ; musée de Cleveland ; Bruxelles, M. R. B. A.), il exécute un autre décor, les Personnages dans des intérieurs (1896, panneaux décoratifs pour le Dr Vaquez, Paris, Petit Palais), et des portraits des Natanson (1897-98).

   On doit aussi à sa collaboration avec des théâtres d'avant-garde (Théâtre-Libre d'Antoine, 1890 ; l'Œuvre de Lugné-Poe, 1893-94 ; théâtre d'Art de Paul Fort, 1891) des évocations du monde du spectacle (l'Acteur Coquelin-Cadet, 1892, plusieurs aquarelles ; Actrice dans sa loge), parfois à l'aquarelle, technique qu'il emploie rarement. Le théâtre lui donne l'occasion d'exécuter ses premières lithographies. Celles-ci attirent l'attention d'Ambroise Vollard. En noir et en couleurs, elles s'apparentent à celles de Bonnard (quelques aspects de la vie de Paris) et de Roussel (l'Album du paysage). L'Album de Vollard constitue la somme des travaux de l'artiste (1899).