Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
F

Filiger (Charles)

Peintre français (Thann 1863  – Plougastel-Daoulas 1928).

Cet artiste doux et mystique, admirateur des primitifs italiens, rejoignit Gauguin au Pouldu en 1890. Ses gouaches naïves et ferventes, qui représentent des landes sinueuses et des figures enluminées, sont exposées aux Indépendants (1889-90), aux Vingt à Bruxelles (1891), au Salon de la Rose-Croix (1892), chez Le Barc de Boutteville (1892-1894) et Durand-Ruel (1899). Ami d'Alfred Jarry, de R. de Gourmont, dont il illustre l'Ymagier (1844), il est soutenu par A. de La Rochefoucauld jusqu'à la mort de celui-ci, en 1900. Vagabond méfiant, il peint alors de curieuses notations chromatiques où des visages expressivement stylisés sont enserrés dans une mosaïque géométrique de couleurs (1903, Orsay) et dans lesquelles André Breton, qui possédait plusieurs de ses œuvres, trouvait un accent précurseur du Surréalisme.

filigrane

Marques, dessins laissés en creux dans le corps du papier, par des lettres, des figures, des emblèmes ou des écussons en fil de métal fixés sur la forme, et que l'on aperçoit par transparence.

   Ces empreintes — placées, suivant les périodes et les contrées, au centre des feuilles ou sur l'une des traces laissées par les tiges de métal des formes à papier (pontuseau) — servent à indiquer soit la provenance du papier (armoiries des villes ou d'État), soit son format (écu, crosse, lion correspondent en Suisse à trois formats différents). Elles peuvent donner des indications également sur la qualité du papier (par exemple, la tour, à Ravensburg, correspond à un beau papier, la tête de bœuf à un papier moyen et le huchet à un papier ordinaire). Au XVIe s., les filigranes furent rendus obligatoires par des ordonnances royales. À partir du XVIIIe s. (édit du 27 janv. 1739), ils désignèrent des papiers de poids et de format déterminés : pot, couronne, raisin, jésus, colombier, petit-aigle, grand-aigle. Les filigranes permettent parfois de dater ou de préciser la provenance d'un dessin.

Filla (Emil)

Peintre tchèque (Chropyně, Moravie, 1882  – Prague  1953).

Il se forma à l'Académie des beaux-arts de Prague, où il se lia à de jeunes peintres avec lesquels il constitua, en 1907, le groupe des Huit. Il voyagea en Allemagne, en France, aux Pays-Bas et en Italie. Comme d'autres artistes de sa génération, il s'intéresse à Munch, à Liebermann, à Cézanne, étudie aussi Daumier et Greco. Ses débuts relèvent du Fauvisme, et les tableaux de la période des Huit témoignent d'une puissante exaltation spirituelle, que souligne le symbolisme de la couleur (le Lecteur de Dostoïevski, 1907, musée de Prague ; l'As de cœur, 1908, id. ; le Bon Samaritain, 1910, id.). Cette expression du drame de la vie intérieure se transforme après 1910 au contact des œuvres de Braque et de Picasso. La découverte du Cubisme devait marquer par la suite une grande partie de l'œuvre de Filla. Doué d'un sens aigu du réel, celui-ci dépassa rapidement le Cubisme expressionniste tchèque, dont il fut un des initiateurs, pour interpréter les objets dans un Cubisme très orthodoxe. Entre 1912 et 1914, il peint des natures mortes aux couleurs sobres et met l'accent sur les qualités matérielles des objets : Nature morte à la carte (1914, musée de Prague). Cette orientation s'affirme pendant la guerre, à Rotterdam, où son sens de la matière picturale fut stimulé par la peinture hollandaise du XVIIe s. De retour à Prague en 1920, il reste fidèle au thème intimiste de la nature morte, où le quotidien est transfiguré, spiritualisé, tandis que sa palette s'avive. Après 1925, l'expression de Filla, jusqu'ici délicate, devient plus robuste, jusqu'à l'agressivité : Nature morte à la tête de sanglier (1927, id.). Au cours des années 30, la composition s'assouplit, espace et formes sont suggérés par des lignes continues : le Peintre (1934, musée de Hradec Králové). À la même époque, et dans le même esprit, Filla exécute de remarquables petits bronzes. Peu avant la Seconde Guerre mondiale, il peint des tableaux expressifs sur les thèmes du combat et de la violence, allégories sur les horreurs pressenties de la guerre (la Mort d'Orphée, 1937, musée de Prague), au cours de laquelle il fut interné à Buchenwald. Après la Libération, il fut nommé professeur à l'École des arts et métiers de Prague. Des œuvres de l'artiste ont été présentées à l'exposition Cubismes tchèques (Paris, C. C. J.) en 1992.

Fillia (Luigi Colombo, dit)

Peintre italien (Revello 1904  – Turin 1936).

Il se forma à Turin, fut en 1932 un des fondateurs du Mouvement futuriste turinois et devint, avec Prampolini et Depero, le principal créateur du second Futurisme. C'est dans ce contexte culturel que se situe son activité de peintre et d'écrivain. Découvert par Marinetti en tant que poète futuriste, il fut aussi l'un des théoriciens du mouvement dans une série d'essais (Il Futurismo, Milan, 1932) et de nombreuses revues dont il fut le fondateur : La Città futurista, La Città nuova (1929), La Nuova Architettura (1931), où les thèses modernistes du Futurisme sont exploitées en faveur de l'architecture rationaliste. Le mythe de la machine est à la base de ses premières œuvres (Plasticità d'ogetti, Turin, G. A. M.) et trouve une traduction personnelle dans la série des Nus mécaniques de 1925-26. Ces mêmes thèmes subissent une extrême simplification formelle dans les œuvres ultérieures de l'artiste, qui s'orienta délibérément vers un langage abstrait, capital dans l'histoire de l'art italien (Paesaggio, 1932 ; Più pesante del aria, 1933).

   Les rapports de Fillia avec l'avant-garde européenne furent particulièrement étroits à partir de 1927, lorsqu'il se lia au groupe Cercle et carré parisien : c'est dans ces mêmes années que sa peinture se rapproche beaucoup de celle de Prampolini, surtout dans les œuvres exécutées entre 1929 et 1935 (l'Homme et la femme, 1929-1930, musée de Grenoble). À partir de 1932, Fillia commença une série de peintures monumentales et de décorations murales (fresque de la mairie de La Spezia, 1933). En 1931, l'artiste figura parmi les signataires du Manifeste de l'art sacré. Dans ces dernières œuvres apparaissent nettement les motifs spiritualistes qui caractérisent la production ultime du Futurisme et qui furent érigés en théorie dans l'" Aeropittura ".