Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Zucchi (Jacopo)

Peintre italien (Florence v. 1542  –Rome 1596).

Élève de Vasari puis de Stradanus, il travaille au Palazzo Vecchio à Florence au Quartier de Léon X (1557– 62), aux décors d'apparat pour les funérailles de Michel-Ange (1564) et les noces de François Ier de Médicis (1565) ainsi qu'au décor de l'un des panneaux du cabinet de François Ier représentant la Mine d'or (1570). Zucchi est à Rome avec Vasari pour décorer la chapelle de la Torre Pia au Vatican et entre en 1572 au service de Ferdinand de Médicis pour lequel il décore le Palazzo Firenze et peint la Pêche au corail (Rome, Gal. Borghèse). Toujours à Rome, il travaille à la décoration à fresque de l'église S. Spirito in Sassia (1582– 88), à celle du Palazzo Rucellai-Ruspoli (1585– 86), à des grotesques à la villa Médicis. L'Amour et Psyché (1589, Rome, Gal. Borghèse) est une de ses dernières œuvres. Zucchi affirme dans toutes ses œuvres un maniérisme recherché d'inspiration nordique (les Trois Âges du monde, Offices), ainsi qu'une précision descriptive et des effets de lumière.

Zuloaga y Zabaleta (Ignacio)

Peintre espagnol (Eibar 1870  – Madrid 1945).

Né au cœur du Pays basque dans une ville célèbre par son artisanat de damasquineurs, il appartient à une lignée d'armuriers et d'orfèvres qu'on suit depuis le XVIIIes. Le jeune Ignacio fit un séjour à Madrid, qui le familiarisa avec Ribera et Velázquez et lui fit découvrir Greco, puis un séjour à Rome, où il travailla dans l'atelier du sculpteur Folgueras, qui fut décevant.

   C'est Paris, où il arrive en 1890, qui devient son lieu d'élection pour un quart de siècle ; en dépit de fréquents voyages, Montmartre demeurera jusqu'à la Première Guerre mondiale le port d'attache de Zuloaga. Adopté d'emblée par la " bande catalane " (Rusiñol, Casas, Utrillo), celui-ci expose dès 1891 chez Le Barc de Boutteville et devient bientôt l'un des fidèles de la Société nationale des beaux-arts. Parmi ses nombreux amis peintres se détachent Degas, Gauguin, Émile Bernard, Charles Cottet (qu'il conduira par la suite en Castille), Maxime Dethomas (dont il épousera la sœur en 1899). Plus tard viendront les écrivains comme Barrès (à qui il révélera Greco et dont il fera en 1913 un portrait célèbre devant le paysage de Tolède) ou Rilke.

   Le tempérament de l'artiste, qui remonte consciemment à la tradition du Siècle d'or, qui s'attache à construire et simplifier les formes, parfois brutalement, l'associe à la réaction anti-impressionniste de 1890.

   Zuloaga s'affirme comme le peintre d'une Espagne folklorique mais nullement fade et d'un expressionnisme parfois grinçant. Une " Espagne blanche ", celle de Séville, où tiennent le premier plan danseuses, gitanes et toreros, lui valut en 1895 ses premiers succès de public. Elle est remplacée bientôt par cette " Espagne noire ", Vieille-Castille immuable qui fut révélée au peintre en 1898 par l'installation de son oncle Daniel à Ségovie : laboureurs, muletiers, vieilles femmes enveloppées de noir, nains et goitreux devant des châteaux forts et des villes perchées — Ségovie, Turegano, Sepulveda —, sous des ciels d'orage à la Greco. Cette image figée et durcie, presque tragique, d'une Castille " essentielle " est celle-là même que fixera le " génération de 1898 ", dont les maîtres, Unamuno, Azorin, Baroja, seront amis et modèles du peintre ; elle décide de sa renommée en Espagne et de son succès mondial. Des expositions à Düsseldorf (1904) et à New York (1909) lui valent une pluie de commandes. C'est alors le portrait d'apparat — aristocrates, financiers, écrivains, actrices et mondaines — qui passe au premier rang de sa production et lui assure une fortune considérable. La Première Guerre mondiale ramène Zuloaga en Espagne. L'artiste vivra désormais au bord de la mer Cantabrique, à Zumaya. Il transporta dans la villa-musée qu'il avait fait construire ses collections parisiennes, dont le joyau était l'une des dernières œuvres de Greco, l'Ouverture du septième sceau, achetée par le Metropolitan Museum aux héritiers du peintre. Le côté " peintre mondain " de Zuloaga, la virtuosité conventionnelle et creuse, dont la Comtesse de Noailles (musée de Bilbao) et la Duchesse d'Albe (Madrid, musée de la Casa de Alba) sont des exemples trop connus, résistent mal à l'épreuve du temps. Mais d'autres portraits de parents ou de familiers (les Jeunes Toreros à Turegano du musée de Saint-Sébastien, Gregorio et Botero du musée Pouchkine de Moscou, les Sorcières de San Millán du musée de Buenos Aires), et d'autres secteurs moins connus réservent d'heureuses surprises, comme ses paysages. Paysage de Alhama et Paysage basque (M.E.A.C. de Madrid). Une rétrospective itinérante a été consacrée à l'artiste (Bilbao, Paris [1991], Dallas, New York et Madrid).

Zurbarán (Francisco de)

Peintre espagnol (Fuente de Cantos, prov. de Badajoz, 1598  – Madrid 1664).

Fils d'un Basque, commerçant établi et marié en Estrémadure, Zurbarán part en 1613 pour Séville. Il entre comme apprenti chez Pedro Díaz de Villanueva, dont nous ne connaissons aucune œuvre. Pendant ces 3 années, il a dû connaître les peintres les plus éminents de Séville, J. de Roelas, F. Herrera le Vieux et surtout A. Cano et D. Velázquez, alors jeunes apprentis dans l'atelier de F. Pacheco. Il s'installe en 1617 à Llerena, ville de l'Estrémadure du Sud, où il se marie et réside plus de dix ans, travaillant pour divers couvents d'Estrémadure et de Séville. Sa première œuvre datée qui nous soit parvenue (le Christ en croix, 1627, Chicago Art Institute) d'un réalisme saisissant, révèle un artiste parfaitement au courant des conceptions esthétiques du Caravage par le réalisme de la figure transcendée par le faisceau d'une lumière surnaturelle. Ce tableau peint pour le couvent dominicain de S. Pablo remporta un grand succès et lui attira de nombreuses commandes. Outre les scènes de la vie de saint Dominique (2 à la Magdalena de Séville) et les figures en pied des Pères de l'Église (Saint Ambroise, Saint Grégoire et Saint Jérôme, musée de Séville), Zurbarán s'engage à peindre, en 1628, une série de tableaux pour le couvent de la Merci de Séville. Dans le petit cloître, le cycle de la vie de saint Pierre Nolasque (Prado ; The Cincinnati Art Museum ; Mexico, Museo Franz Meyer ; coll. duc de Westminster) s'inspire de gravures d'après J. Martinez ; le Saint Sérapion (1618, Hartford, Wadswoth Atheneum), destiné à la salle " de Profundis ", par l'intensité de la composition et la qualité superbe de l'ample habit blanc, compte parmi ses chefs-d'œuvre. De 1629 date la série des tableaux pour le collège franciscain de S. Buenaventura, commencée par Herrera le Vieux (Gg de Dresde, musée de Berlin — détruit en 1945 — et Louvre). Ce sont peut-être les tableaux les plus solidement construits de toute son œuvre et ceux où l'ardeur spirituelle se fait sentir avec le plus d'intensité. En cette féconde année 1629, la municipalité de Séville invite Zurbarán à fixer sa résidence dans la cité : l'artiste accepte et s'installe à Séville avec sa deuxième femme, Beatriz de Morales, et ses enfants. Ses admirateurs le protégeront contre les tracasseries des peintres locaux jaloux de son succès et lui commanderont une Immaculée pour l'hôtel de ville.

   La décennie qui commence en 1630 est la plus féconde et la plus heureuse de toute sa carrière. Le grand tableau dominicain du Triomphe de saint Thomas d'Aquin (1631, musée de Séville) est, malgré sa disposition archaïque, encore maniériste, en deux zones superposées, une œuvre maîtresse, exceptionnelle par la vigueur réaliste, la richesse de la matière et de la couleur, l'intensité d'expression des visages.

   En 1634, Zurbarán est appelé à Madrid, sans doute sur la recommandation de Velázquez (qu'il a connu jadis à Séville). Pour le nouveau Palais royal du Retiro, il peint une série mythologique (Travaux d'Hercule, Prado) et des tableaux de batailles (Défense de Cadix, id.). En 1637, il commence le cycle de la chartreuse de Jerez, auj. dispersé entre le Metropolitan Museum et les musées de Cadix, de Grenoble et de Poznań, et qui compte également parmi ses œuvres majeures. Les 4 grands tableaux du retable (Annonciation, Adoration des bergers, Épiphanie, Circoncision, au musée de Grenoble) ont une solennité toute liturgique par le hiératisme des figures se détachant sur des fonds d'architecture et par le chromatisme éclatant des costumes. Cette gravité se prolongeait par la série des petites figures de chartreux qui formaient une procession le long du couloir menant à la chapelle du Saint-Sacrement (" Sagrario "). L'intensité passionnée de l'univers mystique s'extériorise ici avec une force extraordinaire : Saint Anthelme, le Bienheureux Houghton ou le Cardinal Albergati (musée de Cadix) détachent d'une masse d'ombre dense, puissamment ténébriste, des visages illuminés et des habits d'une blancheur éclatante.

   À la même époque, à partir de 1638, Zurbarán décore la nouvelle sacristie du monastère de Guadalupe (Cáceres), sanctuaire fameux où règne l'ordre hiéronymite. Ce cycle, le seul resté en place, ne sera pas achevé av. 1645. Dans les grands tableaux consacrés à la vie de saint Jérôme, le ténébrisme s'accuse avec une grande énergie, évoquant Ribera, que Zurbarán a pu étudier à Madrid en 1634 (Tentations de saint Jérôme). Dans les tableaux consacrés aux principales figures de l'ordre hiéronymite, on voit alterner les contrastes lumineux violents (Tentation de Fray Diego de Orgaz, Vision de Fray Pedro de Salamanca) et la sérénité grave des scènes de vie conventuelle, pleines d'intensité méditative et de concentration mystique : Apparition du Christ à Fray Andrés Salmerón, Fray Gonzalo P. de Illescas écrivant. C'est probablement à cette époque qu'il faut situer l'exécution des 3 tableaux (dont la date fait l'objet de nombreuses discussions) qui proviennent de la sacristie de la Charteuse de Triana ; l'Entrevue de saint Bruno avec le pape, la Vierge de Miséricorde et Saint Hugues au réfectoire des Chartreux (musée de Séville). La clarté de la mise en pages, la répartition équilibrée de la lumière, sans effets de clair obscur, enfin la touche légère militent en faveur d'une exécution tardive (v. 1650).

   La vogue de Murillo commence à Séville, et il semble que Zurbarán, voyant diminuer sa clientèle ordinaire, inaugure (ou développe) une exportation de peintures vers l'Amérique, avec la participation d'un atelier de qualité très inégale. De nombreuses allusions documentaires révèlent l'importance des cycles (Apôtres, Saints fondateurs d'ordres, Saintes, Vierges, Empereurs romains) envoyées en Amérique. Quelques-uns ont été localisés (Apôtres à S. Domingo de Guatemala, à S. Francisco de Lima ; Saints fondateurs au couvent de la Buena Muerte de Lima) et montrent toujours de grandes inégalités.

   En 1643, Zurbarán peint un retable pour la ville de Zafra, en Estrémadure, œuvre excellente, de tonalités éclaircies et d'un dessin déjà " baroque " par l'arabesque onduleuse. De sa dernière époque, on ne conserve que des œuvres isolées mais datées, qui permettent de suivre son évolution et de situer les nombreux tableaux dépourvus de documents et de dates. En 1658, Zurbarán se rend à Madrid, où il témoigne en faveur de Velázquez lors de l'enquête qui précède la concession au peintre de Philippe IV de l'habit de Saint-Jacques. C'est le prélude d'une installation définitive. Zurbarán, marié une troisième fois, avec des enfants en bas âge, compte sans doute sur l'appui de Velázquez pour trouver des commandes à la Cour. Sa production sera désormais de tableaux d'autel ou d'oratoire, souvent de petit format, avec un traitement plus lyrique de la lumière et un modelé plus doux, (Christ après la flagellation, 1661, église de Jadraque ; Vierge avec l'Enfant Jésus et saint Jean-Baptiste, 1662, musée de Bilbao ; Immaculée Conception, 1661, église de Langon, près de Bordeaux, et musée de Budapest).

   Zurbarán est un artiste fondamental dans la peinture espagnole et celui qui peut-être incarne le mieux certains traits caractéristiques du Siècle d'or : un réalisme rustique, plein de simplicité humaine, une connaissance profonde de la spiritualité monastique dans ses aspects les plus nobles, une grande rigueur dans la conception et une grande tendresse pour les menus détails, pour l'humble visage de la réalité quotidienne, qui laissent deviner une âme de " primitif ". On doit signaler aussi, dès sa jeunesse, son goût pour les formes amples et pour la plénitude des volumes. Il en est de même pour le traitement des étoffes dans les figures processionnelles de saintes (Sainte Élisabeth de Portugal, Prado ; Sainte Marguerite, Londres, N. G.). Son amour des choses se manifeste dans les détails de ses grands tableaux, où toujours apparaît quelque morceau de nature morte — livre, fleur ou pichet —, et plus encore dans certains tableaux d'" intimités chrétiennes " (Vierge enfant en extase, Jerez, collégiale ; l'Enfant Jésus se blessant avec la couronne d'épines, musée de Cleveland) ainsi que dans quelques " bodegones " — citrons, oranges et tasse —, qui comptent parmi les chefs-d'œuvre du genre (Poteries et tasses, 1633, Pasadena, Norton Simon Foundation ; Prado). Son art de capter l'individuel fait aussi de lui un excellent portraitiste (série de Docteurs de la Merci, Madrid, Acad. S. Fernando, Docteur de Salamanque, Boston, Gardner Museum, D. Alonso Verdugo de Albornoz, musées de Berlin). Zurbarán est maladroit à composer les scènes et doit souvent recourir à des estampes flamandes ; mais sa sévérité, sa paix silencieuse, ses grands dons de coloriste et la merveilleuse humilité de son naturalisme le classent parmi les maîtres du XVIIe s. qui touchent le plus la sensibilité moderne.

   Après l'exposition de 1964-1965 à Madrid (Buen Retiro), une très importante rétrospective a été consacrée à Zurbáran en 1987 (New York, Metr. Museum of Art) en 1988 (Paris, Grand Palais et Madrid, Prado).

 
Son fils Juán (Llerena 1620 – Séville 1649) fut son disciple. La personnalité de Juán commence à se dessiner grâce à trois Natures mortes signées et datées : l'Assiette de raisins, 1639, le Service de chocolat, 1640 (musée de Kiev) Panier de fruits et cardon, 1643 (musée de Mäntä, Finlande). Par affinité stylistique avec cette dernière œuvre lui a été attribuée la Nature morte au panier de pommes (Barcelone, M. A. C.). On sait que l'artiste réalisa des œuvres de caractère religieux, mais dont aucune n'a été conservée. Le style de Juán est très proche de celui de son père, avec lequel il collabora sans doute très largement. Le peintre mourut victime de la grande peste de 1649, qui dévasta Séville.