Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
A

Aldegrever (Heinrich)

Peintre, graveur et orfèvre allemand (Paderborn ? 1502  – Soest v. 1558).

Sans doute fils de Hermann Trippenmecker, dit Aldegrever, il adopta ce deuxième nom à partir de 1527, signant ses œuvres d'un monogramme AG assez voisin de celui de Dürer. Les renseignements sur sa formation ne permettent pas, cependant, de confirmer des relations avec ce maître ni même de corroborer un éventuel voyage à Nuremberg, où, selon Van Mander, Aldegrever aurait travaillé au maître-autel d'une église. Essentiellement actif à Soest, où il dut s'établir v. 1525, il peignit à ses débuts un Retable de la Vierge (1526-27) pour la Wiesenkirche, quelques portraits (Comte Philippe III de Waldeck, v. 1537, Arolsen, coll. du prince de Waldeck et Pyrmont) et des compositions bibliques (Loth et ses filles, 1555, musée de Budapest) où l'on décèle parfois l'influence d'artistes flamands comme Gossaert ou Van Orley et aussi celle de Dürer. Il se consacra par la suite presque entièrement à la gravure à l'eau-forte et au burin, domaine dans lequel il acquit rapidement une célébrité. S'élevant environ à 300 pièces, son œuvre gravé, d'une exécution nette et précise, au trait souple et aisé, révèle un tempérament inventif qui s'exprime avec autant de bonheur dans les sujets religieux (Histoire de Joseph, 1528-1532 ; Adam et Ève, v. 1530 ; Histoire de Loth, 1555), allégoriques et mythologiques (Travaux d'Hercule, 1550 ; Tarquin et Lucrèce, 1553) que dans les portraits (Melanchthon, 1530 ; Albert Van der Helle, 1538 ; Autoportrait). C'est dans les gravures d'ornements, toutefois, que son sens de la composition apparaît avec le plus d'élégance. Conçues à partir de 1535, ces riches décorations, pour des poignards, des boucles ou des ceinturons, ont contribué à faire d'Aldegrever l'un des plus importants ornemanistes allemands du XVIe s. qui, avec P. Flötner, V. Solis ou W. Jamnitzer, favorisa la diffusion de nouveaux motifs décoratifs.

Alechinsky (Pierre)

Peintre belge (Bruxelles 1927).

Il entre en 1944 à l'École des arts décoratifs de Bruxelles, figure en 1945 dans les rangs de la Jeune Peinture belge et expose des peintures sur papier à la gal. Lou Cosyn. Il fait l'année suivante un premier séjour à Paris, où il s'installera en 1951, et grave les 9 eaux-fortes des Métiers. En 1949, il est le plus jeune membre de Cobra, groupe d'artistes septentrionaux désigné par les premières lettres de Copenhague, de Bruxelles et d'Amsterdam, et actif de 1948 à 1951. Il perfectionne son métier de graveur et travaille avec Hayter à l'Atelier 17 en 1952 ; la même année, il est en relations épistolaires avec des artistes japonais de Kyōto et, en 1955, il réalise au Japon un film, Calligraphie japonaise. De 1951 à 1954 env., sa peinture relève d'une abstraction libre, de grands signes couvrant toute la surface de la toile. Il adopte ensuite une figuration allusive, en quelque sorte avortée, où ses qualités de dessinateur et de coloriste sont également exploitées (Paroles infantiles, 1961, Oslo, Sonja Henie-Niels Onstad Foundations). La mobilité d'écriture des dessins à l'encre d'Alechinsky (le Tout-Venant, 1966) — dans lesquels le trait, constamment rompu et repris, décrit entrelacs et arabesques — témoigne d'une affinité avec l'art extrême-oriental, dont il observe la méthode de travail, debout, le support posé horizontalement à terre. En 1965, il fait un séjour aux États-Unis et commence à pratiquer la peinture acrylique sur papier auprès de Walasse Ting ; il inaugure aussi un nouveau procédé de composition, le thème du tableau entouré de " remarques marginales ", suite de petits motifs en noir ou en couleurs analogue à une bande dessinée. L'acrylique permet des effets de taches colorées et fluides rappelant celles des encres lithographiques, qu'il exploite avec une égale virtuosité à des fins décoratives et expressives (Vulcanologie, suite de lithos, 1970 ; Micky, encre, 1972). Si l'irréalisme poétique de l'artiste est proche parfois de celui de Jorn et de Pedersen, membres danois de Cobra, l'humour primesautier, sarcastique ou agressif distingue les compositions d'Alechinsky, dans lesquelles des formes à l'état naissant, encore mal différenciées, mènent une vie sauvage et exubérante (Melmoth, 1970 ; Enfenestré, 1989). Il présente en 1984 à la galerie Maeght une série d'Encres à bordures, tableaux de très grand format constitués d'un espace rectangulaire central traité en noir et blanc largement entouré de marges peintes en couleurs. Au même endroit, en 1986, il montre des peintures où le motif circulaire domine (estampages de plaques du service des eaux de diverses villes du monde et cercles chromatiques d'inspiration extrême-orientale). Illustrateur de poètes (J. Mansour, L. Scutenaire, M. Butor, A. Chavée), il a réalisé avec C. Dotremont des logogrammes-dessins (1972) et avec Appel des Encres à deux pinceaux (1976). Ses peintures à " remarques marginales " ont fait l'objet d'une grande exposition au Guggenheim Museum, New York, en 1987. Il est représenté dans de nombreux musées : Amsterdam (Stedelijk Museum), Berlin (N. G.), Bruxelles (M. R. B. A.), Cologne (W. R. M.), New York (M. O. M. A., Guggenheim Museum), Paris (M. N. A. M.), Rome (G. A. M.), Venise (fondation Peggy Guggenheim). Alechinsky est aussi l'auteur du décor d'un salon du ministère de la Culture, et de celui du ministère de l'Éducation nationale, à Paris. Il a aussi pratiqué la gravure. Ses dessins et aquarelles (1960-1995) ont été présentés (Paris, gal. Lelong) en 1995.

Alenza y Nieto (Leonardo)

Peintre espagnol (Madrid 1807  – id. 1845).

Il suivit à l'Académie des beaux-arts de Madrid les cours du peintre néo-classique Madrazo et, pendant toute sa courte vie, maladive, obscure et laborieuse, s'intéressa à la vie de cette institution, y présentant plusieurs toiles à sujet historique dont David et Goliath (Madrid, Acad. S. Fernando) pour sa réception comme académicien de mérite (1842). Son talent spécifique est pourtant la représentation de la vie du peuple madrilène, des portraits (Concierge de l'Académie, Madrid, Acad. S. Fernando) et des petites scènes de types populaires, traitées avec beaucoup de finesse (El gallego de los curritos, Madrid, Casón). Dessinateur fécond, il cultive ce genre (nombreux dessins à la B.N. de Madrid) et collabore aux Seminario Pintóresco et Escenas Matritenses de l'écrivain Mesonero Romanos, après 1836. Son chef-d'œuvre dans ce domaine est l'étude pour l'enseigne du Café de Levante (Madrid, Musée municipal), disparue en 1857. L'influence de Goya est sensible dans la reprise de certains thèmes, majas, sabbats, et dans certains recours techniques, sensibles dans les deux Satires du suicide romantique (Madrid, Museo Romántico) à l'humour féroce.