Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
C

Carlevarijs (Luca)
ou Luca Carlevaris

Peintre italien (Udine 1663  – Venise 1730).

Il est considéré comme l'initiateur à Venise du " Vedutisme ", qu'illustreront Canaletto et Guardi. Après un séjour à Rome, en 1703, il publie les 104 eaux-fortes montrant Le Fabriche e vedute di Venezia, où il donne naissance à un " vedutisme " conçu rigoureusement en perspective. Si ses Vues exactes — dont le sujet est Venise avec ses monuments caractéristiques, rendus grâce à une large perspective et à un chromatisme toujours plus clair et lumineux — sont typiques, non moins indicatifs d'un certain goût anecdotique sont ses autres tableaux, de caractère narratif (Entrée de l'ambassadeur comte de Colloredo au palais des Doges, 1726, Dresde, Gg) et qui montrent une grande vivacité dans le jeu pittoresque des silhouettes posées en taches.

Carlone (les)
ou les Carloni

Famille de peintres italiens, d'origine lombarde.

Le plus célèbre fut Giovanni Battista di Taddeo (Gênes 1592  – Turin 1677). Bien que formé à Rome et ayant passé la dernière partie de sa carrière à Turin, à la cour de Savoie, il est le plus grand décorateur baroque des églises de Gênes dans la première moitié du XVIIe s. par son talent plein de fougue et même d'exubérance (Gesu ; chapelle du Palais ducal, 1655 : voûte de l'église S. Siro, exécutée de 1657 à 1670, esquisses au palais Spinola). Il collabora avec son frère Giovanni (Gênes 1590 – Milan 1630) , dit il Genovese, pour les fresques de l'église de la S. Annunziata, et termina celles de S. Antonio de Milan, laissées inachevées à la mort de Giovanni. Giovanni Battista eut un fils peintre, Giovanni Andrea (Gênes 1639 – id. 1697) , qui fut son élève. Après un séjour à Rome auprès de Carlo Maratta, il revint à Gênes, où il exécuta de nombreuses fresques dans la tradition de Pierre de Cortone (S. Annunziata).

Carlone (Carlo Innocenzo)
ou Carlo Innocenzo Carloni

Peintre italien (Scaria, Val d'Intelvi, près de Côme, 1686  – id. 1775).

Issu de la branche des Carloni de Scaria, architectes et stucateurs travaillant depuis des générations dans les pays germaniques, il se forma à Venise auprès de son concitoyen Giulio Quaglio, s'initia à ses côtés, sur le chantier de Ljubljana (1703-1706, cathédrale), à la décoration illusionniste dans la lignée d'A. Pozzo, puis il se rendit à Rome, auprès de Trevisani (1706-1710). Longtemps classé dans l'école de Tiepolo, il se rattache davantage au courant décoratif romain, évoluant du Baroque au Rococo par un allègement des compositions et une grande dextérité dans l'alliance du stuc et de la fresque. Attiré par l'existence de chantiers d'une ampleur inconnues en Italie, répondant à l'appel de princes désireux d'affirmer leur autorité par leur magnificence, il passa les meilleures années de sa carrière en Autriche (de 1710 à 1725), en Allemagne (de 1727 à 1737), mais retourna finalement en Lombardie (de 1737 à 1775) en raison de la naissance d'un école picturale germanique et d'un changement de goût dans la seconde moitié du siècle.

   Célèbre à Vienne par sa décoration du Belvédère (Belvédère inférieur, 1716 ; Belvédère supérieur, 1721-1723) et du palais Daun (1715-16), il s'affirme comme le peintre préféré de la monarchie, maître en allégories apologétiques, appelé successivement à travailler à Linz (Landhauss, 1717), à Paura près de Lambeach (chapelle de la Trinité, 1721), à Ludwigsburg dans le Wurtemberg (chapelle, 1720), à Breslavia (cathédrale, 1721), puis en une seconde période à Gross-Siegharts près de Vienne (cathédrale, 1727), à Schlosshof (Marchfeld) et au palais Gallas à Prague (1727-1729), travail avec lequel s'achève l'activité de Carloni au service de la monarchie autrichienne. Il se mit alors au service des princes de l'Allemagne du Sud, à Ludwisburg (1733, fresques du plafond de la galerie des Ancêtres), à Ansbach et à Stuttgart.

   Excepté la décoration du château d'Augustusburg à Brühl (1750-1752), il ne travailla plus, à partir de 1737, qu'en Italie à Scaria, sa ville natale (église S. Maria), à Lodi (Extase de saint Philippe, v. 1750-1752, S. Filippo), mais surtout dans la région de Brescia (villa Lecchi à Montirone, 1745-46 ; villa Moroni de Stezzano ; villa " Il Gromo " à Mapello ; palais Gaifani et S. Maria degli Angeli à Brescia ; églises nouvellement construites d'Orzivecchi et de Castrezzato) et enfin au dôme d'Asti (1773). C'est durant cette dernière période qu'il se rapproche le plus de la peinture vénitienne, surtout de celle de Pittoni, à qui il emprunte la composition de ses " pale ". Vite oublié en Allemagne comme en Italie, il ne laissa que quelques disciples à Brescia (Scalvini, Savanni, Cattaneo) et en Allemagne du Sud (Troger). Avec lui s'éteint l'âge d'or des artistes de la Val d'Intelvi.

Carlos (Frei)

Peintre portugais d'origine flamande (actif de 1517 à 1540).

Frei Carlos, dit O Flamengo (le Flamand), travailla jusqu'en 1540 au monastère hiéronymite d'Espinheiro, près d'Évora, où il avait fait profession en 1517. On ignore les étapes de sa formation, mais son œuvre est liée au milieu artistique d'Évora, largement ouvert aux influences septentrionales. D'anciens documents attestent qu'il reçut du roi Manuel la commande du retable principal et des autels collatéraux de la chapelle Notre-Dame d'Espinheiro, d'où proviennent, sans qu'on puisse en préciser la disposition initiale, la plupart des peintures qui lui sont attribuées (Lisbonne, M. A. A.) ; parmi celles-ci, deux sont datées : l'Annonciation en 1523 et l'Apparition du Christ à la Vierge en 1529. Il travailla également pour d'autres monastères de son ordre (Belem, S. Marinha da Costa). Autour de son œuvre capitale, on a groupé, grâce à des parentés de style, quelques panneaux contestés, compositions calmes et équilibrées, qui ont en commun précision, clarté limpide, suavité et intériorité mystique des personnages. Frei Carlos semble s'être inspiré de la technique flamande à la manière de Memling et de Gérard David : le Bon Pasteur, le Christ bénissant, au revers de la Vierge avec le Christ enfant et deux anges (Lisbonne, M. A. A.). La découverte du Triptyque Vilhena, d'un dessin plus animé (le Calvaire, Saint Jean-Baptiste et Saint Jérôme, 1520, Lisbonne, coll. part.), confirme les attributions qu'on lui avait faites de la Résurrection, de l'Assomption, de l'Ascension (Lisbonne, M. A. A.) et de la Nativité (musée d'Évora), exécutées peut-être antérieurement à 1529. Étrangère à l'influence des écoles italiennes, l'œuvre de Frei Carlos représente au Portugal les traditions de la peinture flamande du XVe s. On a rattaché à ce cycle quelques tableaux groupés autour du Maître de Lourinhà (Saint Jean l'Évangéliste, couvent de la Miséricorde de Lourinhà).