Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
L

Lagrenée (les)

Famille de peintres français.

Louis Jean François, dit l'Aîné (Paris 1725 - id. 1805), élève de Carle Van Loo, obtint en 1749 le prix de Rome. Il passa quatre années en Italie (Autoportrait, 1754, Helsinki, Ateneum) et, dès son retour, fut reçu à l'Académie grâce à son Enlèvement de Déjanire (1755, Louvre), qui remporta un franc succès. En 1760, il fut invité par l'impératrice Élisabeth à Saint-Pétersbourg, où il devint directeur de l'Académie des beaux-arts, mais il revint à Paris dès 1762. Il fut appelé à diriger l'Académie de France à Rome de 1781 à 1785. Les événements politiques de la France révolutionnaire ne troublèrent en rien sa carrière, et Lagrenée devait être encore nommé en 1804 conservateur des Musées.

   Artiste appliqué et consciencieux, il a beaucoup produit et laissé un livre de raison : scènes antiques ou mythologiques (la Lacédémonienne, 1770, Stourhead, National Trust ; Télémaque et Ternosiris, id. ; Mort de la femme de Darius, 1785, Louvre ; la Tête de Pompée présentée à César, 1777, musée de Varsovie ; Mercure et Bacchus, musée d'Angers ; les Deux Veuves d'un officier indien, 1783, musée de Dijon ; Cérès ou l'Agriculture, Petit Versailles, Trianon), tableaux religieux (Saint Germain l'Auxerrois donnant une médaille à sainte Geneviève, 1771, Paris, Saint-Thomas-d'Aquin ; Saint Ambroise, 1764, Paris, Sainte-Marguerite) ou scènes historiques (allégorie à la Mort du Dauphin, 1765, Fontainebleau). Sa couleur est claire et agréable, et sa composition habile mais sans rigueur. Plus traditionaliste que novateur, Lagrenée est l'excellent représentant d'un genre, la peinture mythologique aimable, qui assura à la France un grand rayonnement dans l'Europe de la seconde moitié du XVIIIe s. Ses petits tableaux, précieux et raffinés, comptent parmi les expressions les plus réussies du premier Néo-classicisme (Pygmalion, 1781, Detroit, Institute of Arts).

   Son frère et élève, Jean-Jacques, dit Lagrenée le Jeune (Paris 1739 - id. 1821) , l'accompagna en Russie en 1760 après avoir obtenu la même année le second prix de Rome. Il séjourna en Italie de 1763 à 1769 et fut, l'année de son retour, agréé à l'Académie, où il est reçu en 1775. Son morceau de réception, l'Hiver, orne encore aujourd'hui le plafond de la galerie d'Apollon du Louvre, où l'Académie tenait alors ses séances. Le peintre devait exposer régulièrement au Salon de 1771 à 1814. De ses contemporains et rivaux, Lépicié, Brenet, Durameau, Doyen, Lagrenée le Jeune, s'il est le plus productif, est sans doute le moins original. Ses plafonds (Apollon au milieu des Grâces et des Muses, théâtre du Trianon de Versailles) montrent son talent de décorateur, qui lui valut sans doute d'être choisi comme directeur de l'Académie de la Manufacture de Sèvres. Ses toiles (notamment le Mariage antique [1776, musée d'Angers], la Vierge et l'Enfant avec saint Jean [1765, musée de Karlsruhe], le Moïse sauvé des eaux [1785, préfecture de Chambéry] et le Saint Jean prêchant dans le désert [1783, musée de Grenoble]) sont la traduction revue par Boucher de l'académisme bolonais du XVIIe s.

Laib (Konrad)

Peintre autrichien (Eislingen, près de Nördlingen, v. 1410 – apr. 1460).

Il est mentionné pour la première fois comme peintre à Salzbourg en 1442 et acquiert en 1448 le droit de bourgeoisie. Il travaille vraisemblablement jusqu'après 1460. Sa première œuvre connue (v. 1440), un Retable de la Vierge dont subsistent 2 panneaux — la Nativité au séminaire de Freising et l'Adoration des Rois au musée de Cleveland — et destiné à Salzbourg, permet de le rattacher à la tradition salzbourgeoise.

   Si un voyage aux Pays-Bas reste hypothétique, Laib possède certainement une expérience personnelle de l'art véronais et de l'art padouan, et surtout de la manière d'Altichiero. La grande Crucifixion de 1449 dérive des fresques d'Altichiero à Padoue ; elle fut peinte par Laib pour s'acquitter de l'impôt que comportait l'inscription sur la liste des bourgeois et exposée dans la cathédrale de Salzbourg (auj. Vienne, Österr. Gal.). La mention " L. Pfenning " sur un des panneaux fut longtemps interprétée à tort comme la signature d'un maître. Les panneaux des volets de cette Crucifixion sont aujourd'hui fragmentés et dispersés : trois éléments — l'Annonciation, la Naissance de la Vierge et la Nativité — sont au Palazzo Vescovile de Padoue et celui qui illustre la Mort de la Vierge est au Seminario Patriarcale de Venise ; les volets extérieurs correspondants représentent, à gauche, Saint Corbinien (parties supérieure et inférieure au Palazzo Vescovile de Padoue) et, à droite, Saint Florian (partie supérieure, id. ; partie inférieure, Seminario Patriarcale de Venise). Deux panneaux triangulaires (musée de Salzbourg), représentant Saint Hermès et Saint Primus, constituent les éléments survivants de la partie supérieure du retable ; ils révèlent par ailleurs l'influence de la peinture néerlandaise et des préoccupations voisines de celles de Konrad Witz et du Pseudo-Multscher.

   On peut dater d'avant 1449 un Saint Maximilien (Bischofen). Le tableau peint pour la cathédrale de Graz, représentant aussi la Crucifixion, est proche du tableau de Salzbourg ; il est signé " Laib " et daté de 1457 (musée de Graz).

   Le triptyque de l'église paroissiale de Pettau (Yougoslavie, Prokrajinski Muzej), qui peut être considéré comme la dernière œuvre importante de Konrad Laib, est un curieux mélange du type germanique de retable à volets et d'icône vénitienne ; on voit, lorsqu'il est ouvert, la Mort de la Vierge, et, sur les volets, Saint Jérôme et Saint Marc ; une fois fermé, une Crucifixion et, sur les côtés, Saint Nicolas et Saint Bernardin de Sienne. Sur la prédelle est figurée une Sainte Véronique présentant le linge miraculeux porté par deux anges. L'attribution à Laib d'une Vierge à l'Enfant (Munich, Alte Pin.) est contestée. Deux fresques de l'église franciscaine de Salzbourg peuvent être attribuées avec certitude à ce maître (le Christ au jardin des Oliviers, l'Homme de douleur).