Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
C

Chagall (Marc) (suite)

Vence (1950-1956)-Saint-Paul (1966)

De retour en France, il s'installe à Vence en 1950 ; de nouvelles techniques le sollicitent (céramique et sculpture) et Paris lui inspire une série de tableaux (1953-1956), rêveries poétiques d'une couleur diffuse et cendrée (les Ponts de la Seine, 1953). Chagall fut chargé de nombreuses commandes : céramiques et vitraux pour le baptistère d'Assy (1957), décors et costumes pour Daphnis et Chloé (1958 ; la suite lithographiée paraît en 1961), vitraux pour la cathédrale de Metz (1960-1968) et pour la synagogue de l'hôpital de Jérusalem (1960-1962), décor du plafond de l'Opéra de Paris (1963-1965), mosaïque pour l'université de Nice (Histoire d'Ulysse, 1968) et pour une place de Chicago (les Quatre Saisons, 1974), vitrail pour l'église Fraumünster à Zurich, vitraux pour la cathédrale de Reims (1974). Les réalisations graphiques sont importantes : lithos en couleurs et en noir pour Cirque (1967), lithos en couleurs pour Sur la terre des dieux (1967), diverses eaux-fortes et aquatintes, 24 bois en couleurs pour Poèmes (Genève, 1968), monotypes à partir de 1961. En juillet 1973, un musée Chagall a été inauguré à Nice. Il est consacré au " Message biblique " et comprend principalement 17 tableaux et leurs esquisses préparatoires, exécutés de 1954 à 1967, les 39 gouaches inspirées par la Bible en 1931, les 105 planches de la Bible gravée (avec les cuivres originaux) et 75 lithographies. L'art de Chagall intègre avec aisance la mobilité affective du fonds slave et judaïque à l'esprit rationnel de l'Occident ; il offre en dernière analyse, avec ses gerbes de fleurs, ses amants blottis dans la nuit bleue ou le demi-jour à l'enseigne du coq ou de la chèvre, l'image d'une réalité réconciliée avec la fable. L'artiste est représenté dans la plupart des grands musées, notamment à Paris (M. N. A. M.), New York (M. O. M. A. et Guggenheim Museum), Philadelphie (Museum of Art), Londres (Tate Gal.), Amsterdam (Stedelijk Museum). Il a, par deux fois, exposé au Louvre de son vivant : en 1967 (le Message biblique) et en 1977 (62 tableaux de 1967 à 1977).

   Une dation en paiement des droits de succession (1988) a enrichi les collections nationales françaises de 45 peintures et de quelque 500 dessins partagés entre le M. N. A. M., le musée national Message biblique à Nice et plusieurs musées de province. Parmi les nombreuses rétrospectives consacrées à l'artiste, mentionnons " Marc Chagall, les années russes, 1907-1921 " (Paris, M. A. M. de la Ville de Paris) en 1995.

Chaissac (Gaston)

Peintre français (Avallon 1910  –  La Roche-sur-Yon 1964).

Cordonnier à Paris en 1934, il s'installe en 1937 chez son frère, rue Henri-Barbusse : dans le même immeuble habitent Otto Freundlich et sa femme, Jeanne Kosnik Kloss, qui lui apprennent à dessiner et à manier la gouache. Avec eux, il découvre l'Art abstrait, mais, très tôt, sa personnalité trouve une expression originale. Malade en 1937-38, il se remet à dessiner au sanatorium : Bête, oiseaux et serpents (1938, gouache) est un des premiers exemples d'éléments imbriqués dont il fera un si large usage. Cordonnier à Clairvivre (Dordogne), village sanitaire, Chaissac développe en 1939 ses premiers thèmes dessinés à l'encre de Chine (Forme aux quatre visages, 1939 ; Bête s'envolant, 1940), où le motif est traité comme un puzzle recouvert de hachures parallèles. À Saint-Rémy-de-Provence en 1942, il se lie avec Gleizes, Lhote, A. Bloc, l'écrivain Ch. Mauron. En octobre de la même année, il quitte le Midi pour Vix (Vendée), où il se marie. Il exécute en 1942-43 des dessins sur fond jaspé ou moucheté et aborde vraiment la peinture à l'huile en 1944. Au Salon des surindépendants de 1945, Queneau, Paulhan et Dubuffet remarquent son envoi et il restera avec eux en relations épistolaires. Dubuffet préface en 1947 son exposition à la gal. Arc-en-ciel. De 1943 à 1948, il vit à Boulogne (Vendée), où sa femme est institutrice, puis à Sainte-Florence-de-l'Oie (1948-1960), où Dubuffet et Benjamin Péret lui rendent visite, enfin à Vix. L'art de Chaissac se situe au niveau de la vie quotidienne, que son ingéniosité peuple de " bouquets, masques, portraits... que je peux dire miens ". Ses personnages des années 40 témoignent d'un souci de caractérisation expressive (Tête verte aux doigts piquants, 1944 ; Personnage aux gros yeux, 1946) qui s'épurera après l'expérience des compositions abstraites (1950-51 ; série de gouaches, 1959) en un signe simplifié de masque (Personnage, 1961-62, gouache et collage de papier de tapisserie, Paris, M. N. A. M.). Il rencontre dans les objets domestiques — épluchures de courges, chutes de planches, fragments de souches — des stimulants à son inspiration. Objets, totems et tôles peintes, verveuses et drolatiques, apparaissent à partir de 1953 (les Sœurs siamoises, 1960, huile sur fragments de souche assemblés, Y' a d' la joie, 1961, totem peint, Les Sables-d'Olonne, musée).

   À la fin de sa carrière, il a associé avec bonheur gouache et papiers peints, exploitant le contraste entre le raffinement décoratif du papier et l'allure mal équarrie des surfaces franchement colorées portant leurs signes figuratifs (Personnage au chapeau violet sur fond noir, 1963-64). L'inspiration délibérément " brute " de Chaissac, son intelligence de certaines formes contemporaines font de lui le créateur original d'une " peinture rustique moderne ". Son œuvre, qui a fait l'objet d'une rétrospective à Paris (M. N. A. M.) en 1973, est représentée à Paris (M. N. A. M.), aux musées de Lyon, de Nantes (la Cène, 1956-57), de Saint-Étienne ; le musée de l'abbaye Sainte-Croix, aux Sables-d'Olonne, présente un important ensemble d'œuvres et gère un centre d'études sur l'artiste. Une exposition Chaissac a été présentée (Francfort, Müseum fur Moderne Kunst ; Wuppertal, von der Heydt-Museum) en 1996-1997.

Chalette (Jean)

Peintre français (Troyes 1581  – Toulouse 1644).

Il travailla dans sa jeunesse à Gênes, à Milan, à Turin et à Mantoue, où il a pu rencontrer Frans II Pourbus. Après avoir traversé Aix-en-Provence, où il dessine pour Peiresc les Astra Medicea (1611, Carpentras, bibl. Inguimbertine), il s'établit à Toulouse (1612) et épouse Françoise, fille de Josué Parier, peintre du Puy, Chalette a exécuté les portraits des Capitouls (magistrats toulousains), depuis ceux de 1610-11 jusqu'à l'année 1641-42 ; on conserve ceux de 1622-23, peints aux pieds du Crucifix (musée de Toulouse) et, sur vélin, 11 portraits collectifs de petit format (Toulouse, musée et Archives municipales ; musée de Troyes). Il a peint la Sainte Famille, la Vierge aux prisonniers, les portraits d'un Mainteneur des jeux Floraux sous la figure d'Apollon (1635, musée de Toulouse), de Pierre Godolin (Académie des jeux Floraux), de François Sanchez, gravé par Michel Lasne (1636). De ses projets de décorations ne subsistent que deux dessins au musée Paul-Dupuy : pour le grand Consistoire avec les Capitouls de 1629-1630 et pour la Maison navale d'Anne d'Autriche (1632). On a pu comparer le style de Chalette à celui de certains peintres qui ont travaillé en Espagne : Orazio Borgianni, Antonio Moro, Mateo Cerezo ou Juan de Zariñena.