Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
H

Holbein (Hans) le Jeune

Peintre allemand (Augsbourg  1497/98  – Londres 1543).

Fils de Hans l'Ancien, il est le plus important membre de la famille des Holbein.

Formation

Sa première formation lui fut donnée par son père, et peut-être par Hans Burgkmair, avec qui il serait entré très tôt en contact. Vers 1515, il gagne Bâle en compagnie de son frère Ambrosius et y exécute sa première œuvre connue : un dessus de table composé de scènes de genre encore imprégnées de traditions médiévales (Zurich, Schweizerisches Landesmuseum). Il est probable qu'il travaille dans l'atelier de Hans Herbst, mais la précocité de son talent favorise son indépendance et l'introduit dans les cercles humanistes. En 1516, il illustre un exemplaire de l'Encomium Morae (Bâle, éd. 1515) d'Érasme, dont il devient l'intime ami. On y trouve déjà l'expression d'un esprit plus libre, détaché et ironique.

Bâle (1516-1526)

Il entre en relation, en 1516, avec la haute bourgeoisie commerçante, dont il exécute les commandes : portraits du bourgmestre Jakob Meyer et de sa femme, Dorothée Kannengiesser (1516, musée de Bâle). En 1517, il participe avec son père à la décoration de la façade de la maison Hertenstein à Lucerne. Cette façade, détruite en 1824, était conçue dans le style de la Renaissance italienne. Il est intéressant de noter la parenté incontestable entre la Lamentation sur la mort du Christ (1519, connue par une copie) et la Vierge aux rochers de Léonard (Louvre) ou la Madone de la victoire de Mantegna (id.), parenté qui confirmerait la thèse d'un voyage de Hans le Jeune en Italie.

   Membre en 1519 de la gilde " Zum Himmel " de Bâle, il reprend vraisemblablement l'atelier de son frère décédé et épouse Elsbeth Schmid. Alors commence une période d'intense production jusqu'à son départ pour l'Angleterre en 1526, période où se situent pratiquement toutes les œuvres religieuses qui nous ont été conservées ainsi qu'un nombre appréciable de décorations murales (maisons d'aristocrates bâlois, salle du Conseil de l'hôtel de ville), hélas toutes perdues, mais qui, par leur ampleur, témoignent du renom dont jouissait le jeune Holbein. Des premières œuvres, sorties dès 1519-20 de son atelier, il faut notamment retenir 5 scènes de la Passion, dont seules la Cène et la Flagellation sont entièrement de sa main (musée de Bâle). Son art s'y partage entre le puissant expressionnisme allemand hérité du Gothique tardif par l'intermédiaire de Grünewald, dont l'influence est remarquable dans l'extraordinaire Christ mort (1521, id.), et l'" objectivité " des artistes de la haute Renaissance italienne avec son mélange de profane et de sacré ; sa Madone (Retable Gerster, 1522, musée de Soleure), où les personnages, de conception germanique, sont intégrés dans une composition Renaissance, en est un frappant exemple. De cette époque (1524 ?) datent des Scènes de la Passion (musée de Bâle) et les gracieuses figures de Vénus et de Lais (1526, id.). La Vierge avec la famille du bourgmestre Meyer (1526, Darmstadt, coll. du prince de Hesse) est une œuvre maîtresse de cette période, peinte pour l'autel de la chapelle du château Meyer, près de Bâle. Holbein y ajoutera, à son retour d'Angleterre, le portrait posthume de Mme Meyer. De 1526 datent également les Volets de l'orgue de la cathédrale de Bâle (musée de Bâle), portant les figures monumentales de la Vierge et de trois saints, exécutées en grisaille. L'influence de Léonard de Vinci y est sensible, en particulier dans le traitement des chairs. Holbein avait fait en 1524 un voyage en France, où il put voir des œuvres tardives du maître florentin. Durant ces années, il grava sa célèbre Danse des morts, dont 3 planches furent tirées en 1527 (Berlin-Dahlem, cabinet des Estampes) et dont la première édition, qui comportait 41 gravures, fut imprimée à Lyon en 1538 par les frères Trechsel. De cette période datent quelques portraits : Portrait de femme (1517 ?, Mauritshuis), Bonifacius Amerbach (1519, musée de Bâle), Érasme (1523, Longford Castle, coll. Radnor, en dépôt à la N. G. de Londres ; id., Louvre ; id., musée de Bâle).

Londres (1526-1528)

En 1526, sans doute sur les conseils d'Érasme, qui le recommande à Thomas More, Hans fuit la Réforme et s'exile pour deux ans à Londres, où sa renommée de portraitiste s'étend rapidement (Sir Thomas More, 1527, New York, Frick Coll. ; Sir Henry Guilford, 1527, Windsor Castle ; William Warham, 1527, Louvre ; Nicolas Kratzer, 1528, id. ; Thomas et John Godsalve, 1528, Dresde, Gg ; Portrait de femme à l'écureuil et à l'étourneau, Londres, N. G.).

Bâle (1528-1531)

Après son retour à Bâle, son activité se limite au portrait et à la décoration de façades. En 1529, un décret du Conseil de la ville interdit toute peinture religieuse. Holbein regagne l'Angleterre en 1532. Dans l'intervalle, il entreprend probablement un voyage en Italie du Nord et exécute la décoration de la maison " Zum Kaiserstuhl " (seules nous restent les esquisses préparatoires au musée de Bâle) ainsi qu'un important tableau, la Famille de l'artiste (1528-29, musée de Bâle). Holbein domine désormais son art ; dans cette œuvre, où le réalisme se teinte de chaleur humaine et montre à quel degré l'exemple flamand a été assimilé, l'émotion intime se sublime en quelque sorte dans le classicisme tranquille de la composition, et le sujet domestique acquiert la puissance du symbole. Vers 1530, Hans achève la décoration de la salle du Conseil, dont le musée de Bâle possède quelques fragments, et exécute de nombreuses gravures sur bois, notamment les 94 Icones historiarum Veteris Testamenti, publiées à Lyon en 1538 par les Trechsel. À ces œuvres, il faut ajouter une dizaine de dessins de vitraux, seul art religieux autorisé, dont le thème est la Passion (musée de Bâle).

Londres (1532-1543)

Lorsque Holbein regagne Londres en 1532, Thomas More a perdu la faveur du roi ; aussi le peintre trouve-t-il des protecteurs auprès des représentants londoniens de la ligue hanséatique, pour lesquels il réalise un nombre considérable de portraits. Ceux de Georg Gisze (1532, Berlin), de Dirk Tybis (1533, Vienne, K. M.), de Derich Born (1533, Windsor Castle) et du Jeune Marchand (1541, Vienne, K. M.) figurent parmi les plus fameux. Ses protecteurs lui font également la commande d'œuvres décoratives, telles qu'un Arc de triomphe à l'occasion du couronnement d'Anne Boleyn (seul le dessin préparatoire de 1533 est conservé au cabinet des Estampes de Berlin) ou que le Triomphe de la Richesse et le Triomphe de la Pauvreté (1533, dessin et gravure au Louvre). Dès 1533, une part majeure de son activité est vouée aux commandes de Henry VIII, au service de qui il entre en 1536, vraisemblablement par l'entremise de Cromwell, dont il a fait en 1534 le portrait, auj. disparu. Son activité sera dès lors très diverse, car, outre des œuvres décoratives et une douzaine de miniatures, dont Lucas Horenbout lui a enseigné la technique, il réalisera de nombreuses études pour des pièces de joaillerie et une série très importante de portraits, dont Robert Cheseman (1533, Mauritshuis), les Ambassadeurs (1533, Londres, N. G.), Charles de Solier, sire de Morette (1534-35, Dresde, Gg), Richard Southwell (1536, Offices), Christine de Danemark (1538, exécuté en Flandres, Londres, N. G.), Anne de Clèves (1539, Louvre), Édouard, prince de Galles (1539, Washington, N. G.), Thomas Howard, duc de Norfolk (1539-40, Windsor Castle), Henry VIII (1540, Rome, G. N., Gal. Barberini), John Chambers (1542, Londres, N. G.). De nombreux tableaux ne sont connus que par les dessins préparatoires qu'abritent les collections royales du château de Windsor. La surface s'organise maintenant avec une incomparable maîtrise et, si la composition des portraits en buste s'inspire de types tels que la Joconde, on peut néanmoins y déceler une parenté avec Gossaert ou Metsys, voire avec le Maniérisme, qu'il vienne de Moretto da Brescia ou de peintres italiens au service de Henry VIII et que l'on retrouve dans le décor et la solennité hiératique des portraits en pied, grandeur nature. En 1538, envoyé en mission en Bourgogne, il fait un détour par Lyon et Bâle, où le Conseil de la ville lui offre les conditions de travail les plus avantageuses, mais où il ne se réinstalle pas, puisque nous le retrouvons en 1541 à Londres. Sa dernière œuvre connue (1543) est le dessin d'une pendule destinée à Henry VIII.

   Du fait de la perte de la plupart de ses œuvres monumentales, Hans le Jeune apparaît comme l'un des plus grands portraitistes de tous les temps. De Grünewald à Léonard, de Metsys aux peintres anglais contemporains, il est ouvert à toutes les influences et sait les intégrer en un langage original qui se présente comme une synthèse internationale unique de la peinture du début du XVIe s. Son art se fonde sur la solution de deux problèmes, qui furent déjà ceux de son père : le dessin, porteur de l'exactitude expressive, et la composition, bâtie sur une étude extrêmement attentive de la perspective, dans laquelle les structures de l'espace varient constamment pour parvenir dans les derniers portraits à une sorte d'équilibre entre le réalisme et l'abstraction, entre la tradition gothique et la Renaissance humaniste. En effet, au contact d'Érasme et de More, Holbein imprègne son art des idées humanistes formulées dans le doute rationaliste qui baigne ses peintures religieuses et dans la recherche inquiète et constante d'une signification profonde de l'être, derrière l'apparence du portrait. S'il domine de la hauteur de sa personnalité la première moitié du XVIe s. en Allemagne, en Suisse et en Angleterre, l'arrivée à la cour de Henry VIII, en 1540, de nombreux artistes flamands étouffera son influence sur les générations postérieures. En 1543, la grande peste qui ravage Londres terrasse Holbein en pleine force et en pleine gloire.