Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
S

Spinelli (Parri)
ou Parri di Spinello

Peintre italien (Arezzo 1387  – id. v. 1453).

Fils et élève de Spinello Aretino, il fut marqué de façon déterminante par la tradition du trecento siennois, à travers laquelle il parvint à donner une interprétation particulière, limitée mais extrêmement plaisante, du Gothique international. Les expériences de Lorenzo Monaco, d'une part, de Ghiberti et de Masolino, d'autre part, convergent dans ses œuvres et ses colorent d'un archaïsme qui, par sa valeur d'attachement nostalgique à un passé, acquiert une signification poétique précise. Parmi les œuvres les plus achevées, on peut citer la fresque de la Madone de miséricorde (1428?, Arezzo, S. Maria delle Grazie) et le retable de même sujet du musée d'Arezzo (1435-1437), les fresques de la Crucifixion avec, au-dessus, des Scènes de la vie de saint Nicolas à S. Domenico d'Arezzo et la fresque tardive de la Crucifixion au palais des Prieurs. Le langage linéaire de Spinelli s'exprime plus librement dans les dessins (Offices), qui reflètent aussi probablement l'influence de " Cecchino da Verona " (le Maître du Jugement de Pâris du Bargello) et rappellent, par leur charme et leur nervosité, certains peintres internationaux de l'Italie du Nord, en particulier Stefano da Verona.

Spinello Aretino

Peintre italien (Arezzo v.  1350  – id.  1411).

Il travailla dans toute la Toscane. On le trouve ainsi à Lucques — où, en 1384, venant d'achever le polyptyque de S. Ponziano (divisé entre les musées de Cambridge [Fogg], de l'Ermitage et de Parme), il reçoit la commande d'un autre polyptyque pour une église de Rome — et à Pise (1390-91, Camposanto, fresques avec les Scènes de la vie de saint Ephysius). Il séjourne à plusieurs reprises à Florence, où il décore à fresque la sacristie de S. Miniato al Monte (Scènes de la vie de saint Benoît), l'église S. Maria del Carmine avec des Scènes de la vie de saint Jean-Baptiste (dont il existe des fragments dispersés à la N. G. de Londres, aux musées de Rotterdam, de Pavie, de Liverpool et au Camposanto de Pise), l'oratoire degli Alberti à Antella (Scènes de la vie de sainte Catherine) une chapelle de l'église San Michele Visdomini (Quatre docteurs de l'Église en voûte et des scènes de la vie de saint Zanobi, datée vers 1400). À Sienne, il peint en 1407-1408 les fresques avec les Scènes de la vie du pape Alexandre III dans la salle du Conseil au Palazzo Pubblico. À Arezzo subsistent évidemment de nombreux témoignages de son activité (fresques notamment à S. Domenico, S. Annunziata et S. Francesco). Spinello peignit aussi des polyptyques, représentant généralement la Vierge et l'Enfant entourés de Saints ; on peut citer ceux qui sont conservés à l'Accademia de Florence (1391 et 1401) et surtout celui qui fut peint pour Monte Oliveto en 1385 et aujourd'hui démembré (musée de Budapest ; P. N. de Sienne ; Cambridge, Mass., Fogg Art Museum). Remarquable également, une bannière de procession conservée au Metropo– litan Museum (Madeleine, Flagellation du Christ). Sa collaboration avec Lorenzo di Niccolò a été récemment mise en lumière.

   L'art de Spinello Aretino fut d'abord de tendance archaïsante — tendance issue du climat artistique provincial d'Arezzo, ignorant les réformes d'Orcagna — et chercha à redécouvrir les grandes valeurs du début du trecento (ainsi que la sculpture d'Andrea Pisano). À ces deux tendances se greffent assez rapidement des éléments gothiques d'origine septentrionale, introduits en Toscane dans la seconde moitié du XIVe s. par l'intermédiaire de Giovanni da Milano et des Bolonais. Ces caractères ont fait apparaître dans les meilleures œuvres de Spinello des rythmes annonçant, en Toscane, le Gothique international et l'art de Lorenzo Monaco, tandis qu'une figuration plus souple et plus vive écarte définitivement la rigidité académique d'Orcagna.

Spitzweg (Carl)

Peintre allemand (Munich  1808  –id. 1885).

Il fut d'abord pharmacien, et sa formation est celle d'un autodidacte à partir de 1833. Il devint membre de l'Association artistique de Munich en 1835 et travailla sous la direction de C. H. Hanson. Grand voyageur, il séjourna en Dalmatie (1839), à Prague, où il rencontra Návratil et J. Mánes (1849), et à Venise (1850). C. Morgernstern l'incita à copier des tableaux du XVIIe s. hollandais. Spitzweg résida surtout à Munich. Ses scènes de genre, de format modeste, dépeignent avec minutie et humour la vie des petits-bourgeois égarés et gauches avec parfois des effets picturaux réalistes empruntés aux Néerlandais du XVIIe s. (la Lettre d'amour, v. 1845-46, musées de Berlin) ou aux Français contemporains. Il y dépasse rarement l'aspect anecdotique mais peut atteindre une dimension plus poétique (leVeilleur de nuit, 1875, Heidelberg, Kurpfälzisches Museum). En 1851, il voyage à Paris et à Londres et admire Diaz et Constable. Dans ses paysages, son style souple et son coloris séduisant rejoignent les recherches du Pré-Impressionnisme (le Bain des femmes à Dieppe I, inspiré par Isabey, 1857, id.). Isolant volontiers un personnage unique dans la nature (Dimanche après-midi, 1873, Schweinfurt, coll. Schäfer ; la Lecture du bréviaire, Louvre), Spitzweg donne à ces paysages un caractère sentimental et personnel qui rappelle le Romantisme. Il est représenté dans la plupart des musées allemands, à Berlin, Munich (Neue Pin. : le Poète pauvre, 1838), Mannheim, Darmstadt, Hanovre, Kassel, Stuttgart, ainsi qu'aux musées de Zurich, Berne, Vienne et Prague.

Spoerri (Daniel)

Artiste suisse (Galati, Roumanie, 1930).

Installé en Suisse dès 1942, Spoerri, après une carrière de danseur puis de metteur en scène de pièces d'avant-garde à Berne, fonde en 1959 à Darmstadt la revue de poésie concrète et idéogrammatique Material et réalise la même année à Anvers, avec Jean Tinguely, l'" autothéâtre ", où le spectateur, placé devant des miroirs, devient à la fois acteur et spectateur de lui-même. Installé en 1960 à Paris, il fonde les éditions M.A.T. (Multiplication d'art transformable) qui proposent des multiplications d'œuvres, particulièrement d'artistes cinétiques. Signataire du manifeste des Nouveaux Réalistes en 1960, Spoerri présente pour la première fois ses tableaux-pièges (reliefs de repas) au Festival d'Art d'avant-garde à Paris : " Des situations trouvées par hasard en ordre ou en désordre sont fixées (piégées) telles quelles sur leur support du moment (chaise, table, boîte, etc.). Seul le plan, par rapport au spectateur, est changé. " Spoerri développe alors ce mode de composition fondée sur le hasard dans plusieurs séries : les " tableaux piégés au carré ", intégrant deux temps successifs (les Montres, 1961, où une caisse au contenu fixé est fixée à son tour sur une table elle-même piégée) ou simultanés (intégration des outils qui ont servi à la réalisation du piégeage) ; les " collections ", présentant l'évolution et la transformation d'un objet dans des temps et des lieux différents (l'Optique moderne, 1961-1962, Vienne), Museum Moderner Künste ; le " détrompe-l'œil ", dans lequel le support, un tableau réaliste, est mis en cause par l'objet piégé (une douche sur un paysage avec un ruisseau). Ces remises en cause de la valeur des objets et du sens de la vision trouvent leur équivalent dans le domaine du goût, par l'ouverture, en 1963, du restaurant de la galerie J., où 10 tableaux formés de 723 ustensiles de cuisine sont exposés et où Spoerri prépare chaque soir des menus dont les reliefs sont fixés quotidiennement à la table où ils ont été consommés. Les multiples expositions de variations sur le repas (New York, 1964 ; Anvers, 1965) trouvent leur aboutissement dans l'ouverture en 1968, à Düsseldorf, d'un restaurant qui sera doublé, en 1970, par la Eat Art Gallery, où de nombreux artistes viendront créer d'éphémères œuvres comestibles : Arman, César, Ben. Parallèlement, à partir de 1968, année où il expose à Düsseldorf les " conserves de magie à la noix ", objets fétichisés, Spoerri présente des séries d'œuvres où le caractère morbide de la sacralisation des objets est mis en évidence : les " dangers de la multiplication " proposent des souliers d'enfants pris dans des pièges à rats (Amsterdam, 1971) ; les " Tiroirs " et " Têtes " (Paris, 1982) et les " Guerriers de la nuit " (1983) sont réalisés à l'aide de casques et de formes à chapeaux placés sur des moulinettes. Ce même esprit anime les œuvres plus récentes (Tableau piège phallique, assemblage d'objets, 1989). En 1983, Spoerri est nommé professeur à la Kunstakademie de Munich.

   Son œuvre a fait l'objet de plusieurs rétrospectives : Amsterdam, Stedelijk Museum, 1971 ; Paris, C. N. A. C., 1972 ; Reutlingen, 1985 ; Paris, Centre Pompidou, 1990. Elle est représentée dans de nombreux musées en France : Paris, M. N. A. M. (le Marché aux puces, 1961) ; Antibes, musée Picasso ; Grenoble ; Nîmes ; Saint-Étienne (Jeter l'enfant avec l'eau du bain, 1967) et à l'étranger : New York, M. O. M. A. ; Cologne, musée Ludwig ; Mönchengladbach. Le M. N. A. M. (Paris) lui a consacré une rétrospective en 1993 ; la même année, il s'est vu honoré du Grand Prix National de sculpture.