Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
D

dada (suite)

Hanovre

Le mouvement Dada de Hanovre se limite à l'activité du seul Kurt Schwitters, à partir de 1918. Schwitters abandonne alors la peinture figurative pour élaborer sa technique originale consistant à assembler de vulgaires détritus selon des combinaisons d'une haute qualité plastique et poétique. L'initiative est toujours laissée au hasard, mais l'imagination harmonieuse et ingénue est bien propre à Schwitters. Celui-ci, du reste, ne se laisse pas annexer pleinement par Dada. Il donne à son mouvement le nom de " Merz " et poursuit une carrière autonome et personnelle, allant jusqu'à transformer sa maison en un gigantesque assemblage, le Merzbau.

Paris

Au mouvement Dada de Paris préside la rencontre d'avant-gardes locales et de transfuges des mouvements américain, zurichois et allemand (Picabia, Tzara, Ernst). L'impulsion décisive provient du groupe constitué autour de la revue Littérature, fondée par les futurs surréalistes. Lancé par l'arrivée de Picabia (1919), puis de Tzara (1920), culminant en 1920, relancé en 1921, le mouvement parisien va bientôt se scinder en deux tendances antagonistes : l'une, dominée par Tzara, reste fidèle à l'esprit de Zurich ; l'autre, sous la direction de Breton, annonce le Surréalisme par son exigence de sérieux et de méthode. Dada s'effondrera en 1922, mais quelques manifestations plastiques s'imposent auparavant à l'attention. Un essai de jonction avec la Section d'or échoue en 1920. La même année, les dadaïstes trouvent une galerie accueillante, Au Sans Pareil, qui expose, sans grand succès, Picabia puis Ribemont-Dessaignes. Plus importantes sont, au cours de la " grande saison dada de 1921 ", les expositions de Picabia et d'Ernst, venu à Paris, qui présente " peinto-peintures " et " fatagagas ". En juin 1922, un " Salon dada ", galerie Montaigne, réunit la plupart des protagonistes, à l'exception (il est vrai capitale) de Picabia et de Duchamp.

   D'autres pays s'étaient laissé gagner par des ramifications secondaires, mal connues, souvent mêlées aux avant-gardes locales : en Hollande, Theo Van Doesburg, alias I. K. Bonset, mêle étroitement Dada et De Stijl ; en Roumanie, patrie de Tzara et de Janco, ce dernier se rapproche du Constructivisme ; en Italie, quelques futuristes se laissent séduire par Dada. L'épisode définitif ne se situe pas moins à Paris, lorsqu'au " Congrès de Paris ", organisé par Breton en 1922, Dada s'effondre sous la poussée du Surréalisme naissant. En considérant le mouvement Dada d'un point de vue surtout littéraire, on oublie souvent le rôle qu'y ont joué les artistes. Non seulement les noyaux dadaïstes de Cologne et de Hanovre furent presque purement plastiques, mais les promoteurs essentiels, Picabia et Duchamp, étaient des peintres. Surtout, l'expérience dadaïste a fortement contribué à infléchir l'inspiration d'artistes aussi importants qu'Ernst, Schwitters et Arp. Ceux-ci, au-delà de l'esprit de subversion qui faisait rejeter toute manifestation d'art par les dadaïstes orthodoxes, avaient trouvé dans l'effervescence d'idées suscitée par Dada une beauté nouvelle, une véritable poétique, dominée par les sollicitations du hasard et de l'inconscient, et promise à une riche fortune.

Dadamaino

Peintre italien (Milan 1935-id. 2004).

Après quelques essais de peinture abstraite dès 1956, elle commence sa série Volume (1957-1959), qui se ressent de l'influence de Lucio Fontana : ses toiles monochromes sont percées de trous circulaires plus ou moins larges, régulièrement disposés ou de formes ovales irrégulières et qui laissent apparaître le mur. Ses Volumes (ainsi paradoxalement désignés) marquent l'intérêt de l'artiste pour les problèmes d'espace et de facture et témoignent aussi de son refus de toute une tradition picturale qui l'apparente aux préoccupations du groupe Zéro néerlandais et qui l'a immédiatement rapprochée de la galerie Azimuth, de Piero Manzoni et d'Enrico Castellani. À partir de 1960, elle réalise des œuvres (Volume ...) qui sont constituées de films plastiques tendus sur un châssis, superposés et percés de trous circulaires régulièrement disposés (Volume a moduli Sfasati, 1960, musée de Grenoble). Le léger décalage de ces deux surfaces provoque un effet de vibration optique et de sfumato. À partir de ce moment, elle va participer aux manifestations de la Nouvelle Tendance, organisée par Matko Mestrovic à Zagreb à partir de 1961 et va faire partie du courant de l'art cinétique. À partir de 1966, elle va entreprendre des recherches systématiques sur la couleur et, en 1986, elle a commencé une série d'œuvres intitulée Constellations qui la rapproche de la dernière période de Georges Vantongerloo. Les œuvres de Dadamaino sont conservées dans de nombreuses collections et tout particulièrement à la Fondation pour l'art concret de Reutlingen, en Allemagne.

Dadd (Richard)

Peintre britannique (Chatham, Kent, 1819  – Londres 1887).

Il fut élève de la Royal Academy dans les années 1830 et l'un des membres fondateurs de la Clique. Artiste à l'imagination très vive et dont on pouvait beaucoup attendre, il devint fou et assassina son père après un voyage en Grèce et au Moyen-Orient, en 1842-43. Interné en 1844 au Bethlem Hospital puis, à partir de 1864, à l'hôpital psychiatrique de Broadmoor, il continua à peindre, encouragé par les médecins qui le soignaient. Il exécuta ainsi des œuvres d'une étrange complexité et d'une minutie extrême, qui étaient pratiquement inconnues de ses contemporains et dont le précoce surréalisme enchante aujourd'hui : Obéron et Titania (1854-1858, coll. part.), The Fairy-Feller's Master Stroke (1855-1864, Londres, Tate Gal.). On lui attribue aussi d'étonnantes aquarelles, pour la plupart dans des coll. part. britanniques, dont un ensemble, exécuté entre 1853 et 1857, a pour sujet l'illustration des passions (25 pièces conservées). Une exposition rétrospective tenue à Londres en 1974 (Tate Gal.) a fait le point des connaissances sur l'artiste.

Daddi (Bernardo)

Peintre italien (Florence v. 1300  – id. 1348).

Inscrit en 1327 au registre de la corporation des " Medici e Speziali ", il est conseiller de la compagnie de Saint-Luc en 1339. Il a signé et daté de nombreuses œuvres entre 1328 et 1348 (il est mort avant le 18 août de cette année).

   Dans la première d'entre elles, le triptyque avec la Vierge à l'Enfant entre les saints Matthieu et Nicolas (Offices) signé et daté de 1328, et dans les fresques représentant le Martyre de saint Étienne et celui de saint Laurent (Florence, S. Croce, Chapelle Pulci-Berardi), il montre une vivacité narrative incontestable, malgré une composition désordonnée et une palette aride qui ne reflète encore rien des effets chromatiques alors recherchés par Giotto et ses disciples les plus doués. En fait, le niveau de ses qualités se rapproche davantage de celui d'artistes mineurs comme Jacopo di Casentino ou le Maître de la Chapelle de Saint-Nicolas d'Assise que de celui de Maso di Banco, de Pietro ou d'Ambrogio Lorenzetti. Pourtant, dans le petit triptyque, très raffiné, du Bigallo (Florence, 1333), composé notamment de la Vierge à l'Enfant sur un trône avec des donateurs, des anges et des saints, d'une Nativité et d'une Crucifixion, il fait preuve d'une assimilation plus profonde des éléments stylistiques de la dernière période de l'atelier de Giotto (probablement de retour de Naples, précisément cette même année). On y retrouve en effet comme des échos du goût pictural analytique et de la subtile tendance au Gothique de Giotto à l'époque du Polyptyque Stefaneschi ainsi que de la nouvelle ampleur de l'organisation spatiale de Maso di Banco. À ce moment de son évolution stylistique, Bernardo Daddi semble avoir déjà dépassé la première phase du peintre qui, dans sa jeunesse, paraît lui avoir été le plus proche, le Maître de San Martino alla Palma.

   Dans ses œuvres de maturité, tel le grand polyptyque avec la Madone à l'Enfant sur un trône avec des anges et des saints (à la prédelle, 7 Scènes de la vie de la Vierge), peint pour S. Pancrazio (Offices), et dans celles de la dernière période, comme le polyptyque à 5 panneaux représentant la Madone à l'Enfant sur un trône, les saints Pierre, Jean l'Évangéliste, Jean-Baptiste et Matthieu (1344, Florence, S. Maria Novella) et la célèbre Madone en majesté (1347, Florence, Orsanmichele), Bernardo Daddi réussit à sa manière à se tenir au niveau des nouveautés apportées par l'art de Maso, de " Stefano " et des Lorenzetti — bien qu'il ait souvent tendance à recourir à l'interprétation plus facile qu'en proposait Taddeo Gaddi — en utilisant au mieux ses dons personnels de narrateur (predelle avec des Scènes de la vie de saint Pierre martyr, partagées entre les musées de Berlin, de Poznań, de Yale et des Arts décoratifs à Paris) et en enrichissant ses œuvres d'une profusion de détails ornementaux. Durant cette seconde période de la carrière de B. Daddi se formaient, mais avec une plus profonde compréhension des recherches spatiales de Maso, les jeunes Puccio di Simone (le Maître du Retable de Fabriano) et Allegretto Nuzi, qui prolongèrent quelques caractères de son style jusque dans la seconde moitié du siècle.