Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Malaval (Robert)

Artiste français (Nice 1937  – Paris 1980).

Peintre, dessinateur, écrivain, empreint de culture rock, Malaval a créé un œuvre prolixe et constamment renouvelé pour — selon ses propres termes — " échapper à l'ennui de la répétition ". Il séjourne deux ans à Paris, en 1957-58, puis retourne dans la région de Nice, où il invente, en 1961, l'" aliment blanc ". Cette matière informelle, fabriquée avec du papier mâché encollé et peint en blanc à l'huile, envahit mobilier, sculptures et objets. Sécrétion parasitaire et monstrueuse, l'" aliment blanc " est la métaphore d'un mal proliférant et inévitable. Malaval semble calmer son obsession à travers un retour à la peinture dont témoignent les séries des tableaux roses et mauves (1967-68), roses, blancs, mauves (1969), qui sont proches d'une esthétique pop. Son intérêt pour le rock le conduit à la réalisation, entre 1970 et 1973, d'un livre concernant les Rolling Stones, comportant photographies et traductions des chansons. Sa curiosité pour différents médias l'amène à développer de nombreuses recherches entre l'image et le son. Fasciné par les thèmes de fin du monde et frappé par l'exigence d'une création dans l'urgence, Malaval peint ses derniers tableaux : " Kamikaze fin du monde " (1977-1980). D'une facture très gestuelle, exécutées avec la plus grande rapidité, ces toiles, auxquelles l'artiste mêle des paillettes, sont des sortes d'illuminations, des feux d'artifice qui consacrent la peinture comme une cérémonie festive et tragique à la fois. Malaval s'est donné la mort en 1980. Après une exposition à l'A. R. C. (Paris, 1981), ses œuvres ont été montrées (Bourges, Nevers, Le Creusot) en 1994.

Malczewski (Jacek)

Peintre polonais (Radom  1854  – Cracovie  1929).

Il fit ses études à l'École des beaux-arts de Cracovie (1872-1875) et à celle de Paris auprès de Lehmann (1876-77). Il enseigna à l'École des beaux-arts (1896-1900) et à l'Académie de Cracovie de 1912 à 1921. Membre fondateur du groupe Sztuka, il appartint en 1908 au groupe Zéro. Les tableaux réalistes de ses débuts, exécutés dans une gamme plutôt sombre, sont consacrés, pour la plupart, aux épreuves qu'a connu la Pologne après l'insurrection de 1863 (Dimanche dans la mine, 1882, Varsovie, M. N.).

   En 1890, tout en conservant la même inspiration de nostalgie patriotique, la peinture de l'artiste évolue vers le Symbolisme : les personnages, réels, dans des paysages également réels, sont accompagnés de chimères, de faunes, d'ondines, d'anges au bénéfice d'un effet mi-allégorique, mi-fantastique (Introduction, 1890 ; Mélancolie, 1890-1894, Poznań, M. N. ; Paysage avec le jeune Tobie, 1904).

   Sa palette aux couleurs très vives le distingue par ses dissonances, les perspectives inhabituelles ou brouillées constituent un élément de dramatisation (Mort d'Ellenay, 1907, Poznań, M. N.) ; par leur cadrage rapproché, les compositions concises et monumentales se teintent d'une austère beauté (la Mort, 1902, Varsovie, M. N. ; Triptyque, 1908, Poznań, M. N. ; Autoportrait en armure, Varsovie, id.).

Maler (Hans)

Peintre allemand (Ulm v. 1470/1480  – Schwaz v. 1530).

Identifié par M. J. Friedländer (1895) et par G. Glück (1906), Hans Maler, cité dans les comptes de la maison de Habsbourg en 1500 et en 1510, travailla surtout à Schwaz, non loin d'Innsbruck. Ses portraits, principalement ceux des membres de la famille impériale et des Fugger, proches par leur conception de ceux d'un Strigel, révèlent un esprit objectif, se refusant à tout artifice de présentation (l'Archiduc Ferdinand Ier d'Autriche, Vienne, K. M. ; le banquier Anton Fugger, 1525, Allentown Art Museum ; Ulrich Fugger, 1525, Metropolitan Museum ; Wolfgang Ronner, Munich, Alte Pin. ; Matthäus Schwarz d'Augsbourg, Louvre).

Mälesskircher (Gabriel)

Peintre allemand (? v.  1426  – Munich 1495).

Installé au plus tard en 1455 à Munich, où il dirige un atelier, il est plusieurs fois conseiller de la ville, dont il devient, en 1485, bourgmestre adjoint. Sur la commande de l'abbé du monastère de Tegernsee, Konrad Ayrinschmalz, son beau-frère, il peint pour le couvent 13 retables au cours des années 70. Plusieurs peintures détachées de 5 ou 6 retables sont conservées dans différentes collections (Munich, Bayerisches Nationalmuseum et Alte Pin. ; Madrid, Thyssen-Bornemisza Museo : Retable des évangélistes). Trois panneaux provenant d'un tableau d'autel, représentant des saints, font partie de ses œuvres de jeunesse (Saint Korbinian et saint Antoine, musée de Dijon ; Saints Achace et Pantaléon, Saint Florian, Munich, Alte Pin.). Son remarquable portrait de Jörg von Halsbach, dit Ganghofer, maître d'œuvre de l'église Notre-Dame de Munich, est d'une intense vérité (musée de Bâle).

Malévitch (Kazimir Sévérinovitch)

Peintre russe (Kiev 1878  – Léningrad 1935).

Malévitch est l'un des pionniers de l'Art abstrait au même titre que Kandinsky et Mondrian. Né à Kiev, il commence très jeune à peindre et à dessiner la nature. Installé à Moscou à partir de 1904, il fréquente l'École de peinture, sculpture et architecture. Il découvre l'art de l'icône. Il découvre également la peinture française, grâce aux collections Chtchoukine et Morozov, et aux Salons de la Toison d'or.

   En 1906, il travaille à l'Académie Roehrberg, où le peintre Larionov fait sa connaissance. À ses premières peintures, plutôt impressionnistes, conçues dans une gamme opalescente (Femme à la fleur, 1903, Saint-Pétersbourg, Musée russe ; Pommiers en fleurs, 1904, id.), succèdent en 1907-08 des œuvres plus personnelles : de grandes gouaches réalisées sous l'influence de Gontcharova, qui, par la violence de leurs couleurs, rappellent les fauves néoprimitivistes, mais qui font aussi penser aux expressionnistes allemands de Die Brücke. À partir de 1910, il prend part aux manifestations de l'avant-garde russe : d'abord à l'exposition du Valet de carreau (1910), ensuite à celles de la Queue d'âne (1912) et de la Cible (1913). Sur l'invitation de Kandinsky, il participe aussi à la deuxième exposition du Blaue Reiter (1912).

   Il est certain qu'il a connu les toiles de Picasso réunies dans les collections Stschoukine et Morosov à Moscou. Dans sa peinture apparaît en effet la fragmentation cubiste des volumes, mais la couleur rappelle celle des futuristes, qui avaient vivement marqué la vie culturelle en Russie (Un Anglais à Moscou, 1914, Amsterdam, Stedelijk Museum ; le Bûcheron, 1912, id.) ; plus curieusement, certains de ses tableaux annoncent Dada. En 1913, il crée les décors et costumes cubo-futuristes de la Victoire sur le soleil de Natiouchine. En 1915, à Petrograd, il participe à l'exposition Tramway V, puis, toujours dans la même ville, il montre son fameux Carré noir sur fond blanc à l'exposition 0,10 (organisée par Pougny en décembre 1915).

   Parallèlement, il expose ses théories dans un essai intitulé Du cubisme et du futurisme au suprématisme (1916). En abordant l'abstraction, il fixe son attention sur le rapport entre la forme et l'espace qui l'entoure (Composition suprématiste, 1915, Amsterdam, Stedelijk Museum). Il crée ainsi une tension qui semble faire vibrer la toile. Sa volonté est d'atteindre à l'essence, difficile à saisir, de la forme, d'élever la peinture à une expression parfaite, qu'il nomme " suprême ". S'étendant à la couleur et poussée jusqu'à ses dernières limites, cette conception l'amène, du Carré noir sur fond blanc (Saint-Pétersbourg, Musée russe), à créer des toiles " blanc sur blanc ". Il expose en 1918 au dixième Salon d'État à Moscou son Carré blanc sur fond blanc (New York, M. O. M. A.). Seule une légère inflexion de la touche sépare le carré du fond sur lequel il apparaît. La forme a cessé d'être un signe de l'espace pour devenir une allusion à l'espace, et le tableau lui-même, par sa présence matérielle, n'est plus qu'une allusion à la peinture. Pendant la révolution, Malévitch redouble d'activité. Il enseigne d'abord à l'Académie de Moscou, ensuite à celle de Vitebsk. En 1921, il donne ses premiers essais de céramiques suprématistes à la manufacture Lomonosov de Pétrograd. En 1922, il participe à la première exposition d'art russe à Berlin ; en 1927, il séjourne pendant trois mois en Pologne et en Allemagne à l'occasion de son exposition rétrospective, organisée d'abord à Varsovie, ensuite à Berlin. Paraissent alors aux éditions du Bauhaus ses théories suprématistes sous le titre de Die gegenstandslose Welt (le Monde sans objet). Rappelé d'urgence en Union soviétique, Malévitch tombe bientôt en disgrâce. Pendant les dernières années de sa vie, il peint des portraits et des paysages (Paysage aux cinq maisons, 1928-32, Saint-Pétersbourg, Musée russe). Une rétrospective comprenant les tableaux et les dessins restés en Allemagne a été organisée en 1958, puis en 1970 au Stedelijk Museum d'Amsterdam, qui conserve le plus vaste ensemble des tableaux de l'artiste, en 1959 à la Kunsthalle de Berne, enfin en 1989 en Russie. Le M. N. A. M. de Paris conserve depuis 1978 un ensemble unique de cinq Architectones (application du suprématisme à l'architecture) reconstitués et restaurés par Poul Pedersen sous la direction de Troels Andersen.