Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Peyron (Jean François Pierre)

Peintre français (Aix-en-Provence 1744  – Paris 1814).

La Mort de Sénèque (auj. disparue) valut à Peyron, devant David, le grand prix de peinture en 1773. On connaît la célèbre et compréhensible exclamation de David aux obsèques de Peyron : " Il m'a ouvert les yeux. " L'Académie, après un séjour de sept ans à Rome comme pensionnaire de l'Académie de France (1775-1782), devait agréer l'artiste en 1783 et le recevoir quatre ans plus tard. En 1786, il est nommé inspecteur général des Gobelins, poste qu'il quitte en 1792 à la suite des troubles révolutionnaires. Dès lors, malade, sa production se ralentit, mais il continue à exposer aux Salons jusqu'en 1812.

   Des tableaux comme les Funérailles de Miltiade (1782, Louvre) ou encore Alceste se donnant la mort pour sauver les jours d'Admète, son époux (1785, id.), la Mort de Socrate (1789, Paris, Assemblée nationale), ou Bélisaire (1779, musée de Toulouse) et Cornélie, mère des Gracques (1781, id.), ces deux derniers ayant été commandés par le cardinal de Bernis, ainsi que des dessins (3 versions d'Agar et l'Ange, à l'Albertina, aux musées de Nancy et de Darmstadt [1779], pour un tableau du musée de Tours) sont caractéristiques des aspirations de ce peintre d'histoire : composition sobre, réduite à ses lignes essentielles, touche porcelainée, coloris froid.

   Peintre de premier ordre, Peyron est le plus grand adepte de Poussin au XVIIIe s. et un des plus originaux que compte l'étonnante génération de peintres néo-classiques français nés aux environs de 1750.

Pforr (Franz)

Peintre allemand (Francfort  1788  – Albano  1812).

Il commença sa formation chez son père, peintre de batailles, Johann Georg, et à Kassel dans l'atelier de son oncle Johann Heinrich Tischbein, puis, de 1805 à 1809, il travailla à l'Académie de Vienne. À ce moment, il prend position avec son ami Overbeck contre l'enseignement académique de Fuger ; ils créent en 1809 la confrérie de Saint-Luc. Ludwig Vogel, Sutter, Wintergerst et Hottinger se joindront à eux. Pforr sera avec Overbeck l'artiste le plus doué de ce groupe. En 1810, avec d'autres membres de la confrérie, il se rend à Rome, où il fait partie du groupe des Nazaréens. Très attiré par les sujets historiques et les thèmes médiévaux, tout jeune, il avait collectionné des gravures de Dürer. Il commença à Vienne l'Entrée de Rodolphe de Habsbourg à Bâle en 1273, sorte de procession moyenâgeuse, vivante et colorée, dans un décor gothique inspiré par sa ville natale, et termina le tableau à Rome. Il sut y donner, comme dans Saint Georges (1809, Franckfort, Städel. Inst.), une certaine puissance à l'archaïsme linéaire et bidimensionnel du gothique, que l'on retrouvera chez Ingres. Exécutée à Rome, la Sulamite et Marie (1811, Francfort, Städel. Inst.) se présente comme un retable portatif médiéval où l'on décèle une forte inspiration de la gravure de Saint Jérôme de Dürer (Schweinfurt, coll. Schäfer). Cette œuvre inspirera, plus tard, à Overbeck son Italia et Germania (Munich, Neue Pin.). L'Autoportrait de l'artiste est conservé au Städel Inst. de Francfort. Mort très jeune, Pforr a peu produit, et son œuvre se compose surtout de petits tableaux exécutés avec subtilité, d'allégories, de portraits et de dessins, dont les plus célèbres sont ses esquisses pour Götz von Berlichingen de Goethe. Dans ses compositions, le contour strictement défini produit un effet décoratif sévère. Overbeck a fait le Portrait de Pforr en le plaçant dans un décor " gothique " (musées de Berlin). C'est au Städel. Inst. de Francfort que l'artiste est le mieux représenté.

Philips (Charles)

Peintre britannique ( ?1708  – ?  1747).

Fils d'un portraitiste, il exécuta des portraits de petit format, bénéficiant de l'engouement de l'aristocratie pour ce genre (de 1730 à 1734). Avec Dandridge, Hogarth et Gawen Hamilton, il contribua à introduire en Angleterre les Conversation Pieces (Un thé chez lord Hamington, 1730, New Haven, Yale Center for British Art).

Phillips (Peter)

Peintre britannique (Birmingham 1939).

Peter Phillips est avec Allen Jones, Ronald J. Kitaj et David Hockney l'un des peintres qui ont représenté, après Eduardo Paolozzi, Richard Hamilton, Peter Blake, Joe Tilson et Patrick Caulfield, la branche britannique du pop art anglo-saxon. Il a fait ses études au Royal College of Art et a commencé à exposer en 1960 en compagnie d'Allen Jones, de David Hockney et de Ronald J. Kitaj. De 1964 à 1966, il réside à New York. Ses tableaux sont constitués d'images empruntées à la réalité quotidienne, au décor de la rue, aux usages de la publicité et représentent, par leur rapprochement fondé sur le principe du collage, des illustrations de la civilisation moderne. De nombreux tableaux sont en forme de polyptyque avec des châssis découpés : Autokustomotive (1964).

Philonov (Pavel Nikolaevitch)
ou Pavel Nikolaevitch Filonov

Peintre russe (Moscou 1883  – Leningrad 1941).

L'œuvre de Philonov, l'une des plus fortes personnalités de l'avant-garde russe, n'est pas encore suffisamment connue, ni étudiée. Il apprend d'abord la peinture dans un atelier privé et fréquente les cours de l'Académie des beaux-arts de Saint-Pétersbourg en 1908-1910. En 1910-1914, il participe aux expositions du groupe Soiouz molodeji (" Union des jeunes "), l'une des premières associations de peintres d'avant-garde de Pétersbourg, fondée par les frères Bourliouk avec O. Rosanova, N. Gontcharova, M. Larionov, K. Malevitch, K. Petrov-Vodkine. Ses contacts avec les cercles futuristes littéraires et artistiques, surtout avec le poète V. Khlebnikov, ont joué un grand rôle dans l'élaboration de son langage pictural. Ses voyages en Italie et en France (1911-12) ont pour lui une importance aussi importante que l'étude de la peinture russe (surtout des icônes et de l'œuvre de Vroubel). La peinture de Philonov a une forte tendance expressionniste ; elle se fonde en grande partie sur les expériences du Futurisme ; son côté fantasmagorique fait penser aux tentatives surréalistes ; cependant, elle frappe par sa forte originalité. Dans ses écrits théoriques, Philonov oppose ses recherches aussi bien à l'art traditionnel qu'à l'art de l'avant-garde, en opérant, selon lui, par deux concepts — forme et couleur ; il définit sa méthode de création comme " analytique ", affirmant qu'" un objet [...] n'a pas seulement une forme et une couleur, mais contient tout un monde de phénomènes visibles et invisibles, leurs émanations et leurs réactions [...], des qualités connues et secrètes ", et proclame " le principe biologique " de la peinture, qui permettrait au peintre de préserver l'intégrité des choses et de redonner à l'expression picturale toute sa magie et son éclat primordial. En pratique, à l'aide de formes de cristaux, indestructibles, dans des couleurs fabuleuses, transparentes et scintillantes comme des pierres précieuses, avec des lignes rigides et cassantes, il crée un monde de figures immobiles et mystérieuses (la Famille paysanne, 1912, Saint-Pétersbourg, coll. part.), d'images extatiques et inquiétantes, qui se multiplient sur la surface de ses peintures comme les reflets d'une multitude de miroirs (le Vainqueur de la ville, 1914, Musée russe, Saint-Pétersbourg). Un important groupe d'élèves se groupa autour de lui ; ils ont su traduire les particularités de sa méthode dans l'illustration de livres (pour Kalevala). Fanatiquement dévoué à son art (ses proches racontent qu'il préférait dormir sur un lit sans matelas pour ne pas trop dormir et ne pas perdre un temps précieux qu'il pouvait consacrer à la peinture), Philonov continue ses recherches dans les conditions difficiles et l'isolement au cours des années 30, sans avoir la possibilité d'exposer ses œuvres. Il meurt de faim pendant le siège de Leningrad par les Allemands. La plus grande partie de son œuvre (env. 400 huiles et grandes aquarelles), appartenant à la famille du peintre, est déposée au Musée russe de Saint-Pétersbourg.