Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Basquiat (Jean-Michel)

Peintre américain (New York 1960  – id. 1988).

Il débuta par une série de graffitis sur les murs des immeubles et du métro de New York. Souvent signées SAMO, ces œuvres éphémères, d'apparence gratuite, influencèrent le développement de son art. Dès 1982, il exposa dans diverses galeries (Blum-Helman, Marlborough, Fun) des peintures construites non seulement sur des toiles (Prayer, 1984), mais également sur des planches, des portes, des fenêtres et autres matériaux de rebut. Sur ces supports, l'ensemble de la surface picturale est parcourue par des signes élémentaires et évocateurs proches d'un langage animiste. Plutôt que peintes, ces œuvres sont dessinées. La ligne trace une tête plus semblable à un masque qu'à un visage (Untitled, 1982), enregistre des noms comme Miles Davis ou Charlie Parker dans Discography I et II (1983), forme des nombres ou des valeurs (15 C, 1983). En 1984, Basquiat collabore avec Andy Warhol et Francesco Clemente pour une production de peintures collectives. Son style libre ouvre le spectateur à une nouvelle iconographie, une nouvelle figuration, non pas celle de l'histoire mais celle du " ici et maintenant " (King of the Zulus, 1984-85, Marseille, M. A. C). Basquiat cristallise une certaine histoire des années 80 en peignant, avec souvent beaucoup d'humour, le quotidien. Il a participé à d'importantes expositions internationales : Documenta 7 de Kassel en 1982, Nouvelle Biennale de Paris en 1985 et Prospekt 86 de Francfort. Une rétrospective lui a été consacrée (Marseille, musée Cantini) en 1992. En outre, des œuvres de l'artiste, après l'importante exposition itinérante de 1992 aux États Unis, ont été présentées (Londres, Serpentine Gallery ; Paris, gal. E. Navarra) en 1996.

Bassa (les)

Famille de peintres espagnols.

 
Ferrer (connu à Barcelone de 1324 à 1348). Ferrer Bassa et son fils Arnau furent les initiateurs à Barcelone du style italo-gothique, reflétant le nouveau langage pictural élaboré en Toscane par Giotto et ses disciples.

   Une série de documents révèlent l'activité d'enlumineur de Ferrer Bassa et de peintre au service des rois d'Aragon Alphonse IV et Pierre IV. Pour ce dernier, il exécute plusieurs retables pour les chapelles royales de Saragosse, Barcelone, Lérida, Majorque et Perpignan. Il signe également des contrats pour des œuvres destinées à la cathédrale de Lérida et aux monastères de S. Hilari et de Pedralbes.

 
Arnau (connu à Barcelone de 1345 à 1348). Il travaille en collaboration avec son père, tout en signant seul certains contrats, tel qu'un reçu relatif au Retable de saint Marc (1346, collégiale de Manresa).

   Arnau et Ferrer sont probablement morts des suites de l'épidémie de peste qui a sévi à Barcelone à partir de 1348.

   Des études récentes tendent à ne plus séparer la production de ces deux maîtres mais à considérer dans son ensemble l'œuvre de cet important atelier dont Ferrer Bassa fut le chef. Parmi les travaux documentés et conservés figure le remarquable Livre d'heures de la reine Marie de Navarre (1338-1342, Venise, Biblioteca Marciana), auquel on peut rattacher un groupe de livres enluminés : le Psautier anglo-catalan (Paris, B.N.), un Décret de Gratien (Londres, British Library), le Ductor Perplexorum de Maïmonides (1348, Copenhague, Bibliothèque royale), le Llibre Verd (1342-1348, Barcelone, Archives municipales) et les Utsages de Ramon Ferrer (id.). Ces miniatures présentent une grande affinité stylistique avec les Retables de saint Marc (1346, collégiale de Manresa) et de Saint Jacques (1347, Barcelone, musée diocésain), ainsi qu'avec un certain nombre de panneaux tels que 3 Scènes de la Vie de Saint Étienne (Barcelone, M.A.C. et coll. part.), 2 Miracles de saint Bernard (musée de Vich) et 2 polyptyques (New York, Pierpont Morgan Library et Baltimore, W.A.G.). À cette liste il faut ajouter une œuvre maîtresse, les peintures murales de la chapelle Saint-Michel, attenante au cloître du monastère de Pedralbes (1346, Barcelone). Ce décor comprend 15 compositions réparties sur 2 registres, le premier consacré aux joies de la Vierge et le second à la Passion du Christ.

   Cet ensemble de peintures et de miniatures témoigne, par la conception de l'espace, le modelé plastique des figures et la gamme colorée, d'une assimilation des modèles siennois et, plus précisément, de Pietro et Ambrogio Lorenzetti, sans qu'il soit possible d'en préciser l'origine : voyage de Ferrer en Italie ou circulation de miniatures italiennes en Catalogne.

Bassano (Jacopo da Ponte, dit Jacopo)

Peintre italien (Bassano v.  1515 – id.  1592).

Après avoir étudié avec son père, Francesco, il se rend à Venise et fréquente l'atelier de Bonifacio de' Pitati. Il est influencé par Titien, par l'estampe allemande, mais aussi par les planches gravées d'après Raphaël. Les trois toiles bibliques (1535) exécutées pour le Palais public de Bassano (auj. Museo Civico) font la synthèse des apports dus à son maître et de ses tendances personnelles : les schémas narratifs empruntés à Bonifacio sont soutenus par un naturalisme nouveau. Venant de la " terre ferme ", Bassano est en effet sensible aux formes réalistes de la plaine du Pô, mais également aux tendances maniéristes. Intéressé par la peinture de Pordenone au cours des années 1535-1540, il lui emprunte une structure plastique sur laquelle il peut greffer des " morceaux " d'une étonnante vérité, libéré désormais de l'influence de Bonifacio (Samson et les Philistins, Dresde, Gg ; Adoration des mages, coll. Exeter, Burghley House, Grande-Bretagne).

Adhésion au Maniérisme

Le courant maniériste, en plein essor à Venise v. 1540, lui fait entrevoir de nouvelles possibilités, auxquelles il adhère avec enthousiasme, chacun de ses tableaux ayant pour lui une valeur expérimentale en soi.

1540-1550

Bassano produit successivement des œuvres fort différentes : le Martyre de sainte Catherine (musée de Bassano), qui rappelle Pontormo ; la Décollation de saint Jean-Baptiste (Copenhague, S. M. f. K.), où les figures, effilées, d'une élégance toute émilienne, sont insérées dans un espace réduit ; la Montée au Calvaire (Londres, N. G.), inspirée des gravures romaines (de Raphaël en particulier) ; la Nativité (Hampton Court) ; le Repos pendant la fuite en Égypte (Milan, Ambrosienne), où le rythme maniérisme met en évidence des morceaux d'une vérité violente. Les indications graphiques contenues dans les estampes transmises à Venise par l'Émilie et par le Nord lui suggèrent des enchaînements animés et tourbillonnants. Sa palette s'éclaircit, ses tons perdent de leur chaleur. Si, à ses débuts, le coup de pinceau franc et décidé s'intégrait pourtant dans la surface picturale, désormais, fouillant le dessin, la facture se brise en coups de pinceau plus brefs, pour résoudre chacun des accidents graphiques en solution picturale. De ce moment datent les Deux Chiens du Louvre (1548), un des premiers " portraits d'animaux " de l'histoire de la peinture.

1550-1560

Les expériences tentées au cours de ces dix dernières années mûrissent d'une façon décisive le goût de Bassano. Dans la Cène (v. 1550, Rome, Gal. Borghèse), les têtes des apôtres et les éléments de nature morte disposés sur la table sont mis en relief par la véhémence du dessin et par l'accentuation des ombres. Cette œuvre, qui marque la fin d'une période de Bassano, révèle son étude du clair-obscur de Tintoret et sa connaissance de Schiavone (Montée au Calvaire, musée de Budapest). La tension formelle reste très forte, et l'on rencontre, dans un espace raréfié et bouleversé, quelques " morceaux " d'un réalisme voisin de celui que pratiqueront les peintres espagnols du XVIIe s. (par exemple l'âne qui allonge le cou au-dessus des fleurs rouges dans la Nativité [Stockholm, Nm]). Par un jeu précieux de lumière, il obtient des drapés tumultueux et sculpte l'anatomie noueuse des corps. Dans l'Adoration des bergers (Rome, Gal. Borghèse), sur un fond de ciel limpide et froid, êtres et animaux acquièrent une présence fantastique qui prélude à l'art de Greco. Allégées par le jeu linéaire appris de Parmesan (connu alors surtout à travers Schiavone), les formes se tordent, se chevauchent, mais gardent leur vérité épidermique (Sainte Justine avec saint Sébastien, saint Antoine abbé et saint Roch, v. 1560, Bassano, Museo Civico). Les détails réalistes des tableaux exécutés entre 1540 et 1550 étaient enfermés dans le tracé du dessin ; ils prennent désormais un nouvel aspect, dans un espace rempli d'ombres, et par conséquent plus évocateur : Lazare et le mauvais riche (musée de Cleveland). Entre 1550 et 1560, Bassano va donner à ces ombres leur véritable signification temporelle ; les aubes et les couchers de soleil qui paraissent dans ses compositions leur donnent le caractère de vrais paysages. À cette époque, une luminosité particulière, dont le chromatisme froid est obtenu par un emploi très large des terres (le Voyage de Jacob, v. 1560, Hampton Court), imprègne l'œuvre du peintre et lui confère une expression lyrique et fantastique profondément nourrie par l'expérience maniériste. Ce moment du goût bassanesque se réalise dans une nouvelle interprétation de la Bible : narrations d'exodes et de paraboles sur un fond d'aubes et de crépuscules, dans un décor pastoral. Dès la fin des années 1560-1570, Bassano développera plus amplement, et avec un esprit différent, ce nouveau genre de tableau dont il vient de fixer les grandes lignes. Des œuvres comme l'Épiphanie (Vienne, K. M.), où il conserve inaltérée cette tension hallucinée qui frappera Greco, permettent de mieux comprendre le Départ pour Canaan (Hampton Court) et la Parabole des semailles, tout en les distinguant des thèmes bibliques qu'il traitera plus tard.