Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Morisot (Berthe)

Peintre français (Bourges 1841  –Paris 1895).

Élève de Guichard, ami de Corot (dont elle copia la Vue de Tivoli, en 1863, donnée au Louvre plus tard par la famille Rouart), elle peignit, sur le conseil de ce dernier, des paysages près de Pontoise, en 1863, et rencontra Daubigny et Daumier. Mais son nom est surtout lié à celui de Manet, qu'elle connut v. 1867. Celui-ci l'a peinte dans le Balcon (1868, Paris, musée d'Orsay) et a même retouché une de ses toiles, la Sœur de l'artiste, Edma, et leur mère (1869, Washington, N. G.). Berthe Morisot se convertit à la peinture de plein air, à l'exemple des amis de Manet, Bazille, Renoir, Monet — Vue du petit port de Lorient (1869, New York, coll. Mellon Bruce), la Chasse aux papillons (1874, Paris, musée d'Orsay), l'Entrée du port (1874, musée de Bagnols-sur-Cèze) —, mais continua à peindre des portraits et des intérieurs : le Berceau (1873, Paris, musée d'Orsay), Dans la salle à manger (1886, Washington, N. G.).

   Bien que régulièrement admise au Salon, elle participa à la plupart des expositions impressionnistes, malgré la réprobation de Manet, dont elle épousa le frère Eugène, en 1874. Grâce aux impressionnistes, elle éclaircit sa palette, mais elle ne dut qu'à elle-même la fraîcheur lumineuse de ses tons, sa facture libre et vigoureuse et cette poésie " virginale " qui charma et séduisit Renoir.

   Parmi ses œuvres les plus réussies de l'artiste, on peut citer Cousant dans le jardin (1881, musée de Pau), Dans l'herbe à Maurecourt (1884, Toledo, Ohio, Museum of Art), de nombreuses scènes d'intimité familiale, où l'artiste exprime sa tendresse pour la vie enfantine, et des aquarelles fraîches et elliptiques (coll. Rouart).

Morland (George)

Peintre anglais (Londres 1763  – id.  1784).

Élève de son père, le peintre Henry Morland, il manifesta un talent précoce et, dans sa jeunesse, répara et falsifia maint paysage néerlandais du XVIIe s. Il resta auprès de son père en qualité d'apprenti de 1777 à 1784 et exposa pour la première fois, en 1773 et jusqu'en 1804, à la Royal Academy, dont il était également l'élève. Il exposa aussi à la Society of Artists et à la Free Society of Artists. Il débuta comme portraitiste, mais dut sa réputation à des scènes de genre dans le style de Wheatley. En 1786, il épousa la sœur du graveur William Ward, et ses œuvres furent dès lors diffusées par la gravure. Bien que Morland eût mené joyeuse vie en mauvaise compagnie, son œuvre est d'une surprenante fécondité. Sa meilleure période se situe de 1788 à 1798 (l'Intérieur d'étable, 1791, Londres, N. G. ; Campement de bohémiens, 1790, Detroit, Inst. of Art) ; en 1799, il représenta quelques vues des côtes de l'île de Wight. Morland exécuta généralement des scènes de genre de style champêtre où figurent des personnages dans des fermes, des animaux à l'étable, ou des scènes d'hiver (exemples à New Haven, Yale Center for British Art). Ces œuvres n'ont aucune portée intellectuelle, mais témoignent d'une technique parfaitement accomplie, au métier souple, et d'une touche presque baroque. La Porte de la taverne (1792, Édimbourg, N. G.) est un bon exemple de la maturité de l'artiste.

Morley (Malcolm)

Peintre américain d'origine britannique (Londres 1931).

Enfant fasciné par la mer et par les bateaux, dont il construit des modèles réduits, Malcolm Morley travaille dans sa jeunesse sur les navires qui parcourent la mer du Nord. Quelques écarts de conduite lui font connaître la prison, où il commence à peindre. Rendu à la liberté, il étudie la peinture au Royal College of Art de 1954 à 1957. Pendant toute cette période, il peint surtout des paysages. Extrêmement impressionné par une exposition de peinture américaine, il décide de se rendre à New York, où il se fixe définitivement en 1958. Sous l'influence de B. Newman, il passe par une période abstraite et peint des tableaux constitués de bandes horizontales qui évoluent vers le paysage. Il met rapidement fin à ce genre de peinture et, se tournant à nouveau vers le monde maritime, il entreprend, d'après des photographies de presse, une série de batailles navales pour lesquelles il n'utilise qu'une seule couleur. Des cartes postales, des dépliants publicitaires d'agences de voyages montrant des paquebots lui servent ensuite de modèles qu'il reproduit au moyen d'une minutieuse mise au carreau. Une large bordure blanche entourant ces scènes maritimes très statiques accuse l'artificialité de la représentation. L'excessive objectivité de ces images fit classer Morley parmi les hyperréalistes, mais il se distinguait de la plupart d'entre eux par le fait que le document photographique n'était pas projeté et qu'il n'avait jamais recours à l'aérographe. Au début des années 70, il commence à rompre l'unité de la représentation et abandonne progressivement celle de la touche en prenant comme modèles des objets réels tout en restant fidèle à sa méthode de reproduction au carreau. Les catastrophes aériennes ou navales qu'il peint en 1976 expriment cette volonté de porter atteinte à l'unité d'une vision, d'autant plus relative, d'ailleurs, que par la mise au carreau le tableau n'est exécuté que par morceaux successifs.

   Lors d'un séjour en Floride de 1977 à 1979, il réalise des aquarelles et des dessins d'après nature (vues de plage et paysages) qui lui serviront d'intermédiaires pour l'exécution de ses peintures à l'huile. C'est donc désormais comme à travers un écran que les modèles en trois dimensions : des objets (très fréquemment des jouets), ou la réalité elle-même sont transposés sur la surface de la toile. Une rétrospective a été consacrée à l'artiste (Marseille, musée Cantini) en 1991 et à Oslo et Madrid en 1996.

Morlotti (Ennio)

Peintre italien (Lecco 1910-Milan 1992).

Élève de Carpi et de Funi à l'Académie Brera, il participa au mouvement Corrente. Le paysage, thème dominant de son œuvre, le rattache au XIXe siècle lombard. À partir de Cézanne, Morlotti parvient à une interprétation nouvelle et personnelle du Naturalisme. Dès ses premières peintures, le paysage est composé de quelques éléments (ciel, collines couvertes de maïs, fleuve), superposés en zones horizontales, qui limitent la vision à des dimensions humaines et familières. L'artiste atteint peu à peu à une perspective sans profondeur où est réuni chaque élément descriptif ou symbolique. Pour suggérer la matière élémentaire (terre, foisonnement des plantes, fleurs), il pose directement sur la toile une pâte riche et onctueuse, aux tonalités profondes et naturelles, qu'il étend en couches successives, créant ainsi des images d'une immédiateté physique et nettement caractérisées (Artichauts, 1954). Après avoir participé à l'expérience du Fronte Nuovo dell'Arti et subi au cours de l'année 1947 l'influence de Picasso, il participe au groupe des Huit (Otto pittori italiani) avec Afro, Birolli, Corpora, Moreni, Santomaso, Turcato et Vedova, dont l'activité se poursuivra jusqu'en 1954. Dans les années 60 et 70, le sujet (paysages, nus, natures mortes) perd de sa lisibilité, au profit de lourds empâtements de peinture.