Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
R

Rho (Manlio)

Peintre italien (Côme 1901  – id. 1957).

Après des études artistiques, ses premières peintures datent de 1918. Il effectue divers métiers jusqu'en 1925, en particulier dans le journalisme. Il va être lié avec le groupe de Côme, notamment avec l'architecte Giuseppe Terragni, ainsi qu'avec Pietro Lingero, Alberto Sartoris et le peintre Mario Radice. Ses premiers tableaux abstraits datent de 1933. Ils appartiennent à l'esthétique du Néo-Plasticisme mais Manlio Rho ne retient pas les lignes noires de Mondrian : il utilise des grands aplats de couleur juxtaposés, dans une gamme plus proche de celle du Purisme. Ses compositions orthogonales vont bientôt être modifiées par l'introduction de diagonales en 1934 puis de courbes en 1935. Composition n° 42 (1936) est une œuvre qui montre encore l'influence du Néo-Plasticisme dans sa composition fondée sur l'orthogonalité, mais aussi celle de Moholy Nagy dans la superposition des plans transparents. Cette orientation plus constructiviste se confirmera par la suite. À partir de 1937, Manlio Rho réalise également des reliefs en marbre ou en plâtre. Il a l'occasion de collaborer avec des architectes, de réaliser des meubles, de s'occuper d'installations de salles d'expositions, en particulier avec Mario Radice. À partir de 1940, il commence à introduire des dégradés dans ses aplats colorés qui deviendront, en 1950, des indications plus franches d'ombre allant suggérer jusqu'à une certaine profondeur. En 1966, une rétrospective a été consacrée à Manlio Rho à la faculté d'architecture de l'école polytechnique de Milan.

Riabouchkine (Andreï Petrovitch)

Peintre russe (gouv. de Tambov 1861  – près de Saint-Pétersbourg 1904).

Formé aux écoles de Moscou et de Saint-Pétersbourg, il parvint à se débarrasser des routines du " Réalisme académique " pour évoquer dans des tableaux clairs, colorés et légèrement stylisés les petits faits de la vie à Moscou avant Pierre le Grand (Femmes à l'église, 1899, Moscou, Tretiakov Gal. ; Attente d'un cortège, 1901, Saint-Pétersbourg, Musée russe) ou de la vie paysanne de son temps (Buveurs de thé, 1903, Moscou, coll. Troïanovski).

Riancho (Agustín)

Peintre espagnol (Entrambasmesetas, prov. de Santander, 1841  – Ontañeda, id., 1929).

La longue carrière de ce peintre solitaire s'est déroulée presque totalement en marge de la vie artistique espagnole. Issu d'une famille rurale pauvre, il reçut à quatorze ans une bourse de la " Diputación provincial " de Santander. À partir de 1858 il est l'élève du paysagiste hispano-belge Carlos de Haes à l'École des beaux-arts de Madrid. Sur le conseil de son maître, il part en 1862 pour la Belgique, achève sa formation avec le peintre Lamorinière et demeure près de vingt ans à Bruxelles. Rentré en Espagne en 1883, il se retire bientôt dans ses montagnes natales, où il vieillira, solitaire et méconnu jusqu'à ses derniers jours. Il peint alors, selon ses goûts et sa vision propres, des paysages de rochers, de prairies, d'arbres majestueux (l'influence de Rousseau et des peintres de Barbizon reste sensible dans sa peinture), construits par larges masses et dont la facture, presque brutale, paraît plus proche de Vlaminck que de l'Impressionnisme.

   Une grande exposition rétrospective à l'Ateneo de Santander en 1922 révéla sa personnalité puissante. C'est au musée (La Cagigona) et à l'Ateneo (Arbres) de Santander qu'on peut voir les ensembles les plus significatifs de l'œuvre de l'artiste.

Ribalta (Francisco)

Peintre espagnol (Solsona, prov. de Lérida, 1565  – Valence 1628).

Ce grand peintre, fondateur de l'école ténébriste de Valence, est un Catalan (la découverte de son acte de baptême à Solsona ne laisse aucun doute à cet égard) qui s'est formé en Castille, dans le milieu artistique de l'Escorial. Ses premières œuvres connues (les Préparatifs pour la Crucifixion, 1582, Ermitage) montrent sa filiation directe avec les Italiens Zuccari et Tibaldi, ses relations avec Cambiaso et Navarrete el Mudo (dont il copiera littéralement par la suite le Martyre de saint Jacques de l'Escorial à l'église d'Algemesí). Il se marie en 1596 à Madrid, où naît l'année suivante son fils Juan. Mais on le trouve en 1599 à Valence, d'où, désormais, il ne s'éloignera plus, sauf pour un problématique voyage en Italie, qu'il faudrait situer entre 1613 et 1615, seule période de sa vie sur laquelle nous n'ayons aucun document (ou plus simplement un séjour à Madrid pendant lequel il put connaître certaines œuvres italiennes). Ce voyage tardif aurait pu permettre à l'artiste de connaître l'œuvre de Caravage (copie de la Crucifixion de saint Pierre, signée de F. Ribalta, Rome). Ribalta a peint d'importants ensembles à Valence et dans les environs, notamment les retables de l'église d'Algemesí (1603-1604, partiellement détruits en 1936) et les grands tâbleaux du collège du Patriarche, fondation de l'archevêque Juan de Ribera (Vision de saint Vincent Ferrier, 1604 ; la Cène, 1606, au maître-autel). Il fit également plusieurs excellents portraits de l'archevêque (collège du Patriarche). Mais ses œuvres maîtresses seront les tableaux du couvent des Capucins, pour lesquels il passe contrat en 1620 (Saint François malade réconforté par un ange, Prado ; Saint François aux pieds du Christ en croix, musée de Valence), le Christ embrassant saint Bernard (Prado) et le retable de la chartreuse de Porta-Coeli (1625), dont les peintures ont passé au musée de Valence. Dans toutes ces dernières œuvres, le réalisme encore hésitant de ses débuts sous le signe de l'Escorial débouche sur un large naturalisme franchement baroque, où l'empreinte de Caravage se fond avec les souvenirs de Venise et une libre interprétation du modèle vivant. Ribalta a créé quelques-unes des œuvres les plus fortes et les plus nobles de toute la peinture espagnole (Saint Pierre, Saint Paul, Saint Bruno du retable de Porta-Coeli au musée de Valence). Il eut un important atelier, de nombreux élèves (au premier rang desquels son fils Juan), et son influence fut décisive dans l'histoire de la peinture valencienne.

 
Son fils Juan (Madrid 1596 ou 1597 – Valence 1628) est un représentant important de l'école valencienne. Une mort prématurée l'empêcha de donner tout ce que l'on pouvait attendre d'un talent brillant et très précoce. Juan signe dès 1615 les Préparatifs pour la Crucifixion à multiples personnages (musée de Valence), où la composition, encore inspirée par le style de l'Escorial — suivant l'exemple paternel —, se nuance dans les détails d'un réalisme plus moderne. On conserve de lui très peu d'œuvres signées (Saint Jean l'Évangéliste, Prado ; Saint Jérôme, 1618, Barcelone, M. A. C.). Elles témoignent toutes d'une technique très sûre, d'un vigoureux naturalisme au chaud coloris. La collaboration de Juan avec son père fut certainement très large : on la reconnaît aisément dans certaines peintures des retables de Porta-Coeli (1625) et d'Andilla (1622-1626).