Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
S

Sagrestani (Giovan Camillo)

Peintre italien (Florence 1660  – id. 1731).

Disciple de Gherardini, il transforma, en un style qui fut très suivi par les peintres locaux, la manière vive et originale de son maître. Artiste fort doué, il préféra une gamme froide à dominantes blanches et bleues, d'un effet agréable dans les décorations à la fresque ou dans les esquisses. Pour les décorations importantes, comme celles de l'église S. Verdiana à Castelfiorentino (vers 1710-15) par exemple, il collabora le plus souvent avec son atelier. Il fournit des cartons pour les tapisseries des manufactures des Médicis (Scènes turques, Florence, Pitti). Son activité et son influence se sont exercées exclusivement en Toscane.

Saint-Aubin (Gabriel Jacques de)

Peintre français (Paris 1724  – id. 1780).

Il était fils d'un brodeur du roi (Gabriel Germain), frère de Charles Germain, dessinateur du roi, et de Louis Michel, peintre de porcelaine à la manufacture de Sèvres. Élève de Jeaurat, de Collin de Vermont et de Boucher, il échoua à trois reprises au concours pour le Grand Prix de peinture (1752-1754). Brouillé avec l'Académie officielle, il devint l'un des plus fidèles tenants de l'académie de Saint-Luc, où il professa et exposa. Aucun événement ne consacra la réputation de cet indépendant, connu de tout Paris, badaudant sans cesse le crayon à la main. Ses dessins nerveux et picturaux, aux valeurs contrastées, où toutes les techniques sont mêlées en un " ragoût " qui semble paradoxalement fort approprié aux formats microscopiques, ont fait de lui le chroniqueur le plus spirituel et le plus renommé de cette époque (le Boulevard, v. 1760, Paris, Inst. néerlandais, coll. Lugt). La partie la plus étonnante, peut-être la plus célèbre, en tout cas fort utile pour la critique, est constituée par l'ensemble de croquetons dont l'artiste a su remplir les marges de ses catalogues de ventes ou d'expositions et de ses carnets de Salons hâtivement annotés, mais d'une très grande précision (Livrets des Salons de 1761, 1769, 1777, B. N. ; Catalogue de la vente Mariette, Boston, M. F. A). Conduit par une curiosité insatiable, Saint-Aubin est partout, notant sur le vif l'événement de la journée (le Couronnement de Voltaire au Théâtre-Français, 1778, Louvre) ou croquant simplement quelques paysages, monuments ou passants qui lui plaisent, dans ses carnets de dessin (Louvre ; Stockholm, Nm) ou à défaut dans les marges, au verso des planches d'un livre qu'il a emporté avec lui (Poésies de Sedaine, Chantilly, musée Condé ; Description de Notre-Dame par Gueffier, Paris, musée Carnavalet). Le seul ensemble dont il ait poursuivi la réalisation avec quelque continuité est l'illustration du Spectacle de l'histoire romaine de Philippe de Prétot, dont 28 des 49 scènes sont gravées d'après ses dessins et aquarelles. Bien que peu nombreuses (50 pièces env.), les gravures frappent par leur originalité et leur qualité de facture. Les quelques épreuves connues comportent presque toujours plusieurs états et sont souvent annotées, retouchées à la plume, rehaussées de lavis, d'aquarelle ou de gouache. G. de Saint-Aubin n'a rien d'un graveur professionnel ; il grave pour sa satisfaction personnelle ou pour quelques amis, et ses œuvres ne présentent pas le travail soigné, brillant qu'on apprend en atelier, mais une liberté totale de la pointe sans aucun système d'arrangement des tailles. Ainsi, dans la Conférence de l'ordre des avocats (1776), par ses gribouillis qui donnent des taches de noir intense, il transforme une réunion officielle en une scène de visionnaire où une lueur diffuse tente de percer le mystère des profondeurs d'ombre d'une salle immense. Pour les 2 planches du Spectacle des Tuileries (1760), c'est avec des griffures et des guillochis qu'il rend les jeux de lumière dans les arbres, cherchant ainsi à traduire la dissolution des formes dans la lumière. Ses rares peintures, dont l'ensemble le plus important est désormais conservé au musée de Rouen, grâce à la donation Henri Baderou, ne permettent pas davantage de l'enfermer dans une catégorie d'artistes définie : on lui doit aussi bien des scènes délicates dans la tradition de Watteau (le Bal champêtre, coll. part. ; la Promenade à Longchamp, musée de Perpignan) que de pimpants tableaux de mœurs (la Parade du boulevard, 1760, Londres, N. G. ; le Cortège nuptial, coll. part.), un paysage avec des ruines grandioses (la Naumachie du parc Monceau, 1778, coll. part.) ou des tableaux d'histoire (Laban cherchant ses idoles, 1753 ; esquisse au musée de Cleveland, tableau au Louvre). Mais son talent de peintre s'affirme peut-être davantage dans l'intimité préromantique de l'Académie particulière (coll. part.) ou dans l'atmosphère de rêve du Lever du jour (musée de Providence, Rhode Island), témoignage supplémentaire de l'originalité surprenante de ce brillant " amateur " dont la technique est aussi changeante que l'inspiration.

Saint-Ours (Jean-Pierre)

Peintre suisse (Genève 1752  – id. 1809).

Fils du peintre sur émail Jacques Saint-Ours, émigré français, il fut élève de l'Académie à Paris et travailla dans l'atelier de Vien aux côtés de David ainsi que du paysagiste Pierre-Louis de La Rive et des Sablet, peintres vaudois de personnages. Il obtint le grand prix en 1780 (l'Enlèvement des Sabines, Paris, E. N. S. B. A.) et partit la même année pour Rome, où il resta jusqu'en 1792 (la Comtesse d'Albany, 1792, musée de Zagreb), puis il s'installa à Genève, et y demeura jusqu'à sa mort. Acquis aux idées de la Révolution et aux principes néo-classiques, il peignit des sujets d'histoire ancienne, quelques paysages poussinesques (Paysages, Fontaine antique, Genève, musée d'Art et d'Histoire) et beaucoup de portraits (Abraham Lissignol, 1795, id. ; Monsieur du Pan-Sarasin, 1797, id. ; Mme de Saint-Ours avec un enfant, Neuchâtel, musée d'Art et d'Histoire) qu'il exécuta pour la plupart à la fin de sa vie. Comme tous les néo-classiques, il fut un excellent dessinateur et resta toute sa vie fidèle à l'héritage de Vien (le Triomphe de la Beauté, Genève, musée d'Art et d'Histoire). Ses œuvres de dimensions colossales (les Jeux Olympiques, le Tremblement de terre, id.) ont la monumentalité de David (que Saint-Ours avait retrouvé à Rome en 1784-85), et peuvent aussi être mises en parallèle avec les œuvres de Füssli. Obsédé par les effets de la Révolution, Saint-Ours exprime, avec une sévérité classique, l'angoisse des cataclysmes, tout comme Regnault et Dauloux en France.