Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Traini (Francesco)

Peintre italien (Pise, documenté de 1321 à 1345).

Cité à Pise dès 1321, il est l'auteur documenté du Polyptyque de saint Dominique (Saint Dominique et 8 Scènes de sa vie, auj. à Pise, M. N.), de 1344-1345. Les seules œuvres qui puissent être rapprochées sûrement de ce polyptyque sont la Vierge et l'Enfant (Pise, anc. coll. Schiff), le Père éternel bénissant (Chapel Hill, W. H. Ackland Memorial Center), l'Archange saint Michel (Lucques, Museo di Villa Guinigi), Saint Paul (musée de Nancy), qui faisait pendant à un Saint Grégoire (localisation inconnue), Sainte Anne, la Vierge et l'Enfant (musée de Princeton) et une Vierge à l'Enfant au Prado. Après bien des discussions critiques, on a longtemps admis que Traini pourrait être aussi l'auteur des fameuses fresques du Campo Santo (Pise) avec le Triomphe de la Mort ou du Triomphe de saint Thomas d'Aquin (Pise, église S. Caterina), attribution remontant à Vasari et acceptée encore aujourd'hui par certains critiques. Mais on peut reconnaître que les fresques du Campo Santo, rapprochées de l'art émilien par R. Longhi, sont en réalité d'un toscan que L. Bellosi identifiée avec Buffalmaco (seul le Calvaire pourrait être de Traini) et que le Triomphe de saint Thomas est une œuvre siennoise dans la manière de Lippo Memmi. Laissant ces deux œuvres en marge du problème posé par Traini et écartant aussi l'attribution de certains panneaux de polyptyques du M. N. de Pise, nous nous en tiendrons au groupe d'œuvres sûres indiquées plus haut. Ces peintures présentent un style pictural d'origine siennoise, proche de celui de Simone Martini et Lippo Memmi (qui travaillèrent pour Pise). Traini reprend ces qualités, mais en accentue la rondeur et la plastique sculpturale, tandis que, dans le Polyptyque de saint Dominique (datant sans doute de la dernière phase de son activité), il tend à une étonnante caractérisation expressionniste où apparaissent ses rapports avec l'œuvre des Lorenzetti et avec la production avignonnaise de Matteo Giovannetti. Les petites scènes latérales, comme celle de Saint Dominique sauvant des naufragés, par exemple, abondent en éléments que l'on retrouve dans l'œuvre du peintre de Viterbe.

   Francesco Traini demeure le seul grand peintre de Pise au XIVe s. ; ses modes furent déterminants pour les artistes locaux, qu'il s'agisse des plus nobles (Francesco Neri da Volterra ou le Maître de la Crucifixion du Camposanto, par exemple) ou de peintres mineurs comme Giovanni di Nicola ou Cecco di Pietro.

trans-avant-garde italienne

En octobre-novembre 1979, Achille Bonito-Oliva publiait dans Flash Art un des premiers essais concernant le mouvement de la Trans-avant-garde italienne : il y voyait un retour salutaire à la peinture d'expression, au sujet et au plaisir de la facture, venant après l'austérité de l'Arte povera et du Minimal Art, de même qu'une résurgence de la facture personnelle, le retour au symbolisme, enfin une rupture dans l'enchaînement des avant-gardes récentes. Cette explosion se manifesta rapidement, et de façon surprenante à l'époque, par une succession d'expositions collectives, accueillies dans des lieux divers ; à la Kunsthalle de Bâle, en 1980, au musée Folkwang d'Essen, enfin au Stedelijk Museum d'Amsterdam en 1980-1981. Cette exposition regroupait les œuvres de Chia, Clemente, Cucchi, de Maria, Ontani, Paladino et Tatafiore. Avec quelques années de recul, il semble aujourd'hui possible de dégager les cinq personnalités les plus marquantes de cette tendance, fort différentes entre elles : Sandro Chia, Francesco Clemente, Enzo Cucchi, Nicola de Maria et Mimmo Paladino. Tous ont été promus par les galeries Mazzoli de Modène et Sperone de Rome et New York. Tous ont enfin en commun de se référer, outre à leur histoire personnelle, à un passé légendaire et à une tradition nationale, non sans violence et une certaine errance au sein de l'affleurement d'images diverses, contradictoires et subjectives. Le retour à la figuration est très explicite, par exemple chez Chia : il peint souvent des personnages, parfois accompagnés d'animaux, comme des images extraites d'une histoire et d'un lieu qui restent inconnus, non sans exclure l'humour ou l'anodin. Clemente fait voisiner des éléments éparpillés et autonomes ou superpose et enchevêtre des corps humains dans un univers trouble et hors de toute pesanteur. Cucchi tend aux effets dramatiques par l'usage de pâtes épaisses, de couleurs brutales en un dynamisme alliant signes abstraits et corps étranges. De Maria s'intéresse plus à la transformation d'un espace mural par l'usage de grandes étendues de couleurs vives, renvoyant à une sorte de vision cosmique et mouvante, habitée de petits éléments peints géométriques ou organiques. Enfin, Paladino réinvente un certain primitivisme des formes et des signes. L'absence de toute profondeur donne à ses œuvres l'aspect d'icônes.

   Tous ces artistes cherchent en définitive à réinventer le travail physique de l'artiste, en réaction contre une conceptualisation jugée par eux abusive et stérile, par l'obtention d'images habitées de fantasmes morcelés et en perpétuelle dérive, et dans le sens d'une véritable renaissance de la tradition picturale italienne.

Traversi (Gaspare)

Peintre italien (Naples v. 1722 – Rome 1770).

Il est sans doute l'un des peintres les plus subtils du XVIIIe s. napolitain. Par rapport à ses contemporains, il occupe une position d'une originalité absolue due à sa recherche audacieuse de valeurs narratives et psychologiques : tout en se référant à la tradition de l'école napolitaine et caravagesque du premier seicento, il étend en effet cette quête à une foule d'intérêts ignorés des artistes de l'époque.

   Dans des œuvres de jeunesse comme les toiles (3 Scènes de la vie de la Vierge) de l'église S. Maria dell'Aiuto à Naples (1749), il reprend le style de Solimena pour exprimer les faits les plus significatifs de la vie quotidienne, et cela sans que la notation incisive de la réalité n'effleure jamais le vulgaire. Il maintient la même rigueur dans ses compositions religieuses : dans les Scènes bibliques de l'église S. Paolo fuori le Mura (1752), exécutées à Rome même, où il s'installa v. 1750, comme dans les trois toiles (Ecce homo, Couronnement d'épines, Pietà) de la collégiale de Castell'Arquato ou dans le Chemin de croix de l'église S. Rocco à Borgotaro, qui lui a été commandé en 1753.

   Toute cette production a pour dénominateur commun l'influence du milieu artistique romain, fondamental pour la définition de la personnalité de Traversi. Au tempérament napolitain de cet artiste, sensible aux influences les plus variées, de Preti à Cavallino ou à Giordano, se superpose la rupture volontaire avec les schémas traditionnels, déterminés en grande partie par une admiration pour Benefial. À travers l'œuvre de ce peintre, inspirateur d'un néo-Carrachisme interprété en sens moderne, précurseur de peintres académiques de stricte observance tels que Subleyras et Mengs, mais riches d'intérêts humains et sociaux, se renforce chez lui ce talent d'observateur profond de la vie quotidienne qui caractérise sa peinture profane. R. Longhi a rapproché ses sujets des pièces de théâtre écrites à la même époque par le baron de Liveri. Dans les faits de chronique qu'il rapporte avec une fidélité absolue – de cette production abondante, retenons des toiles comme la Rixe (Naples, Capodimonte), la Vieille Ivrogne (Brera) ou les Concerts, Rixes, Leçons, Contrats, Parties de cartes ou autres scènes truculentes des musées de Rouen, Dijon (musée Magnin), Kansas City, Sarasota, San Francisco, de Rome (G. N., Gal. Corsini), du Wadsworth Atheneum de Hartford, de Naples (Capodimonte) ou encore les deux pendants du Louvre (1754) la Séance de pose et la Rixe – ou dans ses portraits (Portrait d'un moine augustin, musée de Strasbourg), Traversi ne s'abandonne pas aux facilités du « genre » : avec une rigueur souvent voilée d'ironie, il analyse le tempérament du personnage et reconduit à la réalité toutes les suggestions que peut lui offrir sa lecture très savante (sous une apparence désinvolte) des grands maîtres du passé.