Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
G

Gilman (Harold)

Peintre britannique (Road, Somerset, 1876  – Londres 1919).

Fils d'un pasteur, il fut élève à la Slade School de Londres, où il rencontra Gore. Admirateur de Goya et de Velázquez, il se rendit en Espagne (1904) avant de voyager aux États-Unis (1905). De retour en Angleterre, il fréquenta le cercle de Sickert, qui fonda avec lui et Gore le groupe de Camden Town en 1911. Il fut élu premier président du London Group en 1913. Peintre de paysages, de portraits, de scènes intimistes, comme Sickert, Gilman fut brièvement influencé par Gauguin, Matisse, Van Gogh et Cézanne, dont il avait pu voir les œuvres lors d'un séjour à Paris en 1910. Mais il revint, en 1914, à ce qu'il appelait le " Néo-Réalisme ". Il vécut à Londres, où il mourut prématurément de la grippe espagnole. Il est représenté à la Tate Gal. : Mrs. Mounter au petit déjeuner, 1917 ; le Pont du canal.

Gilpin (Sawrey)

Peintre britannique (Cumberland 1733  – Londres 1807).

Frère du révérend William Gilpin, il ne se destinait pas d'abord à la carrière de peintre animalier, qu'il devait pourtant suivre. Arrivé à Londres en 1749, il fut apprenti chez Samuel Scott, avec qui il demeura jusqu'en 1758. Il s'essaya à la peinture équestre dans les écuries du duc de Cumberland. Il exposa à la Society of Artists de 1762 à 1783 et en devint le président en 1773. A. R. A. en 1795, il devint R. A. en 1797 (Chevaux effrayés par l'orage, 1798, Londres, Royal Academy). Durant toute sa carrière, il s'efforça d'élever la peinture équestre dans la hiérarchie des genres et y parvint par le biais de la peinture d'histoire : Élection de Darius (York Art Gal.). Gilpin avait l'art de donner mouvement et vie à la plus banale des " sporting pictures " et savait équilibrer ses premiers plans par rapport aux fonds de paysage. Son œuvre ouvrit la voie à B. Marshall et à J. Ward.

Giolfino (Nicolò)

Peintre italien (Vérone 1476  – id.  1555).

Issu d'une famille de sculpteurs véronais, il fut élève de Liberale (en 1492) et comme lui fidèle au passé gothique et de caractère tourmenté. Aussi resta-t-il insensible à l'aspect serein de la Renaissance et fut-il ouvert à l'influence de la peinture allemande (des Pacher, de Jacopo de' Barbari et surtout de Dürer, qui dut passer à Vérone en 1494 lors de son premier voyage en Italie). Ce fut l'art le plus anticlassique du XVe s., celui des Ferrarais, qui l'inspira dans ses premières œuvres connues : Pentecôte (1518) et prédelle avec des Scènes de la vie de saint Dominique à l'église S. Anastasia (Vérone).

   Mais v. 1518-1520, subjugué par la personnalité de L. Lotto, il adopta une palette audacieuse, à base de couleurs pures, et se rapprocha de l'art fantastique, aux déformations grotesques, d'Aspertini (tableaux d'autel des églises S. Giorgio e S. Erasmo, S. Anastasia, S. Brizio di Lavagno, S. Maria della Scala ; fresques de S. Bernardino ; Scènes de la vie de saint François, v. 1522).

   À partir de 1530, l'art tourmenté de Giulio Romano se répandit sur Vérone, sortant Giolfino de son isolement dans l'école véronaise, jusqu'alors si sereine. Mais, nanti d'un métier insuffisant, le peintre ne sut plus guère que se répéter dans des tableaux dépourvus d'inspiration : Scènes de la Passion (1534, S. Bernardino, chapelle de la Croix). Cependant, il eut encore des trouvailles dans le domaine de la fresque et des " cassone ", faisant jouer les couleurs vives, les taches de lumière d'une manière voisine de celle de Romanino, présent à Vérone en 1540, et portant à son comble sa verve imaginative (7 Allégories du couvent de S. Niccolo ; auj. à Vérone, Castelvecchio ; façade de la Casa Parma Lavezzola, 1542 ; surtout Scènes bibliques de la nef de S. Maria in Organo).

Giordano (Luca)

Peintre italien (Naples 1634  – id. 1705).

Cet artiste exceptionnellement fécond, qui jouit en son temps d'un renom international, est souvent considéré, de nos jours, comme un peintre aux solutions faciles, agréable mais superficiel, prêt aux emprunts sinon à la copie, trop rapide dans l'exécution de ses œuvres. Ce jugement, qui se ressent encore en partie de la condamnation dont l'art baroque fit l'objet pendant une très longue période, n'est pas dépourvu de tout fondement si on l'applique à l'ensemble de l'œuvre de Luca Giordano, à ses innombrables peintures de chevalet et à ses immenses fresques en Italie et en Espagne (son œuvre comporte certainement plusieurs milliers de peintures ; il est peu de musées de quelque importance qui n'en conservent pas). Néanmoins, si l'on tient compte de la pratique, courante à son époque, de recourir aux aides d'atelier ainsi que des inévitables inégalités auxquelles ne peut échapper un artiste, même génial, submergé par les sollicitations et les commandes, et si, par conséquent, l'on s'attache à ses œuvres les plus représentatives entièrement de sa main, sa personnalité apparaît comme l'une des plus sensibles du XVIIe s. européen.

La jeunesse

Formé, selon les sources anciennes, sur le modèle de Ribera, Giordano semble avoir abordé tout de suite la peinture avec le sentiment qu'il restait à Naples de vieux problèmes non résolus. Le groupe d'œuvres (comme les portraits de Philosophes conservés à Hambourg, Kunsthalle, et à Vienne, K. M.) qui a pu être réuni autour de son nom avant sa première activité documentée (qui remonte à 1653) révèle en effet son souci de reprendre en considération les différents éléments qui avaient provoqué à Naples, v. 1635, la crise du naturalisme d'origine caravagesque. Ce besoin de revivre l'expérience des autres, avant d'innover, sera capital tout au long de la carrière de Giordano. C'est ainsi que, ayant commencé à suivre la voie qui avait mené Ribera vieillissant à adapter aux principes du Baroque son rude Caravagisme, il ne tarda pas, v. 1652, à entreprendre le voyage de Rome, pour remonter ensuite jusqu'à Venise, où il laissa quelques tableaux d'autel et où il étudia en particulier Véronèse. De retour à Naples, dès 1653, il exécuta en 1654 pour l'église S. Pietro ad Aram 2 toiles, Scènes de la vie de saint Pierre, dont les fonds s'inspirent effectivement du grand Vénitien et qui représentent, en général, un retour à la " maniera grande " du XVIe s., point de départ de la peinture baroque. On retrouve les mêmes caractéristiques dans le Saint Nicolas de Bari de l'église S. Brigida et dans les 2 toiles de 1658 destinées à l'église S. Agostino degli Scalzi, où l'influence vénitienne domine, transformée toutefois par une touche plus fluide et par d'intenses accents luministes. On y décèle également l'étude de l'œuvre de Mattia Preti et un rapprochement avec Rubens, déjà sensible dans la Sainte Lucie conduite au martyre (1657, Milan, coll. Canessa). Après avoir adopté ensuite une manière plus claire et une liberté picturale comparable à celle de Pierre de Cortone (Sainte Famille, v. 1660, Aurora, New York, Wells College), il revint au classicisme des Carrache et de Poussin, visible dans l'agencement équilibré et la plus grande importance accordée au dessin dans les 2 tableaux d'autel (Fuite en Égypte, Massacre des Innocents) de l'église S. Teresa à Chiaia (1664).

La maturité

La jeunesse de Luca Giordano, marquée d'innombrables hésitations sur la voie qui devait l'amener à la décoration baroque, finit par aboutir, après un nouveau voyage à Florence, en 1665, et à Venise (où il devait envoyer, en 1667, l'Assomption de la Vierge à la Salute), à une adhésion consciente au style de Pierre de Cortone, dont l'artiste adopte surtout la tendresse et la grâce des formes, la douceur de l'éclairage (Vierge du Rosaire, 1672, Crispano, église paroissiale). Vers 1674, de nouveau à Venise, il peint les 2 tableaux d'autel (la Nativité de la Vierge et la Présentation de Marie au Temple) pour l'église de la Salute, dont le succès immédiat confirme son renom. Peu après, il entreprend les grandes décorations à fresque, dans lesquelles il se réalisera le mieux. C'est dans le cycle destiné à l'église S. Gregorio Armeno à Naples (terminé en 1679) qu'il est possible de percevoir, pour la première fois, cette heureuse veine poétique, cette tendre humanité dégagée de tout effet emphatique qui distinguera toujours Luca Giordano des autres grands décorateurs italiens contemporains : Pierre de Cortone, Lanfranco ou Baciccio ; loin de méconnaître ces derniers, il adopte même leur technique et, le cas échéant, leur manière, mais son langage, au lieu de tomber dans un éclectisme érudit, reste d'une fraîcheur et d'une spontanéité incomparables. À Florence, d'ailleurs, où il est appelé en 1682 pour peindre le dôme de la chapelle Orsini au Carmine, il surprend par un retour soudain à la peinture vénitienne (et plus précisément à J. Bassano), dicté sans doute par un besoin de retrouver le réel et de l'exprimer dans une facture dense et luministe (le Christ et la Madeleine, Florence, coll. Corsini ; Pastorale, Bologne, P. N.). En outre, pouvant méditer à son aise sur l'œuvre de Pierre de Cortone au palais Pitti, il la comprend dans son aspect le moins frappant mais le plus profond, qui consiste à rendre vraisemblable le fantastique. De ces expériences naît cette grande fable lumineuse qu'est la décoration à fresque de la galerie et de la bibliothèque du palais Medici Riccardi (1682-1685), où les thèmes de l'Apothéose de la vie humaine et de la Vie de la pensée sont réalisés, en dépit d'un programme allégorique, symbolique et mythologique rigidement établi, avec une parfaite liberté d'invention, dans une composition unitaire, à la fois audacieuse et équilibrée. L'année 1684, date du retour de Giordano à Naples, marque une nouvelle période de recherche dans différentes directions : l'étude de la lumière berninesque (tableau d'autel du Rosariello alla Pigna, v. 1687), un rapprochement plus net avec Lanfranco, un retour au Classicisme soutenu par l'intérêt pour des peintres français comme Le Brun et Mignard, enfin la découverte, v. 1689, d'un nouveau style personnel très synthétique, s'exprimant par des touches rapides et une lumière en éclairs (toiles pour Marie-Louise d'Orléans, à la Casita de l'Escorial et au musée de S. Martino à Naples).