Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
J

Joan de Burgunya

Peintre espagnol d'origine française (documenté en Catalogne de 1510 à 1525).

Fils d'un orfèvre bourguignon, installé à Strasbourg, il aurait séjourné en Italie (Portrait d'une dame d'Estergom, Naples, anc. coll. de S. Marco) avant de se rendre en Espagne. À Valence, il aurait exécuté le Retable de saint André (Valence, chapelle du Miracle, et Barcelone, coll. part.). Dans les 8 scènes de la vie du saint se reflètent déjà les tendances maniéristes de l'artiste, son goût pour les architectures grandioses de la Renaissance, pour les scènes animées par des personnages grandeur nature qui semblent en perpétuel déséquilibre et pour les riches tissus aux dessins chamarrés (à motifs mauresques utilisés à la manière du Valencien Yañez, auprès duquel il a peut-être été formé). Puis son activité est documentée en Catalogne à partir de 1490. À Tarragone (Musée provincial) se trouvent les fragments d'un Retable de la Madeleine, pour lequel il reçut sans doute l'aide d'un de ses disciples. À Gérone, sa présence en 1519 est attestée par un document et par 3 œuvres importantes : la Crucifixion (Musée provincial), le Retable de sainte Ursule, détruit en 1936 à l'exception du panneau central (id.) et le Retable de saint Félix (église Saint-Félix), commencé par Perrys Fontanyes. Ce dernier ensemble, chef-d'œuvre de l'artiste, témoigne d'influences germaniques précises : celle de Dürer pour les compositions et celle de Michael Pacher pour la monumentalité des figures. La mort de Joan doit se situer peu avant le 3 décembre 1525, date à laquelle un contrat est passé avec Pedro Nunyes pour terminer le retable de Santa María del Pino (Barcelone), commencé par Joan de Burgunya.

Joest Van Kalkar (Jan) , dit aussi Joest Van Haarlem
ou Jan Joost Van Kalkar

Peintre néerlandais ( ? v.  1460  – Haarlem 1519).

Les archives de Kalkar le citent en 1480 — ce qui conduisit M. J. Friedländer à supposer que Jan Joest était originaire de cette ville — et de 1505 à 1508. Entre 1505 et 1508, Jan Joest peignit les volets du maître-autel de Saint-Nicolas de Kalkar, représentant 20 scènes de la Vie du Christ, œuvre gigantesque, de style anecdotique et dont certains détails font penser à Joos Van Cleve. D'autre part, les archives de la cathédrale de Palencia, en Espagne, attestent qu'un certain Juan de Hollanda exécuta le grand retable de cette cathédrale ; ces documents et une certaine parenté stylistique ont amené Friedländer à attribuer à Jan Joest ce retable, qu'il situe toutefois avant celui de Kalkar, donc avant 1505. C'est une œuvre aussi gigantesque que celle de Kalkar, qui comporte un panneau central, représentant Saint Jean et la Vierge avec le donateur Juan de Fonsera et entouré de panneaux plus petits, retraçant la Vie du Christ. Il faut souligner l'importance de Jan Joest, qui influença Barthel Bruyn et le Maître de Francfort, et qui aurait formé, selon Friedländer, Joos Van Cleve.

John (Augustus)

Peintre britannique (Tendy, Pembrokeshire, 1878  – Fryen Court 1961).

Il étudia à la Slade School of Art de l'université de Londres (1894-1898) et s'y fit rapidement la réputation d'un dessinateur insurpassable, héritier de la tradition des grands maîtres du XVIIIe s. Son Moses and the Brazen Serpent (1898, Londres, University College) lui valut le premier prix de composition à la fin de ses études. Mais John, contrairement à ce que l'on aurait pu penser, ne devint pas un artiste officiel et classique : il fut ainsi au premier rang, dans les années qui suivirent, des avant-gardes les plus audacieuses, probablement sous l'influence des séjours répétés qu'il fit en France à partir de 1899 et qui le mirent au contact des tendances les plus avancées de la peinture de son temps. Il exposa à partir de 1899 au New English Art Club et fit partie du Camden Group en 1911. Il peignait alors aussi bien des paysages (son exposition de 50 Provencal Studies en 1910 fit scandale et il travailla avec le paysagiste gallois J. D. Innes à partir de 1911) que des portraits (The Smiling Woman (Dorelia) [sa deuxième femme et son modèle le plus célèbre], 1908, Londres, Tate Gal ; G. B. Shaw, 1915, Cambridge, Fitzwilliam Museum) ou de grandes scènes décoratives dans la lignée de Puvis de Chavannes mais empreintes de modernisme (Lyric Fantasy, v. 1911 ; Galway, v. 1916 ; tous deux à Londres, Tate Gal.). Il mit ainsi à la mode le type de la beauté gitane, auquel son œuvre sera désormais associé. Sa carrière prit un tour plus conformiste après la Première Guerre mondiale, même si ses œuvres pouvaient encore choquer : il devint alors le portraitiste de la haute société et des célébrités de l'entre-deux-guerres (Madame Guilhermina Suggia, 1920-23, Londres, Tate Gal. ; Dylan Thomas, 1936, Cardiff, National Museum of Wales). A. R. A. en 1921, R. A. en 1928, John était intégré désormais aux cercles artistiques officiels (il fut trustee de la Tate Gal. de 1933 à 1940) et sa peinture apparut, dans les années 50, datée et dépassée. Un long déclin critique allait s'ensuivre, dont il ne fait aujourd'hui que sortir. On s'accorde en effet maintenant sur ses qualités techniques autant que sur les audaces formelles dont il fit preuve à ses débuts. Le National Museum of Wales de Cardiff a acheté son fonds d'atelier en 1972 (près de 1 000 dessins, 300 peintures et 3 bronzes). C'est donc là que l'artiste est le mieux représenté (la Tate Gal. conservant des œuvres importantes).

 
Il en va de même pour sa sœur Gwen John (1876-1939) , amie de Rodin, de Rilke, de Jacques Maritain. La carrière de celle-ci a été longtemps occultée par celle de son frère. Son œuvre, qui ne lui cède pas en qualité, reflète par son intimisme la vie de plus en plus recluse qu'elle mena à Paris, puis à Meudon après sa conversion au catholicisme, en 1913.

Johns (Jasper)

Peintre américain (Augusta, Géorgie, 1930).

Johns étudia quelque temps à l'université de Caroline du Sud et vint à New York en 1952. En 1955, alors que l'Expressionnisme abstrait était à son apogée, il peignit une série de Drapeaux américains et de Cibles (Flag, 1954, New York, M. O. M. A. ; Target with four faces, 1955, New York, M. O. M. A.), dont quelques-uns furent exposés à New York en 1957 chez Leo Castelli et furent particulièrement remarqués par l'historien d'art Robert Rosenblum. En 1958, quand l'artiste tint sa première exposition personnelle chez Castelli, les drapeaux et les cibles soulevèrent une tempête de protestations. Ces travaux réintroduisaient la figuration dans l'art américain et furent attaqués en tant que productions néo-dadaïstes. Johns utilisait l'ancienne technique de l'encaustique pour modifier la surface de la toile et identifiait ses images avec le fond, ou champ, donnant ainsi priorité à la surface plane et insistant en même temps sur la signification de l'image (Flag on Orange Field, 1957, Cologne, W. R. M., coll. Ludwig). À l'aide d'un répertoire limité d'objets et d'images d'une banalité usuelle, il offrit à l'expression artistique un surprenant éventail de virtuosité picturale : Numbers in Color (1958-59, Buffalo, Albright-Knox Art Gal.), The Big Five (1960, Paris, M. N. A. M.), Gray Alphabets (1956, Houston, coll. de Ménil), Map (1961, New York, M. O. M. A.). En 1960, il créa une série de " Sculptures " qui n'étaient autres que la reproduction en bronze peint de certains objets quotidiens (boîtes de bière, pinceaux du peintre plongés dans un pot de couleur) et qui posaient les mêmes problèmes théoriques de littéralité que les " Drapeaux " et les " Cibles " mais transposés dans un espace à trois dimensions. Un changement important se produisit après 1960. Johns renouvela alors rigoureusement à la fois son iconographie et sa technique en employant une touche plus brisée qui dissocie l'unité du champ de l'image et en établissant par ailleurs un écart absolu entre la représentation des choses ou leur dénomination (notamment les noms des couleurs : red, yellow, blue) et la réalité toute picturale du tableau (Land's End, 1963, San Francisco, M. O. M. A.). En 1973-74, il renonce à toute image pour peindre de grands tableaux " abstraits " composés uniquement de hachures obliques, limitées le plus souvent à trois couleurs (Dancers on a plane, 1980, Londres, Tate Gal.). Dans ses tableaux plus récents, ses différents thèmes (drapeaux, mots, hachures, objets, etc.) sont comme entrecroisés et, en 1985, il introduit pour la première fois la silhouette humaine peinte (les Saisons, 1985-86). Les œuvres se peuplent de références multiples, souvent cachées (à Grünewald, à Picasso, mais aussi à sa propre bibliographie).

   Johns s'est aussi affirmé comme un graveur de tout premier plan. Dessinateur accompli, il a prouvé que son répertoire limité de thèmes prenait une signification totalement différente une fois transcrit sur une surface et par des moyens différents (Three Flags, crayon sur papier, 1959, Londres, V. A. M.). En 1977, le Whitney Museum de New York et, en 1978, le M. N. A. M. de Paris lui ont consacré une rétrospective, présentée également à San Francisco, Tokyo et Cologne. En 1988, Johns a reçu le prix de la Biennale de Venise.