Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Dughet (Gaspard) , dit le Guaspre Poussin

Peintre français (Rome 1615  – id. 1675).

Longtemps méconnu, Dughet a bénéficié depuis quelques années des recherches de plusieurs historiens d'art qui ont permis de mieux connaître sa carrière et de mieux saisir son évolution et sa personnalité. À Rome, en 1630, Poussin épouse Anne Dughet, fille d'un pâtissier français établi en Italie et sœur de Gaspard. Celui-ci partagera de 1631 à 1635 le domicile de son beau-frère, qui, sans doute, l'initia à la peinture et, voyant la passion du jeune homme pour la nature et la chasse, l'orienta vers l'étude du paysage. L'année 1635 est occupée par plusieurs voyages (Milan, Pérouse). Dughet ne tarde pas à travailler pour les personnages les plus haut placés (ambassadeur d'Espagne près du Saint Siège, Grand duc de Toscane) et à jouir d'une flatteuse réputation. Hormis de nouveaux séjours à Pérouse et à Florence, puis à Naples, en 1642-1644, il partage désormais sa vie entre Rome, Tivoli et Frascati. En 1645, il entreprend pour les Carmes de Rome les fresques de S. Martino ai Monti, où il atteint à une grande noblesse. Puis il travaille au Palais Doria-Pamphili vers 1650 (nombreuses œuvres conservées), auquel succèdent diverses réalisations dans plusieurs grandes demeures et enfin les fresques du palais Colonna en 1667-1668, qui marquent l'apogée de la décoration murale de l'artiste. Parallèlement à cette activité, il multiplie les tableaux de chevalet. Dès le début de sa carrière, qu'il convient, semble-t-il, d'identifier avec celle du " Maître au bouleau argenté ", Dughet s'affirme comme un paysagiste original et novateur à la suite des grands précurseurs bolonais et aux côtés d'un Poussin ou d'un Claude Lorrain. Il a su exploiter toutes les ressources du genre, utilisant tour à tour toutes les techniques : huile, tempera, gouache, fresque, ainsi qu'une admirable suite de dessins, soit à la pierre noire (Düsseldorf), soit au lavis (ceux-ci fréquemment confondus avec ceux de son beau-frère).

   À l'influence de Titien prépondérante au début, vient bientôt s'ajouter celle des Nordiques, qui répond à la sensibilité de Dughet aux variations du temps et des saisons et à son sentiment épique de la nature, qui trouve un moyen d'expression privilégié dans les tempêtes dont le premier exemple apparaît dans les fresques du palais Muti Bussi à Rome vers 1635-1637. La simplicité des premiers paysages laisse supposer la transcription de sites réels. Puis l'intervention de la raison organisera ces données en des compositions plus rigoureuses sans cesser de laisser leur part à l'imagination et à l'observation. En même temps, les formes deviennent plus mouvementées et les frondaisons s'épaississent tandis que s'affine l'expression des jeux de la lumière, sans doute sous l'influence de Claude Lorrain. Si Dughet parvient à un dépouillement relatif dans ses dernières œuvres, jamais il ne renoncera à un certain romantisme qui l'apparente à Salvator Rosa (1615-1673), auquel on l'a souvent comparé, et qui lui donne une place à part parmi les paysagistes du XVIIe s. Ses œuvres seront fréquemment imitées et recherchées, particulièrement des " connaisseurs " anglais du XVIIIe s., ce qui explique leur abondance dans les collections et les musées britanniques (Oxford, Liverpool, Londres).

Dujardin (Karel)

Peintre néerlandais (Amsterdam v. 1622  – Venise 1678).

Fils du peintre Guilliam Du Gardin, il fut probablement élève de Berchem à Haarlem. Il vécut à Amsterdam de 1650 à 1655, à La Haye de 1656 à 1658, puis de nouveau à Amsterdam. En 1675, l'artiste se rend en Italie, en passant par Tanger. Trois ans plus tard, il meurt à Venise. La représentation du paysage méridional tient une grande place dans son œuvre, ce qui laisse à penser que Dujardin fit un premier voyage en Italie, entre 1640 et 1650 (on le retrouve à Paris en 1650). De cette période datent quelques bambochades et un certain nombre de paysages où figurent des bergers et des animaux. L'exécution de ces œuvres est encore un peu maladroite et fait songer à la technique de Pieter Van Laer et de Nicolaes Berchem.

   Ce n'est qu'après 1650 que l'artiste réussit à peindre, dans un style très personnel, des paysages pastoraux d'une haute qualité artistique. Dans ces peintures, quelques vaches, des moutons et des paysans (parfois la figure fait même complètement défaut) sont groupés au pied d'une colline ou de quelques arbres, de façon apparemment très simple, mais en réalité avec un raffinement extrême qui unit à un parfait naturel un équilibre harmonieux : Paysage à la cascade (1655, Louvre). La façon dont Dujardin exprime la matière et la profondeur témoigne d'une technique minutieuse, qui pourtant ne dégénère jamais en froideur. Le soleil et la chaleur sont suggérés à l'aide de couleurs brillantes et de contrastes marqués d'ombre et de lumière. Pour ce style très personnel, Dujardin s'est inspiré tout particulièrement de Paulus Potter (pour les thèmes et les techniques) et de Jan Asselijn (pour les jeux de lumière raffinés). À son tour, Dujardin a exercé une grande influence sur Adriaen Van de Velde.

   À partir de 1658 env., le peintre recherche une composition plutôt monumentale, ne comportant que quelques grandes parties. Les figures, plus grandes par rapport à la surface de la toile, sont réunies en groupes compacts et placées au premier plan. On peut constater la même recherche du monumental dans quelques paysages qui datent de cette période et dont émane un effet de grande profondeur, grâce aux petites dimensions données aux figures " de diamant " (Cambridge, Fitzwilliam Museum). On retrouve également cette recherche dans les représentations religieuses et mythologiques que Dujardin peint à cette époque et d'où se dégage parfois une véritable émotion dramatique : la Conversion de saint Paul (1662, Londres, N. G.). Puis son œuvre perd en intensité, jusqu'en 1675 environ où un deuxième séjour en Italie l'inspire de nouveau. Il exécute alors, au cours des trois dernières années de sa vie, un certain nombre de vues de la campagne romaine d'une facture large et empâtée ; ces toiles révèlent un style nouveau, inspiré de la peinture de paysage italienne, où les teintes sombres et brunes dominent, avec quelques taches de couleurs vives (Passage du gué, v. 1675, Paris, Institut néerlandais). Dujardin a peint non seulement des paysages et des tableaux d'histoire, mais aussi quelques portraits (un exemple de petites dimensions au Louvre, daté 1657). Il est également l'auteur d'un certain nombre de gravures, qui témoignent d'une technique subtile du clair-obscur.