Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Lippi (Filippo)

Peintre italien (Florence v.  1406  – Spolète 1469).

Lippi était frère convers au couvent du Carmine (Florence) à l'époque précise où Masaccio peignait les Scènes de la vie de saint Pierre dans la chapelle Brancacci et la Sagra (auj. détruite) dans le cloître contigu. Il quitta tôt le couvent et mena une vie aventureuse (encore que l'histoire de son enlèvement par les " Mores " et de sa captivité en " Barbarie " soit probablement le fruit de l'imagination de Vasari). Il faut au contraire accorder plus de crédit à la notice du chroniqueur concernant un séjour de Lippi à Naples, où il aurait trouvé un milieu de culture strictement flamande que certaines minuties de ses œuvres de jeunesse semblent bientôt refléter. En 1456, tandis qu'il peignait à Prato (dôme), il incita une religieuse du couvent de S. Margherita à fuir avec lui ; de cette union, légalisée ensuite grâce au pape Pie II, qui délia les deux fugitifs de leurs vœux, naquit un fils, Filippino, futur peintre lui aussi. Lippi se forma donc dans une ambiance encore gothique, mais sut regarder ce qui se faisait sous ses yeux à la chapelle Brancacci ; là, à côté des derniers raffinements gothiques de Masolino, s'affirmait avec violence le monde sévère et dramatique de Masaccio. Dans les premières œuvres de Lippi, la fresque de la Confirmation de la règle, autref. au cloître du Carmine (1432-33), et la Madone Trivulzio (Milan, Castello Sforzesco), l'empreinte de Masaccio transparaît dans les figures amples et pesantes ; mais Lippi refuse du premier coup tant la perspective rigoureuse qui ordonne les scènes de Masaccio que le caractère sévère et dramatique, dénué de toute complaisance décorative ou de toute rhétorique, que le chef d'école des peintres de la Renaissance leur conférait. Et c'est dans une série de figures rustiques et joyeuses que Lippi transpose cette humanité nouvelle, grave. C'est par cette traduction en formes plus simples et compréhensibles, par son abandon à des accents chaleureux et populaires que, dans la première moitié du XVe s., il réussit à rapprocher du nouveau style le grand public florentin, déconcerté par le langage dépouillé et rationnel inauguré par la Renaissance.

   En 1434, notre peintre est à Padoue, mais il ne reste rien de sûr de cette activité en Vénétie ; il ne semble pas, du reste, que Lippi soit encore en mesure d'introduire avec autorité le style nouveau de la Renaissance, ce que Donatello pourra au contraire faire, quelque temps plus tard, grâce à ses dix ans de séjour à Padoue.

   Revenu à Florence, Lippi peint en 1437 la Madone de Tarquinia (Rome, G. N., Gal. Barberini) l'œuvre où il se rapproche le plus de Masaccio, bien que le rapport entre figures et décor, si rigoureusement calculé chez Masaccio, soit annulé chez Lippi, dont la Vierge massive pèse, menaçante, sur la perspective en raccourci de la salle où elle se tient. L'artiste se montre alors à la fois marqué par le goût de la caractérisation propre à Donatello et une connaissance du naturalisme flamand (la nature morte). À partir de ce moment, l'influence d'Angelico sur Lippi devient de plus en plus évidente et se manifeste en particulier par l'emploi de couleurs claires et lumineuses. En 1437, les Barbadori commandent le retable avec la Vierge et l'Enfant entourés d'anges, de saint Frediano et de saint Augustin (Louvre ; prédelle avec Saint Frediano changeant le cours de la rivière ; Annonciation de la mort de la Vierge ; Saint Augustin, aux Offices), où se note, dans les drapés des anges latéraux surtout, ce rythme linéaire qui, à partir de 1440, s'accentuera dans la peinture florentine sous l'influence d'Andrea del Castagno et des solutions linéaires apportées par Donatello. Les œuvres les plus significatives de cette période sont le Couronnement de la Vierge (1441, Offices) et les deux Annonciations (Florence, église S. Lorenzo ; Rome, N. G.), où Lippi donne à l'atmosphère raréfiée et spirituelle d'Angelico un caractère plus terrestre et concret, conforme à son tempérament d'homme et d'artiste. En 1452, il est chargé de la décoration à fresque du chœur du dôme de Prato, dont il termine le cycle des Scènes de la vie de saint Jean-Baptiste et de saint Étienne en 1464. Toujours de 1452 date le tondo Bartolini (Florence, Pitti) avec la Vierge et l'Enfant et des scènes de la vie de la Vierge. Certains détails, comme le voile de la Vierge, la figure de la porteuse de corbeille, anticipent les subtilités linéaires de Botticelli, d'ailleurs futur élève de Lippi. Dans les œuvres postérieures à 1455, comme la Vierge et l'Enfant soutenu par deux anges, la Vierge adorant l'Enfant et saint Hilarion (toutes deux aux Offices), Lippi mêle, et souvent sans discrimination, les souvenirs les plus disparates de sa culture, de la sensibilité fragile des figures d'Angelico à la solidité pesante des formes de Masaccio et rappelle même certains traits du Gothique finissant, comme les rochers écaillés de la Vierge adorant l'Enfant avec saint Bernard peinte pour Lorenzo Tornabuoni (Offices). L'artiste meurt à Spolète, où, avec son jeune fils Filippino, il était allé peindre les Scènes de la vie de la Vierge du chœur de la cathédrale. Cette dernière œuvre, récemment restaurée, laisse voir des faiblesses, dues en grande partie à l'intervention de collaborateurs, et en particulier de Fra Diamante. On doit ainsi à Lippi quelques remarquables portraits de profil inscrits dans une architecture (New York, Metropolitan, musées de Berlin).

Lippi (Lorenzo)

Peintre italien (Florence 1606  – id. 1665).

Formé dans l'entourage de Matteo Rosselli, il se distingue de son maître et de ses condisciples par ses tendances naturalistes. Sous l'éclairage égal et délicat qu'il préfère, les formes acquièrent une présence concrète, tout en gardant une élégance typiquement toscane. Des documents, récemment retrouvés, se référant à sa jeunesse permettent maintenant de reconstituer l'ensemble de sa carrière picturale. À ses débuts, Lippi peignit surtout des portraits, des sujets bibliques (Samson et Dalila, Stockholm, Nm ; Judith, musée de Narbonne) ou d'inspiration littéraire, commandés par des collectionneurs (Allégorie, musée d'Angers), où il montre sa prédilection pour le Classicisme et la simplicité, remis en honneur par les œuvres de Santi di Tito, réformateur de la peinture florentine au XVIe s. Il s'oppose donc ainsi aux recherches d'effets spectaculaires des disciples de Cigoli et de Rosselli. Le Christ et la Samaritaine (Vienne, K. M.), exécuté pendant son séjour à la cour de l'archiduchesse Claudia de'Medici à Innsbruck (1644), est particulièrement significatif de sa manière noble et équilibrée. Son Triomphe de David (1656, Florence, coll. part.) est une véritable galerie de portraits montrant l'épouse de son mécène Agnolo Galli et ses seize enfants.

   Parmi les œuvres destinées à des monuments publics, rappelons les Concerts d'anges peints pour les lunettes de la Cappella Ardinghelli (Florence, église S. Gaetano), d'un caractère décidément naturaliste qui évoque la précision optique de Gentileschi. Lippi, qui eut aussi une activité littéraire, est l'auteur du poème Il Malmantile riconquistato (1676), parodie burlesque de la Jérusalem délivrée.