Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Binoit (Peter)

Peintre allemand d'origine néerlandaise (Cologne v.  1590-1593  – Hanau  1632).

Membre d'une famille de protestants réfugiés en Allemagne et rassemblés à Francfort-sur-le-Main et à Hanau, Binoit se spécialisa dans la peinture de fleurs et de natures mortes. Sans doute se forma-t-il chez Daniel Soreau, dont il épousa la nièce en 1627. Son plus ancien tableau connu est daté de 1611. Dès avant 1627, le peintre devait se fixer à Hanau, mais il était aussi actif à Francfort, comme le prouve le Bouquet de fleurs dans un vase de porcelaine, daté de 1620 (musée de Darmstadt).

   Peu variée, sa production comprend essentiellement des Vases de fleurs, des Gerbes très construites, à la manière de Beert et de Bruegel de Velours, des Corbeilles de fruits avec des oiseaux picorant le raisin, et des Repas où les objets rappellent souvent ceux de Flegel et où réapparaît fréquemment le motif central d'une carcasse de poulet (Stockholm, Nm ; Louvre ; musée de Groningue), comparables aux productions si voisines d'un Beert, d'un Jacob Van Es ou d'un Floris Van Schooten. Binoit reste, à l'instar de ces derniers artistes, attaché à un stade encore archaïque et comme maniériste de la nature morte, où priment le sens décoratif et une tendance à l'étalement énumératif des objets sur un plan presque vertical, qui gauchit nettement la perspective. Du moins ce premier réalisme mènet-il à travers son insistance (chaque motif est décrit pour lui-même) à la découverte de la poésie propre aux objets.

Bioulès (Vincent)

Artiste français (Montpellier 1938).

Deuxième Prix de Rome, professeur à l'école des Beaux-Arts d'Aix-en-Provence, Vincent Bioulès, jusqu'à la moitié des années 70, concentre l'essentiel de son travail sur la réalité tangible de la couleur, dans sa confrontation avec son support. Ainsi, avec le groupe Support-Surface, il interroge l'existence purement matérielle du tableau. Dans cet esprit, il conjugue le monochrome avec un renoncement partiel du recouvrement de la toile au profit de la teinture et du badigeonnage. À partir de 1969, son travail est marqué par l'utilisation de la bande de papier adhésif comme moyen de structuration formelle de la surface, imprimant une dimension arbitraire et involontaire à l'élaboration de l'œuvre.

   L'adhésion de Vincent Bioulès au groupe Support-Surface repose sur une volonté commune de contester l'idéologie et la représentation autant que les circuits traditionnels et institutionnels de distribution et d'exposition de l'art. De 1966 à 1973, il participe, au sein du groupe A. B. C. Production de Montpellier, à de nombreuses expositions en plein air à Perpignan, Tours, Limoges et Montpellier (100 Artistes dans la ville), court-circuitant les musées et le réseau marchand. En 1970-1972, il prend part aux activités de Support-Surface, notamment à l'A. R. C. (1970) et à la Cité universitaire de Paris (1971). Après l'éclatement du mouvement, en 1972, Bioulès revient à une peinture plus traditionnelle et figurative, qui, sans céder à un retour au naturel, se situe entre Matisse et Dufy (l'Été indien à Montpellier, 1982 ; le Chant des sirènes, 1995). Il enseigne à l'E. N. S. B. A. (Paris) dès 1991. Une exposition a été consacrée à Bioulès (musée de Toulon) en 1995 et à Montpellier (musée Fabre) en 1996.

Birolli (Renato)

Peintre italien (Vérone 1905  –Milan 1959).

Dès ses premières œuvres (Saint Zénon pêcheur, 1931, Milan, G. A. M.), proches de celles des artistes turinois du Gruppo dei Sei, il s'oppose aux tendances du mouvement du Novecento. Après un séjour à Paris (1936), la découverte des fauves et de Cézanne l'incite à des recherches de couleurs plus précises (Sicilia, 1940, Milan, coll. part.). Tout en participant au mouvement Corrente, Birolli reste attaché à une interprétation lyrique et expressionniste : la série de dessins qu'il exécute en 1944, réunis sous le titre de Dessins de la Résistance, pose le problème du réalisme et de l'art social d'où naîtra le mouvement du Fronte nuovo delle Arti, auquel Birolli participera à la fois comme artiste et comme théoricien, publiant des articles dans des journaux et des revues. Il exposera avec ce groupe à la XXIVe Biennale de Venise en 1948. Par la suite, influencé par Picasso, il évolue vers une abstraction formelle de type cubiste, pour aboutir à une formule proche du paysagisme abstrait de l'école de Paris et en particulier de Manessier. À cette époque, il se joint au Gruppo degli Otto qui comprend Afro, Corpora, Moreni, Santomaso, Turcato et Vedova et qui bénéficie du patronage de Lioneleo Venturi. Ses tableaux (Paysage de la Nécropole, 1953) évoquent toujours la nature et se trouvent à mi-chemin entre abstraction et figuration. Birolli aboutira dans ses dernières œuvres aux confins de l'abstraction informelle. Dès 1949, il travaille en France, en Italie et en Belgique, expose fréquemment en Italie, en Allemagne et aux États-Unis. Ses œuvres sont conservées dans différents musées italiens et abondamment représentées dans des collections privées milanaises.

Biscaino (Bartolomeo)

Peintre italien (Gênes v.  1632  – id. v.  1657).

Il fut l'élève de son père, Giovanni Andrea, modeste paysagiste. Puis il subit fortement l'influence de Valerio Castello, au point que les œuvres des deux artistes furent pendant longtemps confondues. Actif durant dix ans à peine (il fut l'une des victimes de la peste de 1657), il poussa à son extrême la manière de Castello, y ajoutant toutefois une note fabuleuse et chatoyante, bien personnelle : Adoration des bergers et le Christ et la femme adultère (Dresde, Gg). Il fut aussi un excellent graveur, dans le sillage de Castiglione.

Bishop (James)

Peintre américain (Neosho, Missouri, 1927).

Il fit ses études successivement à la Syracuse University, à la Washington University School of Fine Arts, au Black Mountain College et à la Columbia University. Il voyage en Italie et en Grèce en 1957-58 et s'installe à Paris en 1959. Ses études d'histoire de l'art et sa longue fréquentation de l'Europe lui permettent d'occuper rapidement vis-à-vis de la peinture américaine — il fait ses débuts quand l'Expressionnisme abstrait est à son apogée avec Pollock, puis avec Newman et Rothko — une position critique. Il réagit notamment contre la notion du gigantisme de l'" échelle américaine " et l'ostentation de la couleur. Après une première expérimentation de l'Action Painting, dont il conserve l'intérêt pour le geste, il adopte progressivement v. 1962-63 une structure géométrique, et, à partir de 1967, les tableaux de Bishop sont de format unique (2 m × 2 m) ; la surface est partagée en deux rectangles horizontaux égaux, et l'un des rectangles est lui-même partagé en six rectangles ou en huit carrés comme dans Sans titre, 1973, musée de Grenoble. La couleur déposée, monochrome et discrète (ocres, terres, blancs-gris), se répand ensuite par soulèvement d'un bord de la toile posée à plat. Après maints passages de couleur, le rectangle finit par décrire les carrés ou rectangles. Ainsi, ce n'est nullement la ligne qui délimite les champs, mais la rencontre de deux surfaces colorées. La couleur surface devient une couleur espace. Dans certaines toiles, un rectangle est laissé en blanc, ce qui engendre une tension dialectique avec la partie peinte.

   Les toiles de Bishop sont ainsi des lieux privilégiés où opèrent avec rigueur et subtilité l'espace, la forme et la couleur. Son œuvre est bien représenté dans les musées américains ainsi que dans les musées français (Paris, M. N. A. M. ; musée de Grenoble). Une rétrospective a été consacrée à l'artiste (Paris, G. N. du Jeu de Paume) et à Winterthur est à Münster en 1994.